Un homme, une femme, pas 712 possibilités.
Dans The Affair on est prévenus dés le titre, après tout : il sera question de coucheries (on n’évalue pas tout de suite à quel degré, permettez-moi donc de préciser : beaucoup de coucheries). Noah rencontre Alison, mais tous deux sont en couple ; la passion prenant le dessus, ils finissent par céder à leur attirance mutuelle et par tromper leur conjoint respectif. Cet épisode d’introduction nous permet de retracer les premiers instants de la rencontre, les tâtonnements (au propre comme au figuré) de leur idylle, et de découvrir ce qui est en jeu : en mettant les relations existantes en danger, chacun a beaucoup à perdre.
Noah nous raconte ainsi lui-même qu’il est père de quatre enfants, qu’il a avec son épouse Helen : une adolescente, deux jeunes garçons, et une petite fille. Il est en outre, au moment de sa rencontre avec Alison, en train de passer les vacances d’été dans la maison de son beau-père, un riche écrivain qui a avancé de l’argent pour qu’ils puissent s’acheter une maison à New York.
En apparence, Alison a moins en jeu, elle est en théorie plus justifiée à vouloir aller de l’avant, alors qu’elle vit encore dans la douleur récente de la perte de son petit garçon. Son compagnon Cole tente comme il peut d’aller de l’avant, ce qu’en cette date anniversaire elle a un peu de mal à avaler. Pourtant elle n’est pas nécessairement tentée par l’idée d’aller voir ailleurs : Alison est bien trop noyée dans sa souffrance, comme elle le décrit à partir de la moitié du pilote.
Il faut justement attendre environ la moitié de son épisode inaugural pour que The Affair dévoile ses intentions.
Là où, ponctuellement, la voix-off de Noah trahissait une dissonance entre le souvenir et le souvenir tel que raconté (par exemple lorsque lui était demandée la première chose qu’il se souvenait avoir vu chez Alison), l’épisode énonce enfin clairement qu’il y être question d’une point de vue radicalement différent sur les mêmes faits. Quand c’est au tour d’Alison de raconter la rencontre avec Noah, il est clair, dans de menus détails (le comportement des fils de Noah et Helen) jusque dans les faits importants (qui, au juste, s’est montré enjôleur le premier), que le même évènement n’a pas du tout été perçu de la même façon. Et qu’il est encore raconté différemment, ce qui ajoute encore au chaos.
Il ne faut pas précipiter The Affair pour comprendre son objet. Au-delà de l’exercice de style (qui s’appréciera sûrement mieux sur le long terme, à mesure que les points de vue vont s’exprimer et probablement diverger) ou de l’intrigue à suspense (qui interroge Noah et Alison, et surtout, pourquoi ?), son idée de la romance interdite n’est pas simplement de décrire une passion interdite.
Dans le contraste entre « il a dit » et « elle a dit », naît implicitement une question : à qui la faute ? Le jugement moral est difficilement abstrait de The Affair, et à mesure que les sons de cloche persistent à varier, on devine que chacun se justifie. Les deux narrateurs présentent ainsi une rencontre où c’est forcément l’autre qui a fait le premier pas, qui s’est montré aguicheur, qui a amené les échanges sur le terrain du charnel. Il ne s’agit pas simplement de relater les différences de subjectivité : The Affair est une opération dans laquelle on veut se dédouaner.
Le contexte de l’interrogatoire tel qu’il se dessine lentement dans le pilote, et qui semble totalement secondaire pour le moment, dit aussi que cette faute devient autre que morale : potentiellement criminelle. Le problème de Noah et Alison a l’air d’être bien au-delà d’une affaire de mœurs.
Et être l’instigateur de la tromperie implique peut-être une responsabilité bien plus lourde. A qui revient-elle ? Peut-être à Noah, peut-être à Alison, peut-être aux deux… peut-être au hasard ou aux incompréhensions. Ne serait-ce pas encore plus terrible ?