S’il y a bien une chose que la télévision du 21e siècle m’a apprise, c’est que rien n’est plus dangereux qu’une banlieue résidentielle propre. Non seulement Desperate Housewives nous l’aura dit et répété, mais toutes les séries de la planète s’étant engouffrées à sa suite ont confirmé que cette terrible menace n’avait rien de strictement étasunienne. Tenez, ne vous parlais-je pas de la mort qui rôde dans une paisible allée en cul-de-sac du Pays de Galles avec 35 Diwrnod il y a quelques semaines à peine ?
Des séries comme celles-là vous donneraient presque envie de ne pas devenir propriétaire. Et si vous en doutez encore, bienvenue dans Nieuwe Buren, qui exclut également les Pays-Bas comme destination de villégiature. Considérez-vous prévenus.
Et si jamais cet avertissement n’était pas encore assez clair, la toute première scène de Nieuwe Buren se charge d’expliciter : un petit garçon et un clown se dirigent en chantant vers la maison de l’enfant, où ils déchantent pour le moins rapidement puisque s’y trouvent des cadavres.
Enfin bon, on imagine. Parce que tout ce qu’on a vu, c’est un clown perdre son sourire et regarder une trainée de sang sur la magnifique baie vitrée de la demeure. Mais qui a besoin de plus pour comprendre le message ?!
Cette charmante scène est, évidemment, c’est la loi vous le savez, maintenant seules les séries de ploucs ne le font pas, un simple flash forward, juste avant que l’intrigue ne revienne 22 semaines plus tôt (ah, pas 35 jours ? bon, chacun son truc), alors qu’un jeune couple, Eva et Peter, cherche à acquérir une maison en vue d’y accueillir leur famille, sur le point de s’agrandir : Eva est enceinte. On aimerait leur hurler qu’il vaut mieux ne pas investir dans de la pierre s’ils tiennent à leur quiétude (a minima), mais ils sont sourds comme une chaîne privée française aux appels des téléphages de bon goût. Bien que la maison d’un quartier pavillonnaire de Zonnewijk leur semble parfaite, elle est légèrement chère, mais le couple n’a plus vraiment le luxe de se poser trop de questions, puisque bébé arrive dans 10 semaines et qu’ils ne vont quand même pas rester dans leur petit appart. Et puis leur inquiétude est vraiment ailleurs : ils se promettent que ça ne les rendra pas bourgeois.
Oui, dans Nieuwe Buren, les enjeux sont très hauts. Mais ces « nouveaux voisins » (c’est la traduction littérale) vont très vite se rendre compte que, naturellement, leurs espoirs de vie meilleure vont être freinés par l’ambiance de la rue où ils ont élu domicile.
J’en veux pour preuve leurs voisins immédiats. Il y a d’un côté Rebecca et Steef, qui sont jeunes, beaux, et légèrement dysfonctionnels. Rebecca est une coach sportive, toujours magnifique et sexy même quand elle s’occupe de leur fils (oh ! je te reconnais, toi), et Steef est un flic détestable au privé comme au boulot, puisqu’il n’hésite pas à se servir pendant les saisies de drogue afin de se créer un petit supplément de revenus. Et puis il y a Lily et Jasper, deux cinquantenaires qui se détestent aussi cordialement qu’humainement possible, étant donné que lui a un solide béguin pour Rebecca, et qu’elle est une acariâtre femme et un peu handicapée, ce qui n’arrange rien à leur quotidien.
Le point de départ de Nieuwe Buren est assez familier, comme je vous le disais : un quartier qui s’observe, qui se jauge, qui se convoite, et ainsi de suite. Mais Nieuwe Buren est un peu plus qu’un soap qui fait mine de s’ignorer ; je vous le disais en septembre, il s’agit de l’adaptation d’un roman, et je vous arrête tout de suite, ne faites pas de recherches à son sujet (je sais, ça vous déçoit beaucoup, vous faites toujours des recherches sur les séries néerlandaises dont je vous parle) car le risque de spoiler est plus grand que le compte bancaire de Marc Cherry. Je le sais pour m’être spoilée moi-même il y a des mois de ça.
Tout ce que je peux vous dire, c’est que l’atmosphère de convoitise n’est pas la seule en cause dans cette fichue trainée de sang sur la magnifique baie vitrée de Rebecca et Steef : au centre de ce thriller, on trouve des questions autour du désir d’enfant et de la parentalité qui sont plutôt intéressantes.
Ainsi, dés le premier épisode, on apprend que le trafic de drogues de Steef lui permet en fait d’entretenir un enfant qu’il a eu hors mariage, et dont Rebecca ignore probablement l’existence. Quant à Eva et Peter, l’enfant qu’ils attendent a été conçu avec le sperme d’un donneur anonyme ; ce que les parents d’Eva, calvinistes très pieux, réprouvent avec la plus grande énergie. Et quand Eva entre en travail 10 semaines plus tôt que prévu, on va avoir une frappante démonstration à la fois de l’engagement de Peter dans cette grossesse… et du désengagement presque total des parents d’Eva.
La petite fille qui va naître pendant ce pilote, Lieve, va conditionner les interactions des Nieuwe Buren dans ce quartier…
Très franchement, apprécier Nieuwe Buren sur son seul pilote est très compliqué sans une forte dose de spoilers (et ça explique peut-être pourquoi tous les résumés sur le roman mentionnent systématiquement sa conclusion, d’ailleurs). Le potentiel est à ce stade très limité, justement à cause des comparaisons avec Desperate Housewives (et 35 Diwrnod, très similaire esthétiquement), et de l’exposition parfois douloureusement lente des personnages et de leurs enjeux. C’est triste à dire, mais sans le spoiler que je me suis pris sur Nieuwe Buren, j’aurais sûrement fait l’impasse sur le test de la série en « salle des collections » de Séries Mania ; et je regrette du coup avoir manqué de temps pour aller au-delà, car clairement, la valeur de la série est indécelable dans ce premier épisode pépère et sans grand panache (même les musiques ont été volées à Desperate Housewives !).
Sans le spoiler sur sa conclusion, Nieuwe Buren manque d’intérêt, osons le dire, et pourtant j’aurais quand même envie de vous suggérer de vous manifester auprès de vos chaînes françaises préférées et de militer pour son importation. D’abord parce que sa proximité avec Desperate Housewives joue en sa faveur (on se rappelle que sinon, la belge Gooische Vrouwen alors Jardins secrets n’aura jamais passé les frontières françaises). Si pour une fois, la curiosité téléphagique pouvait profiter du talent limité des chaînes pour l’expérimentation télévisuelle, ce ne serait pas un mal. Et ensuite parce que je crois sincèrement qu’il y a de la matière pour une évolution intéressante sur le fond, tout en restant un produit d’appel grand public. Et le Dieu de la Téléphagie sait que je ne recommande pas souvent des séries grand public. Dont acte.