Parce que je ne venais pas à bout de ma review de la 7e saison d’A la Maison Blanche, j’ai fini par me mettre devant le premier épisode de Chefs. Un peu par désespoir de cause, donc. Et je l’admets bien volontiers : les séries françaises, je m’y mets difficilement de mon propre… chef. Ahem.
Pourtant, comme j’ai eu l’occasion de vous le dire, la cuisine me fascine, et j’aime la voir abordée dans les séries quelle que soit leur nationalité, de dinner la Japonaise à Raw l’Irlandaise, et de Pasta la Sud-coréenne à Kitchen Confidential l’Américaine, en passant par toutes les Kitchen Musical, les Belle’s et les Shinya Shokudou que vous voudrez. La chose est entendue, j’ai tâté de quelques friandises télévisuelles par le passé, et il n’était donc qu’une question de temps avant que mon attrait pour les cuisines de fiction l’emporte sur ma tiédeur envers les séries françaises.
Chefs, donc. Qui de par son univers visuel et musical, me semble moins destinée au public français qu’à une exportation ultérieure au nom de la belle exception culturelle française. Tout y sent le franco-français et y est améliepoulinesque au possible. Les personnages sont caricaturaux, tout le monde fume partout et tout le temps, on y est bourru, on parle un peu argot, bref, on est FRANÇAIS.
L’intrigue n’y est pas des plus excentriques : le restaurant est à la peine (comme à peu près… laissez-moi compter ? Oui c’est ça : tous les restaurants de fiction), le patron est têtu, l’équipe lui est loyale, c’est la tambouille habituelle. Dans cela, comme toujours, un nouveau venu va faire son apparition, apprendre les codes de la cuisine, bien malgré lui puisqu’il est un taulard en conditionnelle (syndrome Ainsi Soient-Ils ?), et va progressivement y trouver sa place — on devine.
Puisque l’essentiel ne se joue ni dans son caractère, ni dans son histoire, alors peut-être faut-il voir en Chefs de beaux personnages ?
Las ! Pas vraiment. Au stade du premier épisode, tout le monde reste bien dans les clous et dévoile peu de potentiel pour de la profondeur. Le Chef est tourmenté (on le sait parce qu’il mitraille tout le monde du regard et qu’il boit comme un trou), ce qui est normal parce qu’il est doué ; son second est ombrageux (il fallait bien un « méchant »), et ainsi de suite.
On remarque en outre que, jusqu’à la toute fin de l’épisode inaugural, les femmes sont assez absentes : il n’y en a qu’une en cuisine (syndrome de LA femme dont on parlait ces derniers jours avec X Company, et explicité dans le premier épisode de Polseres Vermelles), les autres tombent dans le domaine de la beauté morte (et donc essentialisées comme de sublimes créatures muettes mais évocatrices), de la figure maternelle (dont on n’attend rien sinon d’offrir des services type aide à la personne : gite, couvert, nounou…), ou de la chieuse sexualisée (comme le prouvera l’apparition de la directrice à la fin). Ce n’est pas que les personnages masculins frappent par leur développement, on l’a dit, mais au moins on s’y permet un panel plus large de personnalités qui ne sont pas, au moins, des stéréotypes liés à leur genre, mais « juste » à des stéréotypes.
L’excitation n’est pas à son comble, donc. Et hélas pour moi qui espérais que la cuisine relève le menu, on en est loin. L’essentiel des démonstrations culinaires, dans le premier épisode de Chefs, sont orales : parler de plats, d’ingrédients (si possible hors de prix), de vins (là aussi hors de prix, d’ailleurs), ne stimule pas beaucoup mon imaginaire. L’une des scènes-clés, en rapport à une sauce, préfèrera nous tenir totalement dans le noir quant à ce qui a réellement été fait dans la casserole, partant donc du principe que le spectateur n’a pas besoin de « goûter » le talent d’un personnage et qu’il lui faut simplement le tenir pour acquis. Seule la petite séquence dans laquelle un plat est goûté, Ratatouille-style, parvient à lancer un peu l’imagination, mais ce sera bien tout.
Comme Tiger Lily, Chefs a la bonté de s’éloigner d’une série purement policière et d’essayer quelque chose de personnel sur France 2, ce qui nous change, c’est sûr, de l’essentiel de la production sur la chaîne publique. De là à s’enthousiasmer, il ne faut pas pousser. A vrai dire je ne suis même pas sûre de savoir ce que je suis supposée attendre des épisodes suivants au terme de cette entrée en matière. C’est sûrement ce qui est le plus difficile à avaler pour un « pilote » ou assimilé : ne pas savoir sur quelle piste on est lancé.
Mais bon, six épisodes… on verra.