Puisqu’on a parlé d’Histoire télévisuelle et de vieilles séries ce midi, pour notre deuxième rendez-vous western de la journée, je vous ramène dans le présent ! Enfin, façon de parler, puisqu’on continue de causer western, mais avec une série qui démarré plus tôt cette année, Texas Rising.
History est en train de se faire une petite réputation, l’air de rien, en matière de séries historiques. Ce n’est pas surprenant en termes de contenu (on n’attend pas franchement de la science-fiction sur une chaîne comme celle-là), mais côté qualité et surtout engouement du public, il faut admettre que c’est un peu déroutant. Hatfields and McCoys a par exemple encouragé la chaîne à se lancer dans toujours plus de mini-séries ambitieuses, et avec un cast toujours plus impressionnant. Après Sons of Liberty, Texas Rising est absolument dans la même veine, et s’intéresse cette fois à l’indépendance du Texas.
On y trouve la panoplie de personnages de western, et ce dés la première minute introductive : des pionniers, des bandits, des Indiens… Mais bien-sûr, comme il s’agit d’une guerre d’indépendance, des personnages politiques et des militaires s’ajoutent à la combinaison gagnante, permettant d’offrir un western un peu bâtard. Et c’est tant mieux : qui de nous a vraiment envie, de nos jours, de regarder un bête western où un héros solitaire sauve tout le monde ?
…Ahem. J’ai parlé trop vite. Le sort du Texas repose en effet pour l’essentiel entre les mains du Général Houston, qui tente de prendre les bonnes décisions alors que le chaos gagne du terrain. Sam Houston, un homme abimé aussi bien moralement que physiquement, mène une compagnie de fortune faite de soldats inexpérimentés, mais c’est là le moindre de ses soucis. Il a en effet demandé aux hommes postés à Alamo de battre en retraite ; ses ordres ont été ignorés et désormais les Mexicains, conduits par le Général Santa Anna, ont rasé le fort, ne faisant aucun prisonnier, et ne laissant s’échapper que quelques femmes pour témoigner de l’horreur et mettre en garde Adams. Désormais l’armée mexicaine avance vers le nord, en direction de Goliad ; le prochain fort sur sa route est Fort Defiance, auquel une fois de plus, Houston a fait transmettre l’ordre de se retirer afin de recomposer une armée plus forte, plus loin ; mais encore une fois, ses ordres sont sur le point d’être ignorés…
Houston pourra-t-il, malgré son armée en déroute et les défaites qui s’annoncent, offrir au Texas son indépendance du Mexique ?
Fort heureusement, il n’est pas seul dans cette entreprise, et peut compter, outre quelques hommes de ses troupes, des rangers texans qu’il a embauchés et qui comptent parmi les meilleurs du métier, parmi lesquels Karnes, un homme expérimenté et un leader charismatique, « Deaf », un sourd qui allie à la fois une grande sagesse et une expertise chevronnée, ou encore Anderson, qui se bat comme un Indien et les connaît mieux que personne.
C’est que, dans la région, il ne faut pas sous-estimer la présence des tribus indiennes, et notamment les Comanches, qui font régner la terreur y compris parmi les rangers les plus rodés.
Texas Rising n’est pas exactement, en dépit de son sujet, une série de guerre ; en tous cas son premier épisode est 100% western. Bien que les épisodes suivants soient capables de changer de ton (et après tout, en donnant plus ou moins rendez-vous à Santa Anna au nord du Texas, Houston fait bien là une promesse au spectateur), cette première heure et demie est dans la plus pure tradition du western bavard des années 50, entrecoupé de quelques scènes équestres, et une ou deux séquence d’action pour faire bonne mesure. Mais concrètement, on est vraiment dans le dialogue, et vu que c’est quelque chose qui se perd en matière de western, c’est un bon point à attribuer à Texas Rising.
