L’un des temps forts de la première journée de Série Series est la projection du début de Humans, la série américano-britannique dont vous savez forcément qu’elle est l’adaptation de la série suédoise Äkta Människor.
Humans fera la soirée d’ouverture du festival, ce soir à 20h, et il est encore temps de sauter dans un train pour y assister car l’équipe sera présente ; mais comme je n’y serai pas, je me suis dit qu’on allait parler de la série dés cet après-midi, étant donné que sa diffusion a déjà commencé outre-Manche et outre-Atlantique.
Il est difficile, pour les spectateurs qui l’ont vu, de ne pas penser à Äkta Människor tout au long du premier épisode de Humans. C’est le cas pour toutes les adaptations, bien-sûr, mais dans le cas de cette série je crois qu’il y avait aussi, pour les spectateurs qui l’ont suivie, une grande part d’affection. Beaucoup d’entre nous ont guetté les news sur cet étrange projet (je me rappelle avoir créé la fiche fébrilement sur SeriesLive deux mois avant le lancement de la série environ), puis ont tenté le coup en dépit de l’absence de sous-titres (ça ne nous rajeunit pas) avant de finalement nous réjouir que, pour une fois, une série suédoise ait des fansubs anglais et finalement français. Plus tard sont venus : la diffusion sur arte, les espoirs de renouvellement, les audiences en baisse de la saison 2…
Äkta Människor est peut-être la première série suédoise à avoir eu une véritable fanbase internationale qui la soutenait au cours de son périple, alors que c’est devenu courant pour beaucoup de séries américaines (il suffit de voir la couverture des projets développés et les réactions au moment des Upfronts sur ceux qui sont, ou non, commandés) et plusieurs britanniques. Au bout du compte, en partie parce qu’elle est une série de genre et que la science-fiction a une propension à développer des cult followings mieux que les séries policières (un genre dont les importateurs de séries scandinaves nous ont abreuvés, mais où le lien est plus ténu), Äkta Människor est devenue l’une de ces séries que l’on aime sincèrement, qu’on chérit avec une certaine tendresse… et donc qu’on a du mal à voir se transformer avec une adaptation.
Car elle est là, la clé de Humans : ce n’est pas un simple remake, mais une adaptation qui, bien que suivant plusieurs des grandes lignes de la série originale, s’est trouvé une identité propre. Dans le cas d’une autre série qu’Äkta Människor, ces changements seraient perçus comme bienvenus ; mais ici, la comparaison étant chargée d’affect, ces modifications peuvent être difficiles à admettre.
Humans a par exemple choisi un style visuel plus orienté vers la recherche de réalisme ; ici pas d’esthétique rétro, pas de couleurs pastels, pas de robots ayant l’apparence et la texture de peau de poupées, mais des créatures dont on ne doute pas vraiment, dans le fond, qu’elles soient plus que des machines. Cela leur donne d’emblée un air menaçant (Anita perd dans la version anglophone toute l’innocence qu’on lui prêtait dans la version suédoise à son réveil) ou en tous cas, secret. Cela rend aussi plus compliquée l’identification aux personnages qui, eux, sont liés émotionnellement à leur robot.
Une atmosphère de méfiance qui est entretenue par la façon dont la série présente le commerce de Synths : le passage en magasin est à peine survolé, quand les dessous pas très propres du trafic de Synths sont appuyés dés le premier épisode. Les médias du monde de Humans parlent de robotisation de façon sérieuse, sans nous montrer finalement en quoi il sont devenus attrayants pour la société qui y a tant recours (…par exemple au moyen de publicités). La rencontre avec Anita elle-même est montrée comme une opération commerciale froide et voire intrusive, entre autres parce que la mise en route de celle-ci se déroule sur le lieu d’achat, et non au sein du foyer.
Ces nuances, perceptibles lorsqu’on a vu leur équivalent suédois, confèrent une ambiance propre à Humans qui lui garantit de n’être jamais vue comme une simple resucée.
La première heure de Humans est anxiogène sur tous les niveaux. Rien ne la sauve de cette impression ; et c’est, quelque part, tant mieux. Mais cela lui donne aussi un côté difficile d’accès, peu humain. Vous m’accorderez que le jeu de mot s’impose.
Dans Humans on saute directement dans l’inquiétude et la méfiance. On entre d’emblée dans un thriller qui ne s’appuie que très vaguement sur le drame : ce n’est clairement pas sa vocation d’origine que de questionner humainement la société dans laquelle les Synths évoluent. Et de ce fait, certains points de la version suédoise me semblent voués à ne jamais faire le voyage dans la version anglophone, ce qui m’interroge beaucoup car ils me semblaient essentiels.
Une chose est sûre : Humans ne marche pas sur les plates-bandes d’Äkta Människor. Et c’est une chouette nouvelle pour ceux qui s’étaient promis de découvrir un jour la série suédoise : vous avez encore le temps, et les deux se complètent plutôt bien à ce stade.