Après n’avoir pas eu que des compliments à adresser à son premier épisode, c’est pour des raisons très personnelles que j’ai décidé de poursuivre 37.5°C no Namida. Son héroïne, Momoko, est en effet une adulte ayant subi des violences psychologiques dans l’enfance, et bon bah je vous fais pas un dessin, hein. Ayant assez peu d’espoir que la qualité de la série soit transfigurée par le passage du temps, j’ai essentiellement décidé de la poursuivre afin de pouvoir observer le portrait qui serait fait d’un tel personnage, et de ses souffrances passées et présentes. Il n’existe, à vrai dire, pas beaucoup d’autres raisons de regarder 10 épisodes de 37.5°C no Namida.
Voici donc un bilan de saison/série qui tient compte de ce fait ; pour les mêmes raisons, il peut être difficile à lire pour certains d’entre vous.
37.5°C no Namida a beau avoir repris la case occupée plus tôt cette année par Mother Game, son héritage est plutôt à trouver du côté de Ashita, Mama ga Inai et même Mother. Toutes proportions gardées en termes de qualité. Car bien que la série aborde des difficultés vécues par les parents qui font appel au système de garde de Little Snow (lequel, pour rappel, fait déplacer une assistante maternelle à domicile lorsqu’un enfant malade n’est pas accepté en garderie/maternelle), ces questions resteront très superficiellement abordées, et de façon assez simpliste et manichéenne comme j’ai pu vous le dire lors de la review du premier épisode. On notera, certes, quelques évolutions dans la façon dont l’héroïne Momoko envisage le rôle des parents dans les familles où elle intervient ; progressivement, on la verra prendre aussi le parti des parents et pas simplement de leur progéniture en cas de situation difficile, ce qui est un progrès quand on considère combien la série commençait de façon prêchi-prêcha. Mais ces démonstrations autour des difficultés de la parentalité restent très en marge du propos central de la série.
Au long de ses 10 épisodes, 37.5°C no Namida va préférer mettre en scène l’emprise de la mère de Momoko sur celle-ci, les séquelles sur la psychologie de Momoko à l’âge adulte, et la façon dont son tempérament est pour ainsi dire infecté par le comportement toxique de sa matriarche (et dans un second temps de son grand frère). La plupart des interventions de Momoko dans les familles qu’elle visite sont liées à cela ; on la verra ainsi prendre plusieurs fois le parti d’enfants rabaissés par leur mère, et pousser les parents à réengager les dialogue (avec des effets très variables, notamment à la toute fin de la série). Le fait que le patron de Momoko, Monsieur Asahina, s’inquiète régulièrement du bien-être de son employée et lève progressivement le voile sur les sévices vécus par celle-ci dans son enfance, renforce cela : même quand Momoko n’est pas à l’écran, c’est plus d’elle qu’il s’agit que de son travail. En fait, à peu près à mi-parcours, 37.5°C no Namida va décider que ce travail est plus une expression de l’évolution de Momoko qu’une source d’intrigue procédurale (un épisode = un enfant gardé) telle qu’on pouvait l’observer dans les tous premiers épisodes.
Ce n’est pas un choix qui joue en faveur de la qualité de la série sur un plan structurel : on a l’impression d’assister à des changements constants de focus. Si tous les éléments de départ ont effectivement été posés dés le premier épisode, l’importance qu’y prête le scénario est trop fluctuante. Tant de bonnes intentions se bousculent que la qualité de la série s’en ressent, en particulier parce que tout en modifiant sa démarche, 37.5°C no Namida insiste pour être positive et grand public.
Un autre problème est que plusieurs épisodes de 37.5°C no Namida passent inutilement du temps à installer un triangle amoureux qui n’a pas vraiment de sens. L’épisode consacré à la visite d’un parc d’attractions, notamment, semble faire du remplissage ; le remplissage est peut-être monnaie courante dans une série américaine de 20 épisodes et des poussières, et tolérable dans ce contexte, mais dans le cadre d’une série qui n’a que 10 épisodes et qui le sait depuis le début, c’est inexcusable.
