C’est dans les pots des années 80 qu’on fait les meilleurs sitcoms, non ? Ça faisait des semaines, que dis-je, des mois que je tentais de faire de la place à Designing Women dans mon programme téléphagique pour revoir le pilote, au minimum. Mais quand j’avais la place dans, je n’avais pas le pilote. Quand j’avais le pilote, je n’avais pas l’humeur. Quand j’avais l’humeur, je n’avais pas la place !!! Voilà, maintenant, c’est corrigé.
Et avec délectation, par-dessus le marché ! Si vous avez épuisé votre réserve d’épisodes des Craquantes et que vous cherchez une série dans le même esprit, et que pour une raison bizarre vous trouvez qu’il est possible de ne pas vouloir revoir ces épisodes pour la 712e fois (alors que tous les épisodes des Craquantes sans la moindre exception peuvent être regardés un milliard de fois sans se lasser), eh bien la parade parfaite, c’est de s’enfiler Designing Women. Ça passe crème, comme disent les jeunes.
Car ne nous mentons pas : les deux comédies mettent en place des profils un peu similaires. Il y a la dragueuse toujours en chaleur, la féministe un rien vindicative, la naïve qui peine à suivre ce qui se dit, et la râleuse chronique. Certes ces personnalités s’expriment différemment par rapport à celles des petites vieilles de Miami, et encore heureux, mais le canevas est quand même très proche. Serez-vous étonnés d’apprendre que Designing Women a démarré quelques mois après les Craquantes à la télévision américaine ? Pas trop, hein ? Pas grave, on ne vient pas à une série des années 80 pour l’effet de surprise.
La satisfaction est ailleurs. Dans les dialogues, bien-sûr : une espèce en voie de disparition dans beaucoup de sitcoms modernes, l’humour de Designing Women est à 99% du aux dialogues. Niveau « comique de situation », on y fait un peu mentir les étiquettes, et ça fait un bien fou de voir que ce sont les échanges entre les protagonistes qui ont pour mission de divertir, à base de jeux de mots, de tirades foudroyantes et de répliques échangées à la vitesse de la lumière.
C’est à ceci qu’est supposé ressembler un sitcom, voilà la vérité, et on a envie de mettre des séries comme Designing Women ou Les Craquantes sous cloche pendant une grande expo annuelle qui aurait lieu, par le plus grand des hasards, sous les fenêtres du bureau de Chuck Lorre. Certes, il se retape en ce moment avec Mom, mais on ne joue quand même pas dans la même ligue, au point de se demander si c’est le même sport. Les femmes de Designing Women sont drôles parce qu’elles existent, pas parce qu’il leur arrive des trucs qui les font exister. Je ne sais pas comment expliquer la différence, et pourtant, je suis frappée par son évidence en regardant ce premier épisode. C’est juste… de l’orfèvrerie. De l’opéra.
Tiens, d’ailleurs, la dette de Designing Women au théâtre est énorme, c’est incroyable : le pilote se déroule intégralement dans un seul décor ! Bon, un et demi, il y a une petite scène dans un resto. Mais le reste, c’est entièrement dans un décor. Et ça c’est fantastique parce que ça signifie que le ressort pour passer d’une scène à l’autre n’est pas spatial, et l’épisode se joue totalement de la contrainte et transforme un même espace en un bureau, une buvette, voire un huis clos intime, sans bouger un seule fauteuil de son emplacement. Ah, les amis, c’est de la pure magie ce pilote. C’est la télévision dans ce qu’elle a… de plus cheap et de plus parfait. Qui a besoin du raffinement d’une série aux plans léchés quant on peut s’asseoir devant son écran et écouter Dixie Carter se lancer dans une réplique féministe ?
Car oui, Designing Women est féministe jusqu’au bout des griffes, n’hésitant pas à rappeler que derrière l’humour se cache un véritable hymne à l’indépendance. Ces femmes qui travaillent ensemble dans un cabinet de décoration intérieure, elles le font à la fois par ambition, par frivolité, par nécessité et par message politique. Et plus encore, parce que ce sont des femmes du Sud, où les mentalités avancent juste un peu plus lentement (l’immense majorité des séries de Linda Bloodworth-Thomason se déroulent dans un État du Sud des USA).
Le personnage de Julia Sugarbaker (incarné par Dixie Carter, donc) est la plus explicite au sujet des idées de la série, mais chacune exprime, à sa façon, une problématique féministe. Comment ne pas préférer Julia, cependant, qui s’insurge contre certains clichés en matière de sexualité, ou remet à sa place avec panache un homme venu s’incruster dans une soirée entre filles ?
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WOOHOOOOOOOO, GO JULIA !
Ahem, je disais donc : ce pilote de Designing Women, il me plaît bien plus que la première fois que je l’ai vu. J’ai bien envie de me faire au moins toute la première saison. Hélas ça va prendre des lustres à récupérer, et il me faudra une autre comédie pendant ce procédé.
Retour à la case départ, cherchons donc en ce jeudi d’avril une autre comédie à se mettre sous la dent. Rha, on n’est pas passés loin pourtant.
Il me FAUT cette série, genre tout de suite maintenant immédiatement.