Oh, chouette, dites-donc. Encore une série policière. Ça nous manquait ! Je trouvais qu’il n’était pas assez question d’enquêtes dans les séries, mais me voilà rassurée.
…Vous direz-vous pendant les premières minutes de Battle Creek. Et puis, progressivement, ça va passer. C’est un miracle ! A quoi le doit-on ? Au fait que Battle Creek semble justement très au courant du fait qu’elle est la 712e série policière sur votre écran.
Et qu’elle est bien décidée à en jouer.
A première vue, rien d’inédit : on a ici un buddy cop show mettant en scène d’une part, l’agent du FBI, classe, calme, efficace, ingénu, et de l’autre, le flic de la police locale, nerveux, négligé, instable, roublard. Et bien-sûr ils vont bosser ensemble pour s’asticoter à longueur de temps.
Mais à travers leurs échanges, on découvre aussi que c’est le choc de deux civilisations qui se joue ici : celui des amateurs de séries policières à l’ancienne, contre celui des séries policières de la dernière décennie et demie. Battle Creek utilise consciemment deux clichés de personnages portant un badge, et en profite pour leur faire incarner la somme de tous les flics de télévision derrière eux : c’est Les Experts contre Starsky et Hutch. Qui sera le plus efficace ? Qui a raison ? Eh bien tout le monde, et puis personne, car si les méthodes scientifiques et la rigueur honnête de l’un réussissent parfois, l’huile de coude et les menaces ont aussi du bon à l’occasion. Battle Creek met sciemment ces univers télévisuels dos à dos, nous en connaissons les codes par cœur et la série le sait. Ce qu’elle veut, c’est explorer à partir de là les doutes et la remise en question qui peuvent en découler ; nos deux héros savent qu’ils appartiennent à un monde, il sont mis au contact d’un second qui vient chambouler leur pratique. Battle Creek demande si nos flics de télévision ne sont pas trop cartésiens, ou trop retors, et surtout, le LEUR demande. Du coup, elle nous le demande aussi un peu, et c’est plutôt futé.
Certes, tout cela, Battle Creek le fait sous le ton de la comédie ou, au moins, de la dramédie, pour conserver un rythme enlevé. Mais c’est une vraie thèse sur la télévision policière qui défile sous nos yeux !
Le vrai hic pour le moment, c’est qu’un seul personnage ait véritablement l’occasion d’expliciter ces questionnements et de s’interroger en profondeur sur leur portée au sens large. Le second protagoniste conserve encore une certaine dose de mystère, notamment autour de sa mutation, qu’il conviendra de désépaissir avec le temps et les épisodes (pour compenser, c’est son collègue d’infortune qui va remettre en question ses méthodes dans le feu de l’action).
Mais c’est, au moins, la promesse d’une intrigue feuilletonnante, sans pour autant tomber dans les clichés du moment sur l’enquête au long cours. Pour une série tellement au fait de l’histoire de la fiction d’enquêtes (en témoignent les références à Magnum) mais aussi l’actualité des autres séries policières (à commencer par True Detective à laquelle je suis presque sûre qu’un tacle a été adressé), c’est une jolie pirouette… mais surtout une promesse d’avenir. Il y a de la maîtrise dans Battle Creek, l’air de rien (surtout l’air de rien).
Derrière son air badin, Battle Creek semble bien intéressée par une déconstruction totale du genre policier, et c’est difficile de ne pas avoir envie de regarder ce qu’elle bâtira sur les ruines.
Pourvu de surmonter, dans l’intervalle, l’overdose de séries policières.