Dans le fond, on sent bien que le triangle amoureux est une façon de rendre la série accessible à un plus grand public, mais l’idée est très mal exploitée, a fortiori dans le cadre d’un dorama qui s’attache tellement à parler d’enfance. Chacun des enjeux amoureux potentiels de l’héroïne a certes un enfant, mais Momoko a une relation beaucoup plus aboutie avec l’un de ces enfants. Qui plus est, les interactions de Momoko avec l’un de ses prétendants sont beaucoup moins superficielles qu’avec l’autre, si bien qu’il n’y a aucune raison pour que l’issue de ce triangle soit un suspense.
Malgré tout, regarder 37.5°C no Namida n’est pas une ballade dans le parc (d’attractions), tant elle aborde de nombreux sujets difficiles.
Elle le fait généralement en simplifiant les choses ; l’exemple le plus flagrant est celui de la mère de Momoko. Ce personnage est une « méchante » sans nuance, avec la musique qui va bien et les yeux haineux dés son apparition à l’écran ; ses « motivations » pour maltraiter Momoko sont ridicules et leur explication intervient très tardivement. Qui plus est, le personnage est tellement unidimensionnel que ces détails n’ajoutent aucune complexité au personnage ou à ses relations au reste de la famille. On aurait aussi bien pu s’en passer.
Malgré ces simplifications, c’est pourtant l’une des rares séries à mettre en scène des concepts complexes telle que l’emprise parentale, le harcèlement et le chantage affectif, l’isolement forcé, les troubles de stress post-traumatique, et surtout le gaslighting, une pratique très peu abordée dans la fiction (un comble alors que le terme est né de là !), y compris dans les séries où les scénaristes auraient un boulevard pour en détailler les subtilités perverses. Je rêve d’avoir l’occasion de m’en charger un jour, mais c’est pas le sujet. Autant de sujets qui se voient ici vulgarisés, presque jamais explicitement nommés, mais qui remplissent l’air de rien une fonction pédagogique indéniable.
Évidemment, de mon point de vue d’experte (malgré moi), la situation telle que dépeinte ne ressemble que de loin à ce que l’on vit de l’intérieur. Il est par exemple confondant que Momoko ait passé 6 années sans le moindre contact avec sa mère, et qu’elle ait réussi à de créer une carrière dans la petite-enfance (d’abord en travaillant en maternelle, puis en rejoignant Little Snow) sans jamais une fois remettre en question son vécu. Si les séquelles sont encore vives, rien ne justifie qu’elle ne se soit pas sortie, au moins un peu, de l’emprise de sa mère pendant ces années de rupture de contact. Le simple fait qu’elle ait fait son possible pour effacer sa trace pour ne pas être retrouvée montre qu’une prise de conscience avait eu lieu. Or la série va au contraire utiliser le personnage de M. Asahina pour obliger Momoko à « prendre conscience » que sa mère est un danger (passant à deux doigts du statut de chevalier blanc – dommage pour l’excellentissime performance de Hiroki Narimiya). La naïveté des auteurs sur ce genre de points me laisse penser qu’ils n’ont pas écrit d’expérience, mais au contraire, avec une vision un peu angélique d’une « victime » faisant contre mauvaise fortune bon cœur (un trope de la télévision japonaises, sans aucun doute) et facilement abusée.
Quelques autres exemples encore tendraient à me rendre critique de la démarche de 37.5°C no Namida, mais il me faut aussi dire que d’autres éléments sont réussis. Les scènes pendant lesquelles Momoko découvre que son frère, puis sa mère, ont retrouvé sa trace, alors qu’elle n’a jamais dit à personne ce par quoi elle était passée, sont glaçantes. J’ai eu l’impression de revivre les sueurs froides et les angoisses silencieuses du téléphone qui sonne, du nom qui s’affiche, de l’action de décrocher qu’on n’ose si stopper ni poursuivre, avec cette forme confuse de honte parce qu’on a le sentiment qu’on « doit » au parent maltraitant de se rendre disponible malgré les tourments que son seul nom sur un écran nous fait subir. C’est là qu’on voit que Momoko est consciente d’un danger, quand bien même elle n’a pas la force de l’éviter longtemps, puisqu’elle mentira à sa meilleure amie (généralement par omission) sur la nature de ces appels.
