Après des décennie de mariage, Jed et Iris donnent une fête immense et raffinée… afin de célébrer leur divorce. La séparation s’est faite à l’amiable : tous deux sont conscients d’avoir fait un beau bout de chemin ensemble. La soirée qui se tient dans leur manoir de campagne célèbre plus leur passé commun que leur séparation ; la fête doit cependant se ponctuer par la signature officielle de leurs papiers de divorce, qui sont en chemin par coursier. Cela laisse à tous le temps de boire et danser, mais aussi de repenser aux années passées côte à côte… ou plus largement, aux choix passés et présents.
Iris a d’ailleurs un nouvel objet d’affection : le jeune William, aussi beau qu’il manque de finesse. Elle est prête à refaire sa vie avec cet amant si simple, à tant d’égards : outre sa condition et son intelligence modestes, William est également un homme dont les ambitions sont humbles.
Iris ignore par ailleurs que sa jeune sœur Louise, qu’elle prend pour une vieille fille désespérée, est depuis toujours éprise de Jed. Pour eux, à présent, la voie est libre… le bonheur de Louise ne pourrait être plus grand.
Tout le monde n’est pas aussi enthousiaste face à la séparation de nos héros. Leurs amis proches Patrick et Ellen sont eux aussi unis depuis des années, et vivent ce divorce (plus encore doté de pareille célébration) comme un défi lancé à la résistance de leur propre relation.
La somptueuse soirée marque aussi une autre séparation : au terme de 10 années de collaboration et d’amitié, Jed et Iris se séparent de leur assistante, Caroline, une jeune femme dévouée et énergique qui va devoir quitter leur style de vie extravagant. Un retour à la réalité cruel : la jeune femme s’est endettée jusqu’au cou en essayant de trouver sa place dans la haute société, y compris en empruntant de l’argent à des personnages peu recommandables. Ils se sont justement présentés au manoir ce soir.
Parmi les invités s’est aussi glissé un jeune serveur, Toby, qui est en fait un admirateur de Jed. Il espère profiter de la soirée pour approcher celui qu’il considère comme le critique d’art le plus important du pays, et se faire remarquer de lui… pour, peut-être, vivre enfin de son art au lieu de petits jobs.
Avec ses personnages pléthoriques, ses relations complexes, ses passions plus ou moins secrètes, The Divorce a des airs de soap opera ; c’est évident, et ça tombe bien : c’est voulu ! Mais ce qui fait toute la différence, c’est que The Divorce est… un opéra.
Écrite spécialement pour la télévision (le livret est signé par deux femmes : Joanna Murray-Smith pour les textes, Elena Kats-Chernin à la composition), mais produite par Opera Australia (LA compagnie d’opéra du pays), The Divorce est une mini-série diffusée au début de la semaine sur ABC1, composée de 4 épisodes de 25 minutes environ. Autant dire qu’elle a été diffusée en plusieurs jours, mais fonctionne plutôt comme une pièce d’un seul tenant, ce qui vu sa genèse n’est pas surprenant.
Ses épisodes (et notamment la façon dont ils finissent, souvent brutale : la découpe en 4 épisodes ne colle pas non plus au développement en 3 actes) trahissent un manque de connaissance en matière de structure télévisuelle, mais, à l’âge du binge watching qui plus est, on peut décider qu’il n’est pas important qu’une scénariste s’intéresse à ce genre de détails. Et puis d’ailleurs, ça tombe plutôt bien que The Divorce se regarde en une fois, comme ça quelques cinémas australiens peuvent le projeter sur grand écran (je ne suis que jalousie).
Malgré ce détail, qui selon votre degré de purisme vous agacera ou non, The Divorce est fascinante. Sa capacité à créer dés les premières images une atmosphère lyrique, alors que personne ne chante et qu’objectivement la mise en place est assez classique, enchante immédiatement. Son excellente réalisation séduit avant que quiconque n’ait poussé la moindre note, preuve d’un effort visible dans tous les domaines afin d’en faire une production léchée. Et par-dessus le marché, elle n’est pas dénuée d’un humour fin, quoique ponctué à l’occasion de quelques swear words… hey, l’opéra a été écrit en 2015, après tout ! Dans sa volonté de mélanger un art classique à une culture plus moderne, on y trouvera même une référence par-ci par-là au botox ou à Twitter, d’ailleurs.
Tout ça pour dire que The Divorce fait vraiment tout ce qui est en son pouvoir pour prouver à ses spectateurs que l’opéra peut les intéresser, au-delà des clichés, et sans pour autant sacrifier la qualité. Bon sang, j’ai envie d’acheter le DVD et l’envoyer à France Télévisions. Je plaisante : quand je mettrai la main sur ce DVD, je le garderai jalousement pour moâ.
Les efforts produits par The Divorce pour ramener l’opéra à la télévision (d’où il a fui à peu près alors qu’arrivait la couleur, donc soyons clairs, on n’est pas ici dans un concept absolument inédit, juste modernisé) sont payants. La production est sublime, les acteurs sont fantastiques, et j’ai un faible en particulier pour les duos, qui fonctionnent extraordinairement bien (bien mieux que les quelques solos).
L’intrigue n’est en soi pas d’un immense suspense ; ce classicisme, pourtant, se ressent plus comme un hommage à la tradition lyrique qu’une absence d’idées. The Divorce parvient à trouver quelques façons de tout de même nous surprendre, et quand la série y échoue, il lui reste son ton, son rythme et son humour. Alors qu’importe s’il n’y est question quasiment que d’amour ! Il est difficile de résister à son charme, son enthousiasme, sa dévotion à divertir élégamment.
Mon seul regret ? Qu’il soit possible de regarder The Divorce en pyjama ; tout de suite, c’est un peu moins classe.