Problème : tous les 4 ans, il y a des élections présidentielles aux États-Unis. Problème : un Président ne peut être élu plus de deux fois. Problème : A la Maison Blanche en est déjà à sa 6e saison. Problème : le héros d’A la Maison Blanche en est déjà à son second mandat.
Solution ?
Elle ne parait pas très lointaine, la dernière saison à s’être prise de passion pour les élection présidentielles ; A la Maison Blanche amorce déjà les changements qui se doivent d’avoir lieu, en faisant de la 6e saison une gigantesque transition. Constitutionnellement, Bartlet ne peut rester indéfiniment en poste, et la série s’applique à nous préparer à l’idée que, quelle que soit l’affection que nous portons à ces personnages, leur quotidien va prochainement être radicalement différent de celui que nous avons toujours connu. Les spectateurs ne pourront pas dire qu’ils n’ont pas été prévenus !
Et pour nous préparer aux changements à venir, rien de mieux que de déjà tout chambouler !
C’est un véritable jeu de chaises musicales qui s’organise pendant la saison : Donna quitte son poste, Josh quitte son poste, Leo abandonne son poste par la force des choses, CJ devient Chief of Staff, Annabeth arrive pour aider à la presse sans jamais être promue porte-parole en remplacement de CJ, Toby fait tout sauf ce qu’il voulait faire lorsqu’il avait demandé à Leo à tenir plus de responsabilités, on ignore totalement qui bosse vraiment à la vice-présidence, Leo revient mais à un autre poste plus ou moins fictif, il décide de veiller à la politique des 365 jours de l’administration Bartlet mais finalement n’aboutit pas à grand’chose de concret, Charlie quitte son poste pour tout de même rester à la Maison Blanche après que CJ créée un nouveau poste pour lui, Kate prend une importance croissante dans le cabinet du Président, et finalement CJ finit même par embaucher Cliff Calley, qui fait ainsi son retour après la saison 3. Ouf ! J’oublie quelqu’un ?
Il ne manque plus que Sam quittant la Californie et/ou Mindy revenant bosser dans l’aile ouest, et le gloubiboulga serait complet ! Et pour parachever l’impression de chaos dans les bureaux de la Maison Blanche, tout le monde ou presque change de bureau géographiquement dans l’aile ouest, ce qui donne l’impression d’un gigantesque jeu de chaises musicales.
Ah ça, pour se trouver des regrets en saison 7 quand inévitablement les dynamiques auront encore changé, il faudra se lever tôt. Tout est vraiment fait pour nous préparer au changement à venir. A un tel point qu’A la Maison Blanche va progressivement faire de la campagne présidentielle son véritable focus, nous éloignant des bureaux de l’aile ouest dans ce qui sera progressivement un épisode sur deux. Plutôt osé, vu le titre de la série et donc son principe fondateur.
A la Maison Blanche assume de vouloir parler de politique, et plus simplement de la présidence.
Cela se traduit par une observation appuyée de la politique politicienne, à un niveau jusque là jamais atteint par la série (on n’avait par exemple jamais assisté à la Convention des Démocrates). Au contraire, on y avait souvent négligé très volontairement cet aspect, pour se concentrer sur les idées et les idéaux. Mais en période de campagne, il est d’autant plus intéressant de regarder comment ces principes s’opposent aux considération terre-à-terre sur les électeurs ; les quelques flashbacks sur la première campagne de Bartlet avaient généralement balayés ces questions comme des évidences, nous allons désormais nous y attarder en profondeur. C’est une richesse de questionnements nouvelle que déterre A la Maison Blanche de sujets qui pourtant, sont liés à une campagne que nous avons déjà vécue deux fois pour Bartlet. La série parvient à éviter presque totalement la redite, avec une belle énergie qui montre que si l’administration de Jed Bartlet touche à sa fin, le drama politique, lui, a encore de la ressource. Et pour être bien certaine de ne pas se tirer une balle dans le pied, la série s’assure que le Président, lui, est bien occupé avec la politique internationale qui de toute façon était son focus depuis quelques temps ; l’arc de début de saison sur le conflit israélo-palestinien démontre si besoin était qu’A la Maison Blanche a encore bien des intrigues présidentielles complexes dans sa manche, quand bien même les jours du gouvernement Bartlet sont comptés.
