Invasion polie

26 avril 2015 à 15:00

L’écologie, mère de tous les maux cette année pendant Séries Mania ! Décidément, se mettre au vert, ça n’apporte que des complications, comme l’ont prouvé Tellus, Bedraget et maintenant Okkupert, projetée hier sous son titre international Occupied (et qui sera probablement le titre utilisé par arte, qui co-produit la série).
Il s’agissait d’une avant-première mondiale, donc autant vous prévenir, quand vous aurez fini de lire cette review et que vous aurez envie de voir la série, vous ne la trouverez pas. Patience, amis téléphages, patience.

Okkupert-Promo-SeriesMania-650

Dans un futur proche, la Norvège décide de stopper totalement l’exploitation des énergies fossiles, et crée la première usine de thorium, un matériau parfait pour développer une énergie nucléaire propre. L’annonce, faite par le Premier ministre Jesper Berg non sans fierté et ambition, ne fait pourtant pas que des heureux : en agissant ainsi, certes la Norvège prouve qu’elle veut sortir de la crise énergétique et œuvrer pour le bien de l’environnement, mais le robinet de son pétrole est aussi coupé pour de nombreux pays qui jusque là s’approvisionnaient auprès des Norvégiens.
La réaction ne se fait pas attendre : quelques minutes à peine après ses déclarations, le Premier ministre est enlevé par hélicoptère. Plusieurs pays se sont entendus pour faire pression afin que le commerce de pétrole reprenne dans la région, dont la Russie qui menace d’une sanction militaire. Jesper Berg est ensuite relâché… après avoir accepté de rouvrir les puits norvégiens. Il est devenu clair qu’en essayant de devenir plus vert, le pays vient de mettre sa situation diplomatique dans le rouge.

Okkupert est une idée de Jo Nesbø, qui s’est inspiré de la vie de sa propre famille pendant la Seconde Guerre mondiale (un pan de sa famille était dans la Résistance, l’autre dans la collaboration) afin de travailler sur les différentes réactions à l’occupation étrangère. Mais loin d’être une simple métaphore vaguement futuriste, Okkupert veut également imaginer ce que pourrait être une guerre « polie », tenant compte des réalités politiques, diplomatiques et technologiques des pays les plus riches. Les chars russes n’entrent donc pas à Oslo (…ou pas encore ?), et aucune troupe ne se déplace : il suffit de quelques agents d’élite, d’un plan bien étudié et de menaces sourdes par des dirigeants étrangers, pour que Jesper Berg comprenne qu’il n’a plus le pouvoir décisionnaire pour la Norvège. C’est une invasion très discrète, comme en témoigne la fin de l’épisode, lorsqu’il apparaît que le quotidien des Norvégiens reste inchangé, presqu’insensible à ce qui vient de se passer, alors que le Gouvernement vient de faire machine arrière sur la plus grande décision énergétique de son histoire, tout en annonçant que « la Russie va aider à la réouverture des puits de pétrole ». Déconnectés de la réalité diplomatique de la Norvège, ses habitants continuent donc sans s’apercevoir vraiment que le pire a commencé. Oh, il n’a que commencé, il ne faut pas en douter.

A cette intrigue plutôt fine, et résolument différente, s’ajoute un art consommé de la mise en images. Ce n’est pas qu’une question de réalisation (comme souvent dans les séries scandinaves qui s’exportent, on a ici un résultat froid et bleuté dans une majorité de scènes), ça se perçoit dans la façon dont les nouvelles technologies sont employées et montrées. Il y aurait certainement tout un article à faire sur la façon dont les séries essayent d’intégrer l’utilisation des portables dans la vie de leurs personnages, sans rendre le résultat trop lourd à l’écran. Eh bien Okkupert a choisi de ne pas chercher à simplement rendre les textos lisibles-mais-discrets, ou les portables qui vibrent bruyants-mais-surtout-pas-trop. Quand un personnage utilise un GPS, l’écran passe en quasi split-screen et la moitié est dévolue à montrer la carte ; quand un personnage sent son portable vibrer dans sa proche, une icône apparaît avec le nom de la personne qui appelle en surimpression de la scène, etc., et le résultat, c’est qu’Okkupert, en faisant le choix de la visibilité au lieu de la subtilité, se trouve une véritable identité, tout en s’assurant que ses informations ne sont jamais cryptiques. La série n’a pas envie de faire planer le mystère sur qui appelle qui, ou qui envoie un message à qui, et ainsi de suite. Pour mieux se concentrer sur son objectif premier, soit le tissage d’une guerre future n’ayant rien à voir avec celles que le monde a connu jusqu’à présent, Okkupert revendique une certaine hardiesse dans la réalisation.

L’exposition d’Okkupert est captivante, dans ses détails autant que dans ses grandes lignes. Mais c’est la raison pour laquelle je préfère découvrir la série tranquillement chez moi, pour penser à tête reposée, plutôt que dans le cadre d’un festival. Je n’ai donc pour l’heure vu que le premier épisode de la série, mais puisqu’on est certains de le voir en France, on ne va pas se mettre la rate au court-bouillon. En tous cas, cette diffusion française ne peut pas arriver assez vite.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

1 commentaire

  1. Ortolani dit :

    Perso, j’ai vu les quatre premiers. Ce que tu as écrit, j’aurais moi aussi pu l’écrire après avoir vu les deux premiers épisodes (sauf pour la réalisation, que j’ai trouvée moyenne), qui m’ont beaucoup plu.
    Le problème, c’est que les deux épisodes suivants sont vraiment mous du genou, ça baisse gravement en intensité, l’enjeu (énorme, quand même, une occupation, rien que ça) est laissé de côté pour nous montrer des destins individuels pas très intéressants, ni très pertinents vis-à-vis de la thématique principale. OK, ces destins individuels rejoignent la grande Histoire, d’une façon ou d’une autre (un peu à la manière d’Un Village français) mais ça ne fonctionne pas, ou en tout cas, pas encore. Les ficelles sont grosses, les personnages, pas passionnants, et l’ensemble manque gravement de souffle, d’ambition. On bascule vers la série policière banale, et on oublie l’enjeu politique.
    Il semblerait que la série se reprenne ensuite, et s’améliore, alors pas encore de quoi sonner l’hallali de Occupied, mais j’ai été terriblement déçue par les épisodes 3 et 4 de la série.

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