Préparer un fun fact sur la série Everwood m’a donné envie d’y glisser un oeil à nouveau. Et qui dit « glisser un oeil », dit review de pilote, parce que l’occasion de parler de séries n’étant plus à l’antenne est trop belle pour la laisser passer.
Je n’éprouve pourtant pas de nostalgie particulière à l’encontre d’Everwood ; je devais être déjà trop vieille lorsqu’elle a débuté, et n’étais probablement plus dans sa cible. Pourtant, peut-être parce que ça fait des années que j’entends Tao en parler avec émotion dés que la moindre occasion se présente, j’ai toujours eu le sentiment que c’était une série pleine de tendresse. Mais je ne l’ai jamais regardée assez assidûment pour en être certaine, et n’en ai jamais vraiment eu l’envie. Alors quand ce coup de tête m’a poussée à regarder le pilote pour la première fois depuis des années, je me suis dit que c’était un peu maintenant ou jamais.
Il ne fait nul doute qu’Everwood remplit tous les critères d’une série de la WB, avec ce mélange de teen drama et de série familiale qui permettent de réunir tout le monde devant un même écran, à l’instar de Gilmore Girls, qui fait l’actualité si merveilleusement aujourd’hui. La série démarre alors que le Dr Brown se retrouve subitement veuf, et doit donc assumer seul la garde de ses deux enfants alors qu’il s’était jusque là largement reposé sur son épouse pour cet aspect de leur vie. Tout aussi subitement, quelques mois à peine après ce décès, il décide de plaquer sa brillante carrière de neurochirurgie à New York, et d’ouvrir un cabinet dans la petite ville du Colorado la plus small town possible, Everwood. Ce qui évidemment n’est pas du goût de son fils aîné, Ephram… ni du goût du seul autre médecin de la bourgade, d’ailleurs.
L’intrigue est introduite par Irv, un personnage totalement secondaire, voire tertiaire, de cet épisode d’exposition (il doit avoir prononcé 5 phrases maximum), qui nous raconte le tragique passage de vie à trépas de Mme Brown comme s’il nous racontait la plus magique des légendes. Il y a sans aucun doute un effort d’écriture pour faire de cette voix-off un peu bancale (Irv admet lui-même n’avoir pas assisté aux trois quarts des évènements qu’il décrit) un véritable outil d’accueil du spectateur ; le vocabulaire, les tournures de phrases, et le personnage choisi pour sa gentillesse (son seul trait de caractère visible dans le pilote, en fait), sont là pour donner l’impression qu’un conteur est chaleureusement en train de nous raconter une histoire dans notre salon. Ce n’est pas seulement qu’Everwood se déroule dans une petite ville, avec tous les clichés qui vont bien, c’est que la série nous invite à vivre intimement la proximité créée par ce lieu. Même les passages à Manhattan n’ont rien de brutal ou de froid (d’autres séries adoreraient avoir joué sur un contraste), parce que la série veut avant tout que le spectateur se sente bien, en confiance, à l’aise. Et c’est précieux parce que c’est en autorisant très tôt le spectateur à être vulnérable, que les premières minutes de l’épisode parviennent à dépasser le cliché (enterrement, période de deuil pendant laquelle les Brown sont murés dans le silence…) et vraiment instaurer une émotion. On se sent tout de suite touché par cet univers doux, et pourtant fragile.
L’arrivée des Brown à Everwood est l’occasion d’introduire un peu plus d’énergie ; le Dr Brown, en particulier, se montre facilement accessible, drôle, voire même insolent, sans jamais passer pour un arrogant aux yeux du spectateur. Comme tous ceux qui l’approchent, c’est difficile de résister à sa bonhommie ; le plus étrange c’est qu’elle n’apparaît pas comme étant en décalage avec la tragédie qu’il vient de vivre. On sent qu’il a bon fond, et que ce changement de décor lui fait énormément de bien ; il faudra attendre pas mal de temps pour que le pilote nous dise pourquoi il a pris cette décision de partir à Everwood avec sa famille sous le bras, mais même avant que cette explication n’intervienne, on n’a pas le sentiment d’assister à quelque chose de déplacé ni d’étrange. Everwood tire beaucoup avantage de ce personnage singulier, clairement bon vivant, mais en même temps très honnête avec lui-même et notamment sur ses lacunes en tant que parent ; en créant ce personnage, la série s’assure qu’on n’est pas dans une logique de « père qui fait contre mauvaise fortune bon cœur », et souligne combien c’était le manque de temps qui l’empêchait d’être présent dans la vie de ses enfants jusque là, pas le manque d’envie. Et là encore, c’est ce genre de nuance discrète qui permet à Everwood d’éviter les clichés, et de proposer des personnages moins simplistes que ce que le pitch aurait pu laisser penser, pour créer du lien avec le spectateur.
Plus simpliste mais pas moins intéressant, est l’aîné des Brown, Ephram, qui va passer le plus clair de l’épisode à… écoutez, je vois pas d’autre moyen de le décrire : à adolescenter. Il râle, il boude, il fait du sarcasme, il est en colère, il hurle… et puis il boude à nouveau. Évidemment, comme il n’existe pas de teen drama sans romance, Ephram va tomber sous le charme d’une fille rencontrée au collège, avant de découvrir qu’elle a un petit ami, qu’elle l’a approché avec des intentions bien précises, que son frère est une brute épaisse, et qu’en plus elle est la fille du seul médecin établi à Everwood jusque là… ce qui lui garantit plein d’être plus maussade encore. Ce n’est pas l’originalité qui étouffe Everwood avec cette mise en situation, et je confesse être bien plus intéressée par les interactions d’Ephram avec sa famille qu’avec Amy, mais enfin, bon, j’ai déjà vu pire.
Mais ce qui vous vend le pilote d’Everwood définitivement, c’est le décor. Rien que la gare abandonnée que le Dr Brown transforme en cabinet médical est géniale dans son genre ; mais en nous montrant ses rues enneigées et sa vallée figée dans le temps, la série donne un charme fou à la petite ville dont elle porte le nom. Malgré la rigueur du climat, rien ne rend Everwood froide, inhospitalière ou désagréable (Ephram va même faire du vélo pour aller au collège sans sortir une seule réplique sur l’état de la route). On a l’impression que, paradoxalement, ça rend la série chaleureuse : le froid permet à des voisins de discuter autour d’un café bien chaud, à des amis de papoter sur un banc surmontant la ville, on s’emmitoufle dans des écharpes et des manteaux, on porte des gants, bref tout cela donne plutôt chaud au cœur plutôt que froid aux pieds.
Le résultat ? En ce qui concerne cette exposition, Everwood est plutôt chouette, et qui plus est, elle vit bien le passage du temps. Je ne sais pas si je saurais me captiver pour ses intrigues, surtout du côté d’Ephram, mais j’avais oublié (ou peut-être n’avais pas repéré la première fois ?) qu’elle avait autant de charme et de chaleur humaine. Everwood est le genre de série qui vient au-devant de vous à bras grands ouverts. Et la regarder quand il fait froid et gris dehors, vraiment… ça fait énormément de bien, je recommande.