Quand tout le monde parle de la prochaine série de Netflix comme du Messie (emprise mondiale aidant, budget com’ à l’avenant, et calendrier des sorties ne gâchant rien), en revanche, quand les Crackle, les Hulu et les Yahoo tentent la fiction originale, on entend un peu les criquets. Et entre nous soit dit, c’est normal ! Même quand ces plateformes produisent des fictions qu’on ait l’idée de regarder, ça donne des Chosen ou des Deadbeat ! Et avec toute la bonne volonté et l’ouverture d’esprit du monde, on peut difficilement en parler comme de perles méconnues.
Quand Sin City Saints a commencé le mois dernier, moi-même je m’en tamponnais un peu le coquillard. Et puis j’ai fini par y jeter un oeil, parce qu’on ne peut pas se prétendre curieuse ET ignorer volontairement une série. Surtout si elle a un pilote. Comment ça, « elles ont toutes des pilotes » ?!
Sin City Saints tente de nous parler de Jake Tullis, un riche homme d’affaires qui dépense sa jeune fortune en achetant l’équipe de basketball de Las Vegas. En particulier, il est très fier d’avoir « acheté » un joueur très prisé, LaDarius Pope, qui en fait est le seul joueur de valeur dans son équipe. Manque de chance, juste avant de jouer un match, Pop se fait renverser par la « Popemobile », une voiture supposée le faire parader sur le terrain et conduite par la mascotte de l’équipe. Blessé au point de voir sa carrière mise en péril, Pope devient aussitôt une épine géante dans le pied de Tullis.
Car outre la mère de Pope qui est bien décidée à être dédommagée à coups de milliards (deux pour être précise), il faut aussi gérer le scandale énorme que cela génère auprès des fans. A cette fin, une avocate est envoyée directement par la ligue de basketball afin de minimiser les dommages publics, médiatiques et financiers, la glaciale et cynique Dusty Halford. Évidemment, entre elle et Tullis, ça ne fonctionne pas du tout. Ah, et pour couronner le tout, il y a aussi ce petit détail : à la place de l’habituelle mascotte, c’est Tullis qui portait le costume et qui conduisait la Popemobile ce jour-là… Oups.
Entre les personnages caricaturaux (mais pas spécialement écrits pour être approfondis de toute façon) et les péripéties burlesques de Sin City Saints, il ne faut pas s’attendre à de la finesse de la part de cette comédie.
Le pitch aurait pu donner quelque chose de bien, voire d’éminemment corrosif sur le milieu sportif professionnel : aux commandes, on trouve Mandalay Sports Media, une compagnie spécialisée dans l’audiovisuel sportif, et filiale d’un groupe manageant des équipes de sport (même groupe qui possédait feue Mandalay Television, une boîte de prod qui nous a donné des séries comme Mercy Point, Rude Awakening, ou Brotherhood). Qui mieux qu’un groupe baignant dans le monde du sport pour nous parler de façon grinçante de sport ? Mais ici pas vraiment, ou en tous cas, pas encore. On devra dans le pilote se contenter d’une immense majorité de pitreries bon enfant et de gags pas ratés, certes, mais pas foudroyants non plus. Vers la fin, lorsqu’apparaît Malin Åkerman dans la peau de la cinglante Dusty Halford, on aura droit à quelques échanges plus piquants avec le personnage de Tullis, mais c’est bien tout. On peut espérer que ces échanges soient porteurs de potentiel pour la suite, l’espoir faisant vivre et toute cette sorte de choses, mais s’accrocher à l’espoir quand on vient déjà de regarder une demi-heure de comédie sans esquisser le moindre rictus, c’est bien pauvre.
Sin City Saints ne tient pas à fâcher quiconque, et dans le fond, c’est un peu normal que la filiale de Mandalay ne veuille pas mordre la main qui la nourrit. Mais elle n’a rien à proposer en guise d’échange si ce n’est une course-poursuite dans le désert, un personnage central détestable qu’on est supposés préférer à une avocate objective quant à la débâcle qu’est l’équipe de Tullis, ou encore, un cortège de femmes-objets (parce que Vegas). Même en essayant de rester ouverte d’esprit, je n’étais que soupirs excédés à 8700 kilomètres de là.
Ah, petite question : quelqu’un peut-il m’indiquer le chemin d’une série où un homme roux n’est pas détestable ? A part Danger 5, que je regarde déjà pour toutes les mauvaises raisons.
Dans un registre vaguement similaire, je préfère cent fois Survivor’s Remorse à Sin City Saints, bien que la première ne fasse pas du basket le centre de toutes ses intrigues, elle parvient à adopter un regard un peu plus distant, sans pour autant passer l’industrie au vitriol. A défaut de se moquer des propriétaires d’équipes, soit, on peut se moquer des joueurs, ou des fans si on est courageux. Pourquoi pas après tout ? Mais là, rien. Certes, le vitriol n’est pas pour tout le monde, et on ne veut pas forcément que toutes les fictions sur un business médiatique sortent l’artillerie lourde pour dépeindre le milieu qu’elles se sont choisies… mais dans ce cas, il faut avoir quelque chose à proposer quand même.
Pardon d’insister, mais ce n’est pas le cas de Sin City Saints, qui malgré un cast pas dégueulasse (outre Åkerman, on trouve Tom Arnold, Toby Huss qui s’occupait en attendant la reprise de tournage de Halt and Catch Fire, ou encore Rick Fox, lui-même ancien joueur de la NBA), manque d’idées pour exploiter ce qu’elle a entre les mains.
Et ceci, Mesdames et Messieurs, est la raison pour laquelle les séries des Crackle, des Hulu et des Yahoo n’inspirent pour le moment que les criquets.