Un crime atroce a secoué Philadelphie : un couple et leur fille aînée ont sauvagement été assassinés dans leur maison ; l’adolescente est également violée. Une seule survivante : la fille cadette, également l’unique témoin de la scène. Après avoir identifié deux tueurs, la petite fille trouve le soutien de toute une communauté, et d’un jeune district attorney ambitieux qui obtient l’inculpation des deux hommes.
A l’époque, l’affaire met la ville à cran : les victimes, la famille Butler, sont toutes noires, et les deux accusés sont tous les deux blancs. La communauté Afro-Américaine, craignant que comme dans beaucoup trop d’affaires antérieures, les criminels ne s’en sortent qu’avec une vulgaire tape sur la main, s’était mobilisée. Un élan dont s’était nourri Adam Page, également noir, et à l’époque chargé de mener le dossier devant le tribunal, avec l’aide de son père qui dirigeait alors la police. Le verdict avait finalement été rendu, les deux inculpés condamnés (dont l’un à la peine de mort), la population apaisée. Page, de son côté, avait été propulsé dans la sphère publique.
La vérité assouvie.
Onze années ont passé et le dossier est à nouveau à vif. Celui des deux coupables qui a été condamné à une peine de prison à vie, Terry Kucik, ne cesse de clamer son innocence, mais n’a jusque là jamais été entendu, et rien dans les preuves ne soutient ses déclarations selon lesquelles les relations sexuelles qu’il aurait eues avec la fille aînée des Butler était consentie. L’autre, Jared Bankowski, attend dans le couloir de la mort l’exécution de sa peine : elle est fixée à 18 jours lorsque commence la série. Dépité après l’échec de plusieurs appels, il a cessé d’évoquer son innocence dans le triple meurtre.
La vérité résignée.
Christine Rosa n’a jamais travaillé sur l’affaire, elle n’en connait que les dossiers, interminables, qui ont atterri à The Innocence Initiative, une organisation dédiée aux condamnés à mort, et qui lutte afin d’éviter que des innocents soient exécutés. Christine est en passe de devenir avocate (elle s’apprête à passer l’examen du Barreau), et n’est pour l’instant que stagiaire à The Innocence Initiative, mais ce travail est cher à son cœur. Il y a bien des années, son propre père a été condamné à mort pour un crime qu’elle sait qu’il n’a pas commis : elle était son alibi. Hélas, personne n’a cru Christine lorsqu’elle était une petite fille, et son père attend lui aussi son exécution. Ce qu’elle ne peut accomplir pour le dossier de son père, Christine le met donc en œuvre pour sauver d’autres comme lui.
La vérité révoltée.
Dans The Divide, toutes les vérités se croisent et c’est douloureux. Pour tout le monde, c’est une question de vie et de mort, mais malgré ce point commun, impossible de s’entendre. Lorsque Christine fait de son mieux pour convaincre Bankowski de faire tester son ADN une nouvelle fois afin de prouver qu’il a injustement été inculpé, à la faveur d’un détail du dossier, la plaie est rouverte, béante, suintante. En onze années, l’Amérique n’a pas changé, et disculper un blanc dans le cadre d’un triple meurtre de noirs reste très lourdement connoté politiquement et socialement. The Divide est une série qui prend à bras le corps les interrogations de l’Amérique « post-raciale », comme on dit, et les incorpore à une intrigue éternelle sur l’innocence dans le cadre de la peine de mort. Philadelphie se trouve en effet en Pennsylvanie, où la peine de mort par injection est toujours en vigueur. Et alors que les jours s’égrènent, il devient de plus en plus pressant d’éviter le pire.
La vérité urgente.
Christine Rosa n’est pas simplement le genre de chevalier qui veut limiter les dégâts de la peine de mort, comme on en rencontre à The Innocence Initiative : c’est une femme obsédée par sa quête, à titre personnel, et insensible aux barrières que dressent ses interlocuteurs pour se protéger. Qu’il s’agisse d’interroger Kucik pour donner une nouvelle chance à Bankowski (en sachant que Kucik n’a rien dans son dossier qui puisse lui laisser espérer un traitement similaire), d’aller harceler la mère de Bankowski jusque chez elle (voire même l’accuser à mots à peine couverts), d’éplucher des pages et des pages de témoignages ou de preuves (parfois obtenues pas très légalement), de soutirer à son petit-ami policier une entrée dans le couloir de la mort pour approcher Bankowski… Christine Rosa se refuse à abandonner, déploie toute son énergie, mais se montre aussi effrayante. Est-elle prête à vraiment entendre ce qui s’est passé, ou campera-t-elle jusqu’à la fin sur son idée des faits ? Sa vendetta personnelle contre « ceux qui n’ont rien à craindre » fait parfois froid dans le dos. Mais s’ils existent vraiment, ces gens qui auraient d’après elle maquillé les faits, que pourraient-ils faire pour l’arrêter ?
La vérité coûteuse.
Pendant qu’elle remue ciel et terre au nom d’une vérité qu’elle-même ignore, mais qu’elle est convaincue d’avoir décelée, Christine remue aussi les fondations pas du tout solide d’une communauté encore fragile. Si ne serait-ce qu’un seul condamné venait à être libéré, les peurs des Afro-Américains de Philadelphie se réaliseraient une nouvelle fois. Bien-sûr que pour eux la vérité compte, mais pour eux non plus, il n’existe pas de doute : des blanc ont bien tué une famille de noirs. Il ne faut pas qu’ils s’en sortent, pas cette fois. C’est ce dont s’est assuré Page, aujourd’hui un homme influent de la ville, peut-être demain l’un de ses politiciens. Il lui semblait tellement évident que Bankowski et Kucik étaient coupables, qu’il n’a pas hésité, ou si brièvement, à « simplifier » les preuves à charge pour faire avancer le dossier, et donner à la jeune cadette Butler le verdict dont elle avait besoin pour avancer après cette tragédie.
La vérité chancelante.
Tout ce petit monde se presse, se bouscule, se torture, pour apporter la lumière sur des évènements vieux de 11 ans. Après tout ce temps, est-il encore possible de savoir qui est qui, et qui a fait quoi, sans l’ombre d’un doute ? Même lorsqu’on est sûr d’être dans son bon droit, de connaître la vérité et de n’avoir plus qu’à la prouver ou la faire accepter, il faut encore, toujours, se battre, se trouver face à des gens qui tiennent la vérité pour autre. Chercher la vérité et la dire, partout, tout le temps, sans arrêt, et ne jamais réussir à tout-à-fait la trouver. On ressent devant The Divide à la fois la soif de Justice de chaque protagoniste, mais aussi leur lassitude, leur incompréhension, leur angoisse à l’idée de ne pas réussir à partager la vérité avec tout le monde. La vérité n’apporte pas le bonheur.
La vérité épuisante.