La série va aussi passer de longues scènes, nécessaires et plutôt brillantes, à montrer combien Momoko, même dans son absence de rébellion contre les mauvais traitements, et même avec les années d’éloignement, est consciente de vivre encore aujourd’hui leurs conséquences. Les épisodes sont régulièrement peuplés de flashbacks sur une maltraitance en particulier ; leur mise en scène est relativement simpliste (et proche du côté procédural de la série, à savoir « un épisode = un flashback » au lieu de jouer sur la répétitivité de certains souvenirs), mais finalement assez parlante en matière de « triggers ». A plusieurs reprises la série va montrer comment ces souvenirs remontent d’eux-mêmes pour parfois des broutilles (manger un bento fait maison par exemple), tout en étant hautement significatifs, et très intenses sur le moment pour Momoko. Encore une fois, pas le genre de thèmes que les fictions ont l’habitude d’aborder.
37.5°C no Namida ne mérite pas forcément tous les prix de l’univers, loin de là, mais ses intentions sont bonnes. Ses défauts sont faciles à surmonter (sauf cette histoire de triangle amoureux, mais j’avoue avoir un problème avec les triangles amoureux en général) pour peu qu’on ait l’envie/le besoin de se raccrocher à son portrait des violences psychologiques dans l’enfance. Il me faut d’ailleurs préciser que, fait rarissime, ces violences ne deviennent jamais physique de la part de la mère, une nuance que très peu de fictions sur la maltraitance des enfants s’autorisent.
Pour quelqu’un qui comme moi, a besoin de séries de ce genre pour exorciser quelques démons parentaux, 37.5°C no Namida ne met pas en danger : je pouvais même regarder la série en mangeant, et finalement la naïveté de la série la rend « safe » même pour des spectateurs un peu fragiles. Mais bien que cathartique, 37.5°C no Namida ne parvient pas, en 10 épisodes, à se montrer aussi puissante que d’autres séries sur le sujet, ni à aller aussi profond dans son sujet qu’il le faudrait. Je n’ai pas fini la série sur les rotules, et quelque part je le regrette car elle avait comme rarement l’occasion d’explorer certaines thématiques. Mais en même temps, je l’en remercie, sans quoi il m’aurait fallu bien plus qu’une semaine pour la finir. Et quand une série qui a quelques bonnes idées sur un sujet complexe se regarde facilement, au bout du compte, je me dis qu’elle a réussi son pari.
Je viens de terminer ce drama et j’ai aussi une impression de survolé. Il y aussi quelques incohérences à mon avis, comme pourquoi le frère de Momoko qui semble pourtant ne pas être le dernier des abrutis, n’a jamais remarqué la maltraitance (même psychologique) de leur mère avant que celle-ci ne raconte tout à Momoko lors des funérailles. Le triangle amoureux est effectivement inutile, surtout quand on voit comment il se conclut. La raison pour laquelle Momoko rejette Shinohara est on ne peut plus pathétique et illustre bien ce côté grand public (bien pensant ?) que tu décris. Bon, tu parles de Ashita Mama ga Inai et je m’aperçois que celui-là, je ne l’ai pas vu 🙂
Je t’avoue que j’avais mis ça sur le compte de la toxicité de la mère ; parce que quand on regarde bien, chaque fois que la matriarche fait quelque chose de négatif avec Momoko dans les flashbacks/souvenirs, elle fait immédiatement l’exact opposé avec sa fratrie, et on peut donc imaginer que de son côté, le grand-frère de Momoko vit avec les séquelles d’une relation fusionnelle ; d’ailleurs à l’âge adulte, il est toujours beaucoup plus proche de la mère (on ne la voit pas seule en compagnie de son autre fille, par exemple). Moi en tous cas je l’avais interprété comme ça.