Nina Auber aurait pu être médecin mais, tout comme Alicia Florrick, sa carrière est passée aux oubliettes à cause de sa vie familiale. Après s’être occupée de sa fille, jeune cancéreuse, pendant quelques années, Nina a finalement repris le chemin des études médicales, mais cette fois pour devenir infirmière. Hélas, l’hôpital où elle commence sa vie professionnelle est celui dirigé par le Docteur Costa Antonakis, le père de sa fille, dont entretemps elle a divorcé.
Les vagues comparaisons avec The Good Wife s’arrêtent là, car Nina, la série prochainement diffusée par France2 que Séries Mania projetait aujourd’hui, ne joue pas franchement sur le même terrain.
Le premier épisode fait un travail plutôt honnête pour nous présenter son héroïne, sa vie et surtout, son travail (qu’elle commence dans le premier épisode). D’entrée de jeu, Nina est une femme compétente, intelligente, forcément à l’écoute, pleine d’empathie, et qui s’intéresse peu à l’image qu’elle renvoie à ses supérieurs, pourvu de les convaincre de bien faire. Forcément.
Même si elle n’est pas totalement infaillible dans cet épisode inaugural, il faut bien avouer qu’on se demande comment l’hôpital Madeleine Brès tournait sans elle. Elle est la seule à savoir comment parler aux médecins, comment parler aux patients… et ce littéralement puisque des patients ne parlant que le Grec se pointent et que comme par hasard, elle a appris le Grec avec son mari. Tout ce dont elle a besoin, c’est une infirmière plus expérimentée pour lui donner des astuces (à qui parler, quels yaourts donner aux patients récalcitrants), et elle s’occupe du reste. Eh tout le monde, on peut rentrer à la maison, Nina fait tourner l’hosto ! Et comme elle avait vraiment fait médecine, elle pourrait aussi bien, tient.
Les rappels à la réalité ou les collègues essayant de la remettre à sa place n’y feront rien. Nina est le genre de série qui ne pouvait avoir d’autre titre, tout simplement parce que personne d’autre que l’héroïne n’y compte.
Il suffit de voir le nombre de choses que la série soulève sans même se fatiguer à l’enrober d’un scénario : une infirmière qui squatte une pièce reculée de l’hôpital et vit dans un sac de couchage ? Deux personnes qui se retrouvent dans un couloir de médecine interne au lieu des urgences et ne parlent pas un mot de Français ? Un étudiant en médecine considéré incompétent et auquel on assigne des patients justement parce qu’il est incompétent ? Ouais, et alors ? On va quand même pas chercher à expliquer des astuces du scénario qui ne sont que des prétextes à voir Nina faire sa Nina toute la journée.
En dépit des quelques efforts pour dépeindre un hôpital qui n’est pas tout-à-fait idyllique (médecins irascibles, conflits internes stériles dont dépendent parfois des diagnostics, malades mal ou peu suivis, administration préhistorique…), Nina ne parvient pas franchement à dresser un portrait autre qu’idéaliste de la vie hospitalière. Tout finit tout de même bien à la fin (grâce à Nina), tout le monde a pu être guéri (grâce à Nina), les dures journées s’oublient en fin de journée au bistrot (sûrement que c’est Nina qui régalait), et tout va bien dans le meilleur des mondes.
A défaut de proposer autre chose qu’un personnage central surcompétent, Nina aurait eu la possibilité de dépeindre, autour de l’héroïne, un hôpital public surchargé, un personnel au bout du bout, des moyens techniques laissant à désirer et toutes sortes d’autres problèmes. Difficile de ne pas ressentir une certaine nostalgie (teintée d’envie) en voyant qu’Urgences était capable de parler des limites véritables du système médical ; et c’était il y a 20 ans. On l’attend encore, la série française qui essayera de parler franchement d’un sujet bien réel… A l’heure où de plus en plus, les patients et les familles regardent droit dans les yeux l’hôpital français et ne taisent plus les abus, mauvaises habitudes et déroutes, Nina ressemble plus à une publicité de l’APHP qu’à un drama à prendre au sérieux.
Mais Nina, pas plus que la plupart des séries apparaissant sur les écrans des chaînes publiques (et à peine plus de la plupart des chaînes privées) dans notre bel Hexagone, ne souhaite pas absolument être prise au sérieux. Elle veut juste « se laisser regarder », pendant trois quarts d’heure, faire un peu sourire les gens en les prenant par la main dans des intrigues simplistes, et ne surtout pas aller plus loin.
Et Nina réussit entièrement cet objectif, il faut le dire ; à plusieurs reprises, j’ai effectivement souri au détour d’un dialogue ou d’un petit retournement de situation. Il faut bien le dire : ce n’est pas un échec total.
Le problème c’est que trop souvent encore, quand on parle positivement de fiction française, c’est pour dire qu’elle « se laisse regarder ». Il est encore trop rare qu’on vise un objectif un peu plus ambitieux, en particulier sur France2. Même quand le bilan de santé de la fiction française n’est pas à prendre au tragique, le pronostic reste encore bien souvent sombre.