Solo voy con mi pena

25 avril 2015 à 12:00

Parfois on voudrait dire du bien d’une série, surtout si on suit son actualité de près et qu’on avait jeté un oeil aux premières minutes de son pilote (sans sous-titres !) juste parce qu’on trouvait l’idée de départ sympathique. Ça m’arrive plus souvent que je ne veux bien l’admettre, mais je n’ai pas toujours l’opportunité de confirmer ma première impression par un visionnage compréhensible.
La projection de Wataha (affublée d’un « The Pack » supplémentaire dans le programme de Séries Mania, car comme vous le savez il existe tellement de séries qui s’appellent Wataha) fait partie de ces déceptions. Oh, commencez pas, je peux quand même pas avoir un coup de cœur tous les jours.

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Le point de départ de Wataha était pourtant fascinant, et rare : la série s’intéresse à une compagnie de gardes-frontière, dans une zone très boisée et donc très propice aux trafics en tous genres, notamment humains. En fait, la séquence d’ouverture est totalement dédiée à cette exposition du contexte, alors que Wiktor Rebrow et son équipe tentent d’intercepter un groupe de migrants qui essaye d’entrer illégalement sur le territoire polonais, à la suite d’un passeur. Le groupe est intercepté, entre autres parce qu’Ewa, l’épouse de Wiktor et également une garde-frontière, s’est infiltrée en se faisant passer pour une clandestine aussi.
Là-dessus, générique. Fort bon, fort bien, je m’étais arrêtée là, j’étais contente. Bonne idée, tiens, de parler d’immigration et de frontières ; beaucoup de potentiel. Et puis la Pologne est quand même l’une des portes d’entrée de l’Europe, donc bien placée pour nous sortir une série sur le thème, à plus forte raison sur HBO. En plus le générique est pas moche, donc bien, cool.

Hélas c’est ensuite que ça se corse. Car la série ne s’intéresse vraiment que de très loin à ces questions. Tout va basculer quand, en fêtant l’anniversaire d’un des gardes avec plusieurs collègues dont Ewa (toute leur unité en fait), Wiktor s’avère être le seul survivant d’un attentat à la bombe. Une bombe en plein milieu de la forêt, voilà qui n’est pas banal. Encore moins banal : il a reçu un texto d’avertissement une seconde avant l’explosion.
…Comme il est le seule survivant (il fumait une clope dehors), il est aussitôt soupçonné, au minimum, de complicité par la procureure, la froide Iga Dobosz, qui se lance dans une gigantesque investigation. Wiktor a lui-même du mal à encaisser la vérité, et après avoir failli se consacrer uniquement à sa passion pour la cirrhose, il finit par accepter de revenir dans le corps des garde-frontière, au sein de la toute nouvelle unité créée par le commandant Konrad Markowski.
Cette nouvelle unité comporte beaucoup de jeunes éléments, à l’instar de Piotr « Rambo » Wójcik (qui mène le chien de la brigade, Oussama) ou Aga Małek, une jeune femme qui a toujours rêvé de ce métier (mais n’est pas encore préparée à ses réalités). On y trouve aussi des personnels plus expérimentés, comme Natalia Tatarkiewicz, une habituée de la sécurité publique qui a en plus le mérite d’être bilingue (elle parle le Russe), ou Adam Grzywaczewski, dit « Grzywa », un ami de longue date de Wiktor qui, le soir de l’explosion, était à la maternité parce que sa compagne accouchait.
Les tours et les détours pour présenter tout ce petit monde (certains pas avant le deuxième épisode, pardon de tricher), les longueurs pour raconter combien Wiktor déprime et ne veut pas retourner bosser (alors qu’on sait qu’il est obligé de le faire s’il y a toute une série derrière), et ces autres clichés très dispensables, ne font franchement pas de Wataha une grande fiction dramatique. Là-dessus, la série va aussi nous plaquer une histoire entre les passeurs de clandestins qui se font la guerre, ce qui est semi-mafieux et fait perdre à Wataha beaucoup de la fraîcheur de son pitch.

Et si encore il n’y avait que ça. Mais les clichés sexistes sont impossible à tous dénombrer dans la série. Mentionnons pour l’exemple : Aga est embauchée comme garde-frontière, mais incapable de marcher aussi longtemps que Wiktor (on la verra essoufflée derrière lui tandis qu’il n’a pas transpiré une seule goutte) ; c’est une femme terrorisée qui à la moindre petite apparition d’ours brun se met à hurler comme une fillette découvrant un monstre sous son lit ; elle est forcément choquée par les dépouilles de gibier (et elle hurle encore) ; de son côté Natalia est une femme DONC elle se prend d’affection pour une enfant clandestine à laquelle elle commence à acheter des peluches ; elle n’arrive pas à penser au boulot, seulement à aller visiter la petite (qui en plus est orpheline) dans le centre où elle a été placée… la seule femme qui n’est pas émotive correspond à un autre cliché : l’insensible, à savoir Iga, qui est décrite comme n’ayant pas de cœur, et bien-sûr étant coincée. Bref, plus réducteur, c’est difficile.

Il faut noter que Wataha est un peu un coup d’essai pour HBO Poland : c’est la première fois que la chaîne commandait une série sans s’appuyer sur l’achat de scénarios ayant fait leurs preuves (la chaîne a eu sa propre version d’In Treatment, intitulée Bez Tajemnic).
Clairement, Wataha essaye de mêler deux objectifs : faire perdurer le label HBO en Europe (les chaînes traditionnelles ne montreraient pas de violence et surtout pas de sexe de façon aussi explicite), et créer une fiction qui « sonne » polonaise. Le second objectif me semble rempli, le premier un peu moins (your mileage may vary). Quand je compare aux séries polonaises que j’ai vues, je sens une proximité de ton que j’aurais sûrement aimée plus ténue. La prise de risques est ici minimale comparée à d’autres fictions HBO non-américaines, et c’est sûrement le public polonais qui veut ça.
D’ailleurs Wataha n’a qu’une saison, et HBO ne souhaite pas en commander d’autre (bien qu’on se soit empressé de nous dire, en festival, que les audiences de Wataha représentaient 3 ou 4 fois celles de Game of Thrones en Pologne) ; aux dernières nouvelles la production essayait de vendre la série à une autre chaîne. Je lui souhaite bonne chance, parce que la concurrence a très peu de chances d’apprécier même le peu de label HBO qu’on trouve dans Wataha. Allez, faut pas se formaliser : même HBO US n’a pas réussi à entrer dans la légende du premier coup : qui ici porte aux nues 1st & Ten ? Bon bah voilà.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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