Si vous n’avez pas eu votre dose de mafia pendant Séries Mania cette année, pas de problème ! Umbre était là pour nous rappeler qu’en dépit de tous les policiers du petit écran, le crime continue de payer. Pas grassement, mais bon…
Adaptée de la dramédie australienne Small Time Gangster, la série Umbre nous embarque dans la voiture de Relster Oncescu, dit « Relu », un chauffeur de taxi qui travaille également pour un parrain local. Pour lui, il récupère les sommes dues auprès de débiteurs, et quand le paiement ne se fait pas, parfois, comment dire ? Il augmente le niveau de persuasion.
Relu ne semble pas prendre un plaisir immense à faire ce job. En fait, pour être honnête, Relu ne semble prendre de plaisir à rien : il n’est pas du genre bavard, et fait son boulot avec un visage parfaitement impassible. En fait, il frappe les débiteurs récalcitrants comme il conduit ses clients : en gardant pour lui ses impressions, quelles qu’elles soient. Loin d’être une petite frappe attirée par un statut, ou une brute épaisse en quête d’adrénaline, Relu s’avère avoir des principes assez rigides qui dictent sa conduite (une chose qu’on voit bien lorsqu’il part en mission avec son collègue Sabin, un abruti fini et un gros bourrin).
Sur le principe, Umbre n’est pas révolutionnaire. Mais c’est son ton qui a de quoi ravir le public (et j’en suis, bien que n’étant pas attirée par les histoires de mafia, comme vous le savez).
Umbre est en effet un mélange délicat d’humour très très noir, d’absurde, et de drame humain. On ne tombe jamais dans la comédie pure, mais les situations les plus tragiques sont toujours ponctuées d’une réplique sarcastique de Relu (qui sort volontiers de son silence si c’est pour remettre en place des gens comme Sabin) ou même d’un regard évocateur de notre héros. La mine fermée et patibulaire de Relu devient alors un commentaire à part entière, et même en plein milieu d’une séquence un peu sanglante, on pouvait entendre hier après-midi la salle s’esclaffer de bon cœur. Parfois, le montage suffit à nous faire comprendre ce que rumine Relu derrière son air apathique, et ça fonctionne incroyablement bien.
N’allez pas croire qu’il n’y ait rien derrière le goût d’Umbre pour le sordide et le sarcasme, toutefois. Car Relu est aussi un étrange personnage : il prétend devant son boss et ses collègues ne vivre que pour son job (enfin… ses deux jobs), et vivre une vie de célibataire. Mais en réalité, il cache à tous qu’il a une épouse et deux enfants adolescents, installés dans une petite maison en passe d’être rénovée ; chaque jour, Relu retire son alliance, la planque dans sa boîte à gants, et fait son travail sans se faire remarquer. Pourquoi ce mensonge ? Umbre ne nous le dit pas (même si on peut penser à quelques explications), mais met progressivement cette double-vie en danger.
Hélas, vous voilà arrivés au paragraphe où je n’ai pas que des choses positives à dire sur Umbre. Produit d’un pays où ce n’est sûrement pas autant un problème, culturellement, que dans d’autres, la série est truffée de blagues homophobes et sexistes (et quand je dis sexistes, je parle de plusieurs blagues à base de viol), d’une insistance sur une virilité caricaturale et dangereuse, et la banalisation de rapports de société parfaitement malsains entre les hommes et les autres « sous » groupes. Par moments, on a l’impression que cela fait partie du double-discours de Relu que de dire ces blagues ou de réduire les femmes à des objets, et qu’en réalité cela fait simplement partie de l’identité de tueur froid et sans attache qu’il s’est créée. Mais même en ayant vu 2 épisodes de la série hier, je ne suis pas encore convaincue que c’est vraiment l’explication de la présence de ces répliques de très mauvais goût.
HBO Romania ne communique pas ses audiences, mais le series premiere d’Umbre a réussi, nous dit-on, au point de surpasser les audiences de Game of Thrones en Roumanie. Une saison 2 est pour le moment envisagée (ce serait intéressant, Small Time Gangster n’en a eu qu’une) mais pas commandée ; il y a donc de la place pour des évolutions de l’univers d’Umbre.
Pour le moment, il faut prier pour que HBO se décide enfin à commercialiser ses séries non-américaines dans le monde. Ne retenez pas votre souffle…