Hier après-midi, le débat d’ouverture de Series Mania portait donc sur la question » Tous critiques de séries ?« . Je vous l’aurai répété plusieurs fois en quelques heures !
Sûrement qu’une âme plus sérieuse que moi vous proposera un compte-rendu, pour ma part je voulais vous faire part de quelques réflexions qui me sont venues pendant ce débat, mais qui lui sont corollaires.
Les intervenants étaient avant tout là pour discuter de la critique sur un plan formel et professionnel, pourrait-on dire. Ils ont débattu du statut du critiqueur, ses moyens, ses outils, et des contraintes qu’il doit affronter, même. Toutes ces caractéristiques distinguent le critique de l’amateur, pourrait-on dire. La nuance entre « avoir un avis » et « être un critique » a été soulignée, et je suis d’accord avec une bonne partie de cette distinction : non, même si parfois cela fait un peu mal à entendre quand on dédie du temps aux séries, tout le monde n’est pas un critique télévisuel. De la même façon qu’aller au cinéma et avoir une opinion sur un film ne fait pas forcément le critique de cinéma.
Et pourtant si.
Évidemment pas au sens où l’entendaient les intervenants du débat… mais à un moment de leur discussion, je me suis dit : en fait, il est souhaitable que tout le monde se pense critique de séries.
Parce que c’est dans la nature-même des séries que de faire de chacun un critique, fut-il en herbe, fut-il condamné à errer dans un monde sans pige rémunérée, dans un monde sans anoblissement par la publication traditionnelle.
La télévision, je ne cesse de vous le répéter depuis des années, est le royaume du libre arbitre. Tout repose intégralement sur une notion : à n’importe quel moment, le spectateur peut (et va, probablement !) changer de chaîne. Pas nécessairement parce qu’il est volage ou qu’il possède la faculté de concentration d’un enfant de 5 ans, mais surtout, avant toute autre chose, parce qu’il a le choix. Et qu’il en est conscient. Il possède un pouvoir : armé de sa télécommande, il se fait juge de ce qui le satisfait ou non.
Les critères de ce spectateur, sûrement, ne sont pas toujours ceux d’un éminent critique télévisuel qui a vu The Wire 712 fois y compris à l’envers pour entendre les messages cachés. Et le seul public de ce spectateur est lui-même, pas un lectorat avide de phrases ciselées et de pensées analytiques. La chose est entendue, le spectateur n’est pas, en somme, un Critique Télévisuel. Mais il est pendant tout son temps devant l’écran critique de ce qu’il regarde.
Cela passe par de petites choses : on peut décider de commencer une autre activité tout en poursuivant le visionnage (autrement dit, se servir de la télé comme d’une radio), ou carrément se servir de la télévision comme d’un vague fond sonore, on peut aussi changer de chaîne, être happé dans le visionnage… et toutes les nuances entre, et bien au-delà.
Et cela implique que le spectateur est un critique à tout moment.
On voit bien que la chose n’a pas d’équivalent par exemple au cinéma : qui se lève en milieu de séance pour aller grailler du popcorn parce que la scène est molle ? Qui, même s’il déteste le film qu’il est venu voir, décide de quitter la salle 20 minutes après le début du film ? Qui va jeter un oeil dans la salle voisine, et juge que finalement le premier film était quand même plus intéressant ?
Mais quand on regarde la télévision, on s’autorise tout cela et bien plus. On s’octroie le droit d’être mécontent à chaque seconde.
Il n’est donc pas très étonnant que tout clampin armé d’un site WordPress, d’un clavier aux touches défraîchies et d’un layout violet (je ne vise personne) s’imagine parfois critique de série, et s’absorbe dans la contemplation de ses impressions sur une série donnée. C’est une progression naturelle.
…Et souhaitable ! Si l’on retire ce pouvoir au spectateur, et donc si on lui confisque son instinct critique, quel genre de bête à manger des séries de TFHein va-t-il devenir ? Ok c’était gratuit.
Tous critiques de séries ? Si seulement !