C’était il y a (déjà) une semaine. La fin de 10 jours éreintants à Séries Mania, dans une pizzeria pas très loin du Forum des Images. Exténués, mais heureux, nous étions un petit groupe à la fois en train de succomber à la fatigue et de l’oublier avec un sourire sur les lèvres ; un peu comme après un accouchement, m’a-t-on rapporté, sauf que dans notre cas, nous avions surtout accouché de reviews.
Ce n’était pas cette année mon premier Séries Mania (je commence au contraire à compter parmi les habitués). Et ce n’était même pas mon premier Séries Mania en dépression et en proie à l’agoraphobie (…ce qui est triste à dire parce que ça veut dire que je deviens là aussi une habituée). Mais cette année, le festival a eu une toute autre connotation.
Y rencontrer des gens, ou les retrouver, était compliqué à plein d’égards, et pourtant ça a vraiment eu une intensité inégalée pendant cette édition. Malgré les crises de panique certains matins (m’obligeant au quotidien à revoir mon planning à la baisse), malgré les moments de surcompensation (je criais plus que je ne parlais, et je soupçonne que l’otite que j’ai développée sur la fin du festival était en fait une façon qu’avait mon oreille de me dire de la mettre en veilleuse), malgré les petits ratages divers et variés (j’ai dû partir en précipitation d’une séance parce que j’avais besoin d’être seule chez moi), malgré tout, c’était incroyable de ressentir la chaleur de tous ces téléphages que je pouvais voir au long de ces 10 jours.
Et comme chaque fois que je ressens de façon forte la chaleur de gens qui me semblent proches un instant, je ne peux m’empêcher de me poser toutes sortes de questions.
L’atmosphère d’un festival, surtout quand on le vit de façon si intense sur une si courte période de temps, ressemble parfois un peu à celle d’une colonie de vacances. Impossible de ne pas me demander combien des amitiés nouées, parfois de façon très sincère, sur le moment, existeront au-delà de la microsphère de Séries Mania ? Les gens que j’étais heureuse de croiser, même de loin parce qu’ils étaient pressés et occupés comme moi, seront-ils demain, ou dans un mois, toujours des comparses avec lesquels rire et parfois plus ? Combien de fois se jure-t-on de s’écrire après la colonie de vacances, et la dernière lettre est déjà envoyée en septembre ?
Bien-sûr, une partie des liens tissés ne seront à nouveau palpables que dans un an, à la prochaine édition, quand on sera tous soulagés de se retrouver tout en courant de salle en salle, de projection en projection, de rencontre en rencontre, et qu’on aura tous l’impression d’être à nouveau en train de livrer la même bataille contre le sommeil : difficile, mais heureuse. Probablement qu’une minorité seulement de ces contacts se matérialisera par autre chose que quelques tweets par an.
Et sûrement que j’ai une responsabilité dans la façon dont ces rencontres vont, ou pas, évoluer ensuite.
Mais c’est difficile de faire le deuil. Je voudrais que le festival, à la fois de par ce qu’il m’apporte en tant que téléphage curieuse, et en tant que personne, dure toute l’année. Les ronflements pendant une série argentine en moins…
Honnêtement, je sais que je ne serais pas capable de me pousser comme je l’ai fait pendant 10 jours à sortir, parler à des gens, et ainsi de suite, au quotidien. Pas à l’heure actuelle. L’agoraphobie m’a fait cesser la plupart de mes activités sociales (y compris sur Twitter où, de très active, je suis devenue sporadique en environ une année) et des évènements comme celui-ci me ramènent à tout ce que je perds en n’étant pas capable de me sortir de ce gouffre. Ah, tous les amis que je pourrais me faire… et qui pour une fois, partageraient mon univers téléphagique, au moins en partie !
Sauf qu’exister pendant Séries Mania était une lutte, pas quelque chose d’inné. D’où la surcompensation, d’ailleurs. Et que ça faisait depuis novembre que je me préparais à Séries Mania. En fait, j’avais plus ou moins décidé qu’il n’y aurait pas d’après-Séries Mania, tant il me semblait clair que si j’avais besoin de 6 mois pour me coacher à sortir chaque jour de chez moi, c’est vraiment que j’étais un cas perdu.
Séries Mania m’a certes prouvé que je pouvais sortir, affronter le dehors, affronter le regard des gens, mais m’a aussi ramenée à tout ce que je n’arrive pas à faire en-dehors de conditions exceptionnelles. Et il est heureux, quelque part, que je ne sois pas amie avec tous ces gens formidables, parce que je serais une bien mauvaise camarade de téléphagie au quotidien ; je suis, après tout, déplorable avec mes amis actuels, que je n’arrive pas à appeler ou aller voir. La magie de Séries Mania retombée, je vois bien que tout ce qui me fait envie est aussi difficile d’accès qu’avant le festival.
Dimanche dernier, pendant ce dernier repas, j’avais envie que les pizzas durent et que personne ne rentre chez soi, parce que ma vie-citrouille n’avait pas changé juste à cause de ces 10 jours au bal. J’aimerais vraiment, vraiment, que ce soit le cas. J’aimerais pouvoir envisager d’aller prendre un verre avec les téléphages qui m’ont fait rire la semaine prochaine, ou avoir le cran de faire des avances à celui qui me plaisait, mais de qui se moque-t-on ? Je n’en suis pas là.
Galvanisée par le festival, j’ai mis de côté (pour le moment) mes idées de fermer boutique. Je cogite sur certains sujets, mais ça ne suffit pas à se débarrasser des angoisses qui paralysent ma vie sociale, et tout le reste.
Ma foi. Il nous restera toujours Séries Mania. Il est trop tôt pour commencer à se motiver pour le prochain ?