Universe building

14 décembre 2015 à 14:56

The Expanse est ce que j’attends de SyFy… ou plutôt, ce que franchement je n’attendais même plus.
Attention, cette review peut inclure des spoilers, si tant est qu’un spoiler dans un pilote existe.

Tout y est magnétisant. Bien-sûr le mérite en revient partiellement au fait que la série s’appuie sur une saga littéraire : construire un monde complet quand on a sous la main une bible comme celle-là est forcément plus aisé que quand on s’inspire de comics dessinés à la va-vite, par exemple et au hasard. Mais il faut quand même reconnaître que The Expanse existe dans un univers où rien ne semble gratuit, et qui vibre d’une énergie complexe, palpable, humaine.

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Le fait que The Expanse s’appuie, en outre, sur un fort propos social, joue sans aucun doute à son avantage. Car dans deux siècles, tout aura changé et rien n’aura changé.

Certes, d’un côté, la Terre a colonisé tout le système solaire : la Lune, d’abord (désormais rebaptisée Luna), avec laquelle elle partage désormais un gouvernement ; Mars, aussi, qui a pris son indépendance et a désormais le visage d’une grande puissance militaire ; et la « Ceinture », enfin, cette ribambelle d’astéroïdes qui abritent les ressources naturelles faisant fonctionner les autres installations humaines. Tout cela est fort charmant si vous habitez la Terre… beaucoup moins si vous êtes nés sur la Ceinture, où vous attend un vie d’ouvrier sous-payé, vivant dans des conditions déplorables où l’eau et l’air sont des denrées de luxe, et travaillant dans des équipements vétustes (ce que la corruption rampante n’arrange pas). Sans parler du mépris que les « planètes intérieures » vouent à ces travailleurs au corps déformé par l’absence de gravité et l’air dégueulasse des bidonvilles de la Ceinture ; lesquels sont à deux doigts d’un soulèvement qu’OPA, une organisation considérée terroriste par la Terre, prépare dans l’ombre.
Le voilà l’avenir selon The Expanse, un avenir où en plus, le spectre d’une guerre imminente entre la Terre et Mars plane sur le système solaire.

En mettant l’accent sur ces dynamiques sociales et politiques, et sur le mode de vie des travailleurs de la Ceinture (qui sont en train de développer des différences physiques, mais aussi culturelles et linguistiques), The Expanse veut avant tout nous parler non pas d’espace, mais de groupes sociaux. C’est difficile de regarder Cérès et ne pas penser à Germinal. Difficile de ne pas observer avec empathie ces nouveaux pauvres, qu’ils travaillent dans les tréfonds de Cérès, ou dans l’acheminent des précieuses cargaisons des planètes intérieures à bord de navires cargo décrépits. Difficile ne pas voir l’exploitation de ces gens qui vivent leur existence entière à charrier des matières premières pour d’autres, à vivre dans des souterrains sans fin sans jamais voir le soleil, à respirer de l’air cent fois recyclé… s’ils ont de la chance.
D’autant plus difficile qu’on voit très peu la Terre dans ce premier épisode, et pas du tout Luna ni Mars.

Voir l’exposition de tout cela dans le pilote de The Expanse est formidable parce que la série prend grand plaisir à nous détailler tous ces aspects, à nourrir notre curiosité sur tous ces éléments. Ils apparaissent, à défaut d’un meilleur terme, comme organiques : le rêve de la conquête de l’espace s’est transformé en une réalité pas très propre, comme d’habitude quand les humains créent quelque chose.

Ce n’est que ponctuellement que cet épisode introductif fait l’effort de nous donner un coup de coude pour nous rappeler que, hey, j’ai pas juste un univers à vous montrer, il se prépare un truc dans tout ce bazar ! Ce truc est encore très flou, osons le dire. Il occupe la toute première scène de l’épisode, et quelques unes sur la fin ; très peu en-dehors de cela, ou alors en se contentant d’allusions vagues.

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Un navire marchand, le Scopuli, a échoué en marge de la Ceinture. A son bord, une jeune femme, probablement la dernière survivante d’une situation critique ; mais cela, personne ne le sait, pas même l’équipage du cargo Canterbury, le seul à se trouver dans la zone et à capter le signal de détresse. Une partie de l’équipage du Canterbury emprunte une petite navette, le Knight, pour aller voir sur place s’il y a des survivants à aider… et y découvrent une véritable énigme quant au sort de son équipage. C’est alors qu’ils s’apprêtent à rentrer bredouilles que le Canterbury est touché par une frappe surprise de vaisseaux a priori martiens qui n’étaient apparus sur aucun radar.

Ç’aurait été tellement simple pour The Expanse de commencer par les faits du paragraphe précédent. De jouer sur l’adrénaline, le mystère et la destruction, beaucoup plus qu’elle ne le fait. Tant d’autres pilotes auraient fait ce choix ; en fait, beaucoup l’ont fait, ou de façon similaire, en essayant d’alpaguer le spectateurs avec du danger et de l’action, laissant la construction d’un univers dense pour le long terme, s’il y a lieu (The Expanse bénéficie d’une commande initiale de 10 épisodes).
Mais The Expanse ne recherche clairement pas la facilité : elle veut décrire, plus qu’un évènement dans l’espace, tout l’espace tel qu’il est occupé par l’humanité. Cet évènement, on le devine au vu des nombreux éléments sociaux et spatiopolitiques, va probablement changer la façon dont cet espace est occupé ; le focus est précisément là, pas vraiment dans les petites histoires de chacun, qui de toutes façons sont totalement subordonnées aux dynamiques du système solaire. Et dans une série de science-fiction, n’est-ce pas là ce que tous nous voulons ?!

Quand cette dimension s’ajoute une production soignée, où les effets spéciaux sont léchés et où les décors ne sont pas en toc (et si le visionnage de Defiance plus tôt cet automne m’a appris quelque chose, c’est que rien n’est plus facile à rater que la création d’un monde futuriste et pauvre), et où la très large distribution ne cherche pas à cabotiner (sauf peut-être Thomas Jane, mais ça passe), eh bien, ma foi, c’est vraiment impossible de ne pas aimer The Expanse. Non que j’aie ccessayé très fort.
Seulement 10 épisodes ? Même quand la chaîne donne dans l’excellence, SyFy nous torture décidément jusqu’au bout.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

1 commentaire

  1. mabo dit :

    Ca m’a l’air tout à fait intéressant. C’est difficile de trouver de bonnes séries de SF de nos jours et c’est vrai que Syfy a quand même l’habitude d’avoir de bonnes petites idées même si après sur la durée ça ne résiste pas longtemps. Merci pour l’article, j’irai jeter un oeil !

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