Allez, on continue les reviews sur les saisons précédentes de Falling Skies pendant que se dénouent les derniers épisodes de la série, en abordant cette fois, vos calculs sont justes : la saison 3.
Le season finale qui l’a précédée était un cliffhanger de haute volée ; on commence à saisir que c’est le modus operandi de la série, à ce stade : nous allécher en fin de saison avec UN élément mythologique énaurme. Alors que les humains de Charleston découvraient une nouvelle race alien, arrivant de façon imposante… dans un panorama déjà largement constitué de Mechs, de Skitters, de « fishheads », mais aussi de harnais-mollusques, de pseudo-Réplicateurs appelés Crawlies, de vers-espions et autres joyeusetés. La galaxie entière s’est donné rendez-vous sur Terre ! Mais qu’est-ce que ça veut dire, au juste ?
Eh bien dans la saison 3, on n’en saura guère plus sur cette nouvelle race (…ça aussi on commence à réaliser que c’est le modus operandi de la série). Les Vorls, puisque c’est leur nom, indiquent simplement être en guerre avec les Esphenis (c’est le nom des « fishheads », un peut tard en saison 3 pour introduire une nouvelle dénomination à mon goût). Ils débarquent donc en très petit comité sur la planète bleue, environ une vingtaine d’après Tom Mason, afin de poursuivre leur combat, et pactisent avec les humains pour retarder les plans des Esphenis. La saison 3 commence sept mois après l’arrivée des Vorls, et il faut donc tenir leur installation, leurs relations avec les autochtones, ainsi que leurs stratagèmes, pour acquis.
Ces derniers semblaient clairs à tout le monde sauf moi pendant les premiers épisodes. La découverte que les Vorls construisent une arme intrigante mais supposément providentielle occupe la majeure partie de la saison, pourtant rien à faire, on n’en sait jamais grand’chose. Tom Mason, qui entre les deux saisons est devenu Président des Nouveaux États-Unis d’Amérique (ouaip ouaip ouaip), semble suffisamment au courant pour faire confiance, mais n’en pipe pas un mot à quiconque, et surtout pas au spectateur. C’est légèrement saoulant, mais c’est simplement la manifestation des habitudes des scénaristes de Falling Skies qui savent précisément ce qui en est, mais qui oublient que ce n’est pas du tout le cas de ceux qui regardent. On pose peu de questions essentielles dans la série, comme toujours, et pire encore, au lieu d’y répondre par du suspense, ce qui serait un choix totalement valide bien que frustrant, on y répond en… zappant les questions pendant quelques épisodes. Ou en ignorant copieusement les tentatives de réponses (Tom Mason transmet un dossier qui n’est même pas lu alors qu’y était expliqué la nature de l’arme… un peu plus tard, la personne qui a eu le dossier entre les mains exige à un tiers qu’on lui dise quelle est la nature de l’arme).
C’est exactement le même problème que jadis avec les harnais, dont la nature a si peu été questionnée alors que les découvertes de la saison 1 faisaient froid dans le dos, et que les frissons avaient été rappelés en saison 2 pendant la transhumance vers Charleston. Mais rien à faire, dans Falling Skies, on fait avancer l’intrigue en début et fin de saison, et point barre.
Alors que faire dans l’intervalle ?
Un peu tout et rien. Falling Skies introduit la potentialité d’une taupe parmi les humains, mais cette intrigue, qui aurait pu être porteuse, sous-entend plus de drama que d’avancée de l’intrigue à proprement parler. Il apparaît en effet que cette taupe, infiltrée par un vers-espion (apparemment capable de manipulation/possession ? j’apprends comme vous), n’est nul autre que Hal, le fils aîné de Tom Mason.
Ç’aurait pu être une véritable catastrophe mais, comme les humains sont super trop forts et que tout le monde aime Tom Mason (sauf Pope) (ça pourrait être le pitch d’un sitcom), ça se finit en jus de boudin et on n’aura rien appris dans l’intervalle. Pire encore, une seconde taupe est introduite presque aussitôt après, reproduisant un schéma similaire pour la Résistance (bien que totalement inexploité dramatiquement) sans réel bénéfice narratif.
Je ne sais sincèrement pas pourquoi, à ce stade, je persiste à attendre de Falling Skies qu’elle me raconte UNE histoire : je sais depuis la saison précédente qu’elle est bien plus intéressée par la perspective de raconter DES histoires à l’intérieur de son contexte de science-fiction. Parfois c’est purement militaire, parfois c’est dramatique, parfois c’est euh posez pas des questions comme ça (l’épisode où Mason et Pope sont perdus en forêt), mais globalement le concept n’est pas de faire avancer quoi que ce soit. Sans être composée d’épisodes indépendants, Falling Skies a comme un air anthologique, quelque part, et c’est à la fois frustrant et une position créative originale. Je devrais la respecter mais rien à faire, je ne m’y fais pas. Et c’est ce qui explique que Falling Skies, alors qu’elle a absolument tout pour me plaire, ne sera jamais l’une de mes séries de SF préférées. Ni même l’une de mes séries de guerre préférées.
Et pourtant ce n’est pas grave, car quand j’arrive à me détacher de ces attentes, je passe un excellent moment. Avec une certaine dose d’adrénaline, bien-sûr, en raison des scènes d’action, mais aussi parce que des problématiques intéressantes continuent d’être soulevées, quand bien même elles sont trop rarement explorées en profondeur ensuite. Après tout, le mérite n’est-il pas de soulever des questions intéressantes, même si après le spectateur cogite essentiellement seul dans son coin ?
