Dans les séries allemandes, il est toujours question de crimes ? Oui… mais non. Pas que, disons. La preuve avec Der Tatortreiniger, une dramédie qui effectivement prend pour point de départ une scène de crime, mais reste dénuée d’enquête. Et qui est visible (en tous cas les 2 premières saisons) via CanalPlay sous le titre Licence to Clean. Je pose ça là.
Si ! C’est possible ! Et c’est même plutôt chouette !
Schotty est en effet un spécialiste du nettoyage de scènes de crimes, et passe ses journées à astiquer le sang (et plus si affinités) après un drame. Très franchement il ne voit plus rien d’atroce dans tout cela depuis bien plus longtemps, et s’inquiète plus du détergent parfait que de ce qui a pu se passer quelques heures plus tôt.
Le premier épisode du Tatortreiniger met donc tout en œuvre pour nous mettre à l’aise, en nous invitant à nous adopter une attitude détachée aux côtés de son héros. Lui, il est à l’aise, il n’y a pas de doute : dans l’appartement dont il doit nettoyer les murs aspergés de sang, il n’hésite pas à se servir un crasse-dalle ou à suivre un match à la télé ! Le ton adopté ne laisse aucun doute : l’objectif premier, c’est que le spectateur se débarrasse de ses habitudes télévisuelles, qu’il cesse d’attendre qu’on trouve un indice ou qu’un suspect se présente, et qu’il savoure tout simplement l’humour de la série, pénard. Pour en arriver là, l’épisode installe son personnage sans nous en dire beaucoup sur lui ; sans background, sans intentions, c’est l’attitude bonhomme de Schotty qui prime.
Et il est vital pour apprécier Der Tatortreiniger d’accepter de laisser tout ça derrière soi. Sous peine de ne pas apprécier à sa juste valeur la suite de l’épisode.
Entre en effet côté cour une jeune femme qui se présente dans l’appartement. Ni Schotty ni le spectateur ne sont supposés y voir autre chose qu’une rencontre fortuite, qu’une personne qui ignore qu’un crime a été commis. Pour Schotty en tous cas ça marche puisque, après avoir dissipé tout malentendu quant à sa présence dans un appartement repeint à l’hémoglobine, il finit par faire connaissance avec la jeune femme en question. Maja, c’est son nom, est en fait une prostituée qui venait pour un deuxième rendez-vous avec le défunt, et qui va commencer à discuter, puis sympathiser avec Schotty. C’est là qu’il va expliciter certains éléments qui avaient rapidement été sous-entendus auparavant, mais c’est surtout une conversation à bâtons rompus, pleine d’humour noir mais aussi de fraîcheur, sur la mort.
C’est ainsi que, sans jamais oublier le contexte un peu macabre de leur rencontre, nos deux personnages vont passer un moment à plaisanter, à parler de leur métier respectif (avantages comme inconvénients), et même envisager de faire affaire là, tout de suite, dans le salon. La rencontre a un côté un peu théâtral, à cause de l’unité de lieu (et l’illusion d’unité de temps), et l’absence de toute interaction avec l’extérieur pendant près d’une demi-heure, mais ça fonctionne. Leur rencontre ne sera interrompue que par l’arrivée de deux enquêteurs de la police (en fait deux personnages de Polizeiruf 110) qui vont, ironie du sort, se faire écarter prestement par le personnage principal qui se désintéresse totalement de leur enquête !
Si vous vous cherchez une dramédie (non-feuilletonnante) enlevée et bien foutue, il y a un coup à jouer avec Der Tatortreiniger. Alors, bon, sur le plan de la réalisation, la série n’a franchement pas inventé le fil à couper le beurre, c’est sûr. Par contre, sur le rythme et l’humour, ça fonctionne parfaitement. Et du coup je recommande, oui, je recommande une série de nos amis d’outre-Rhin… voilà qui n’arrive pas tous les jours !