Tout cela est d’une cohérence et d’une fluidité irréprochable, ya pas à dire : tous les pièges tendus par les contraintes sont évités avec élégance. C’est rare qu’une saison 6 parvienne à éviter à ce point les routes toutes tracées, et à se trouver encore des angles inédits.
Alors cette campagne, justement, quelle forme prend-elle ?
Eh bien du côté des Démocrates, il y a foule. Les candidats sont nombreux et, du fait que deux des personnages que nous aimons aient décidé de suivre une voie différente, nous allons avoir une impression de match serré.
Ce n’est cependant qu’une impression car la préférence de Josh pour Santos, dont il devient le directeur de campagne et que nous allons donc suivre très en détails, fait qu’aucun autre candidat démocrate n’a vraiment sa chance à nos yeux. On n’a après tout jamais cru en Russell (et Donna ne travaille sur sa campagne que parce qu’elle veut progresser professionnellement, pas par conviction), Hoynes n’est jamais présent qu’en pointillés (et on imagine mal le personnage venir alors qu’il semblait épuisé par les scénaristes en saison 4), quant aux quatre autres candidat, ils ne sont même pas nommés, juste vaguement montrés de loin et quasiment de dos !
Par contre, côté Républicains, on croît énormément en Vinick. Peu est fait pour entretenir le suspense à son sujet ; la candidature de Walken est par exemple traitée comme un quasi-clin d’œil. Il est montré comme un personnage sérieux d’entrée de jeu (« tu as un an pour me convaincre de ne pas voter pour lui », énonce Donna dés l’automne après l’avoir vu à la télévision), et il se montre également humain, complexe, parfois même drôle. Il faut ajouter à cela, et c’est loin d’être accessoire, qu’il est aussi le seul candidat à partager des scènes intéressantes avec Bartlet.
Tout cela quand Santos n’existe qu’en tant que candidat. Tout est vu à travers le prisme de ce qu’il veut faire, refuse de faire, aurait souhaité faire, regrette de faire… Il n’a aucune excentricité comme cela peut être le cas de Bartlet (lequel a sa passion pour les documents historiques, et aime parler culture au point d’être gentillement moqué par son entourage), ce qui pourrait laisser imaginer quel genre de président il serait dans la saison suivante, au quotidien. Santos ne se présente pas comme un Président, seulement comme un présidentiable.
Cela permet de nous préparer au match à venir, inexorable (et inévitable pour la série), en saison 7, tout en nous mettant dans des dispositions à accepter, peut-être, d’autres changements de fond…
Dans tout cela, A la Maison Blanche réserve une place très limitée aux histoires personnelles. Vu le gabarit de la saison, ainsi que mon peu d’intérêt pour ces intrigues, c’est un soulagement ! Le peu que l’on a relève très rarement de la romance (on note une fois de plus quelques brèves hésitations entre Donna et Josh, toujours ambigües ; Charlie refait également son comeback sous cet angle). Cela signifie que les personnages ont finalement assez peu d’interactions non-professionnelles, et je trouve que c’est pour le mieux. La seule véritable exception se trouvera dans un épisode abordant la mort du frère de Toby.
Toute question d’ordre personnel est, dans cette saison, systématiquement liée à la vie politique, à l’instar bien-sûr de la maladie du Président qui revient en force cette saison, avec quelques scènes poignantes mais surtout beaucoup de questions d’ordre pratique et politique.
Et cela forme, une fois de plus, une excellente saison. Une saison d’excellence, en fait. C’est un véritable régal d’assister aux intrigues de la saison, il y a très peu d’épisodes en sous-régime, en dépit des diverses perturbations. La saison se prend peut-être beaucoup au sérieux (mais vous le voyez, elle a peu de matière à déconner !), et elle n’exploite pas tous ses personnages de la même façon (Will n’a jamais été le « remplacement » de Sam et sa relégation en arrière-plan se confirme), mais elle réussit la plupart de ses coups. L’épisode King Corn compte par exemple parmi mes préférés pour sa capacité à mettre en lumière le quotidien de la campagne, mais aussi les enjeux sous différents points de vue. Il y a du brio dans cette saison, c’est excitant même quand ça ne l’est pas ! On peut voir les scénaristes travailler dur à la tâche pour éviter les impasses et amorcer une transition nécessaire… c’est de l’orfèvrerie.
Mais à force de se préparer à « l’après », il va bien falloir l’affronter, cette dernière saison.