Ainsi dans cette saison 3, un épisode va venir nuancer le fait que Charleston se soit auto-proclamée dernier bastion des USA, en nous faisant découvrir que le Président des États-Unis est toujours en vie à Keystone. Un peu gênant étant donné que Tom Mason est lui-même Président des Nouveaux États-Unis et qu’il a, à ce titre, mené des négociations avec les Volms ! Bon, au bout de deux épisodes, le problème est réglé (encore heureux parce que Stephen Collins sur mon écran, j’ai de plus en plus de mal), mais quand même. Après quoi les scénaristes réalisent que présidentialiser Tom Mason les pénalise sur pas mal d’aspects, et il décide de démissionner en faveur de la vice-Présidente Peralta ; une bonne occasion d’interroger tout le processus démocratique. Pope va aussi poser des questions fugaces, mais passionnantes, sur le capitalisme dans le contexte de guerre de Falling Skies : il s’est dépêché de trouver un moyen de gagner des crédits (les dollars ayant disparu ; on a vu Tom s’en servir comme de vulgaire combustible au début de la saison 2 après tout) mais est vite limité dans ses options car il n’y a pas grand’chose à acheter à Charleston, et peu de possibilités de faire du commerce au-delà. Bien que ne s’étendant pas sur la question, tout simplement parce qu’à raison de 10 épisodes par an, il faut faire des choix, ces pistes font travailler l’imagination, et c’est déjà chouette !
Il y a aussi dans cette troisième saison de Falling Skies une étonnante métaphore filée qui n’a eu de cesse de m’intriguer : la série se donne des airs de western. Ça passe par des points de détails, mais leur mise à l’écran comme leur nombre écarte toute possibilité de coïncidence. Tom Mason arbore ainsi un long manteau doté désormais d’un plastron avec montre à gousset ; lui et quelques autres montent désormais à cheval pour des actions ou du transport ; le bar tenu par Pope est un saloon poussiéreux dans la plus pure tradition du genre ; sans parler du chef des Vorls qui a un nom imprononçable que les humains ont simplifié en « Cochise ».
Si la science-fiction est le genre métaphorique par excellence, Falling Skies devrait cependant s’en tenir aux comparaisons simplistes, car transformer les humains en cow boys n’a pas de sens apparent. Comme une conversation en saison 1 l’a souligné, ici les humains seraient plutôt les Amérindiens, colonisés et menacés d’extinction, que des pionniers.
Je n’ai pas compris le sens de ces rapprochements, s’ils en ont un autre que stylistique, mais c’était amusant de relever et tenter de disséquer ces ingrédients.
Tout cela est à ajouter à la vraie grande force de Falling Skies : désormais débarrassée des tics de Bisounours de ses tous premiers épisodes, la série ne recule plus devant l’obstacle, et s’enfonce toujours plus loin dans une vision sombre et déprimante de son contexte.
Quoi qu’il se passe, désormais la mort est partout ; que ce soit sous les balles, de froid, de faim, de plein de choses, Falling Skies n’a plus aucun scrupule à dépeindre un pessimisme qui, s’il est dénué de totale renonciation, est régulièrement rappelé aux spectateurs. Après Lourdes dans la saison précédente, qui s’était éteinte psychologiquement à la mort de son petit ami Jamil, c’est par exemple Jeanne qui va sortir des couplets noirs sur l’avenir de l’humanité.
Certes la dynamique est toujours la même : un personnage (généralement féminin ; ce sont ceux qui se battent le moins au propre comme au figuré) voit les choses d’un oeil sombre, les combattants (la famille Mason en tête) décident de ne pas se laisser abattre, une bataille est remportée, mais ça ne suffit jamais et un nouveau danger se dresse et/ou est découvert, conduisant à une nouvelle constatation défaitiste. Rincez, recommencez. Mais là encore, ce n’est pas tant la structure de Falling Skies qui impressionne, que sa faculté à ne pas chercher à dépeindre des personnages uniformément vaillants. Tom Mason s’impose toujours comme le héros qui ne relâche jamais la lutte, mais le monde autour de lui (et lui-même dans un épisode de cette saison où il semble prêt à accueillir la mort comme une délivrance) ne perd pas de vue que la situation est grave ET désespérée. Ajoutez à cela une bonne dose de paranoïa, de la fatigue, et tout le reste, et ça donne un cocktail tragique très efficace. Je regarde Falling Skies en appréciant ses efforts pour s’empêcher de maintenir l’espoir dans son univers, alors que la tentation est souvent forte. Cette lutte interne est palpable dans certains épisodes (oh, Liberty Tree) mais assez rare à observer, plus encore dans une série qui veut rester relativement grand public.
Cette nouvelle saison de Falling Skies est imparfaite, loin s’en faut. Mais Falling Skies, bien que fondamentalement imparfaite elle-même depuis son apparition, n’est pas dénuée de qualités. Et quand je les observe, j’oublie que certaines choses sont simplistes, ou répétitives, ou peu originales (moi aussi j’ai vu V dans les années 80), et je vois une série qui fait son possible pour tenter des choses autour de son thème. Ça rate parfois, et alors ? Est-ce que ça ne vaut pas mieux que de ne pas les avoir tentées ?