Ce n’est pas seulement une question d’exposition : les personnages de Texas Rising, au contraire, sont très peu nuancés, et aucun n’est vraiment complexe ; la présentation qui est faite de chacun est suffisamment révélatrice de leur essence, et les scènes ultérieures faisant parler ces personnages ne dévoilent rien, elles confirment. Par contre, la mini-série tient en très haute estime les échanges entre les personnages, les discussions stratégiques, et les positionnement moraux ; on a droit presque dés le début (juste après que la dévastation de Fort Alamo soit montrée) à une longue conversation de Houston avec quelques uns de ses officiers sur la conduite à tenir, sur ce qu’il a l’intention de faire, sur les raisons qui devraient le pousser à faire ci ou mi, et c’est cela qui passionne réellement Texas Rising. Pas vraiment se lancer dans un pseudo-biopic qui nous dise qui était le « vrai » Général Houston, mais plutôt à essayer de nous replonger dans un contexte de violence où des hommes comme lui essayent de se trouver une conduite, et de s’y tenir, quand bien même les évènements ne les y aident pas.
Comme tous les vrais bon westerns, Texas Rising parle d’hommes qui essayent de rester droits dans leurs bottes, et qui s’opposent à d’autres qui y ont renoncé.
Hélas, si Texas Rising insiste tant sur l’importance des dialogues dans sa narration, la qualité desdits dialogues reste un gros problème. Ils manque souvent de finesse, d’intelligence, ou à défaut, d’élégance ; mais la plume de Texas Rising (en fait trois plumes : celles de Leslie Greif, Darrell Fetty et George Nihil) n’a aucune forme de grâce ni d’élasticité. Elle est qui plus est limitée par un scénario où les intrigues se succèdent de façon prévisible, et où les positionnements moraux sont relégués au second plan derrière le ridicule (qui pour une fois, tue).
Le meilleur exemple se trouve vers la fin de l’épisode, lorsque Houston tombe sur un des hommes ayant déserté son armée, alors que celui-ci est en train d’essayer de gruger une pauvre vieille femme déjà démunie. Il fait arrêter le déserteur, et pour l’exemple, le fait passer en cour martiale quelques instants plus tard ; toute la scène est écrite autour de dialogues devant nous faire comprendre combien Houston tient à faire de ses troupes désordonnées des soldats respectueux du code militaire, et des citoyens en général.
Nous sommes supposés admirer sa rigueur morale lorsqu’il fait représenter le déserteur par Anderson afin qu’il soit défendu devant le tribunal militaire ; nous sommes supposés admirer sa patience devant les conneries que débite quand même le déserteur qui pourtant devrait, cupide qu’il est, se saisir de l’opportunité de s’offrir un silence d’or ; nous sommes aussi supposés admirer la sagesse de Houston lorsque finalement il annonce à son officier, discrètement, que le déserteur qui vient d’être condamné à mort pourrait très bien s’échapper que ça ne le défriserait pas plus que ça. Sam Houston n’est pas un bourreau, il est en fait clairement en train de prendre systématiquement le chemin le moins violent… comme dans tout western classique. Mais pour vraiment apprécier cette scène, il faudrait que les dialogues soient meilleurs : moins empesés, moins banals, moins prévisibles.
Dans Texas Rising la plus petite blagounette ne suscite pas un tressaillement des zygomatiques, parce qu’on l’a vue arriver à des kilomètres… Et tout est sur ce mode, faisant d’une mini-série qui aurait pu être intelligente, un travail totalement raté.
C’est parce que les dialogues passent à côté de leur objectif (et non leur longueur) qui fait regretter qu’il n’y ait pas plus d’action dans Texas Rising.
History a clairement lu le manuel de la parfaite event series moderne, et a réussi à mettre dans un même projet de l’argent, une bonne distribution, une réalisation du feu de Dieu (Texas Rising a un don pour trouver LE décor de folie et le montrer dans toute sa grandeur ; sûrement un peu aidé par quelques ordinateurs, mais qui suis-je pour pinailler ?), et des thèmes intéressants. Son inaptitude à embaucher les scénaristes à la hauteur de ces idées de grandeur fait vraiment tâche dans le lot.
Mais qu’importe ! Car un western se regarde aussi au premier degré, et en l’occurrence, les spectateurs de ce genre de séries attendent aussi qu’on leur insuffle un grand élan patriotique et qu’on leur rappelle pourquoi leur pays, voire leur État pour certains d’entre eux, est grand : parce que, même partis de rien, même au bout du bout, même écrasés par Santa Anna, les Texans ont finalement gagné leur indépendance. Oh pardon, c’était spoiler, peut-être ? Mille excuses.