De vous à moi, en toute sincérité, je n’étais pas très chaude à l’idée de tenter Togetherness. La faute à un pitch assez peu excitant, et à une photo de promo… eh bien, cette photo de promo :
Honnêtement, il y a bien des séries étranges qu’on peut m’accuser d’aimer (dont une se déroulant intégralement sur la banquette du fond d’un diner), mais sur une famille de la middle class crapahutant dans Los Angeles avec ses enfants en bandoulière, vous m’excuserez si je ne parviens pas à réprimer un frisson d’horreur.
Mais sur insistance de Marianne Levy, qui d’ordinaire est quand même d’excellent conseil il faut le dire (hors Gomorra, sur laquelle on n’est pas du tout en symbiose !), bon, j’ai décidé de quand même y jeter un oeil. J’avais fait ça bien : j’avais un bon dîner sur la table, je m’étais préparé un verre de mojito virgin, mon plaid sortait de la machine encore tout fumant, tout ça ; j’y avais mis les formes.
Bilan ? Eh bien bilan Togetherness, c’est pas si mal… mais j’aurais quand même aimé que ce soit mieux. Dans l’idéal deux des personnages sont écartés des épisodes suivants, pour être honnête, et là ça devient une série que j’ai envie de vraiment suivre hebdomadairement, hell, peut-être même quotidiennement dans un gigantesque marathon gourmand (et je ne parle pas que du mojito).
Dans l’idéal, dans mon idéal en tous cas, les personnages à subir la guillotine sont Brett (incarné par Mark Duplass que pourtant j’étais si contente de retrouver après avoir adoré The One I Love en décembre), totalement inintéressant, et pour le moment dénué d’une quelconque scène qui détermine quoi que ce soit à son propos, et sa belle-sœur Tina, qui a par contre moult occasions de se présenter à nous pendant ce pilote, et qui n’est au final qu’une naïve parmi des milliers d’autres à la télévision. Ces deux personnages n’apportent strictement rien à la conversation de Togetherness, du moins à la conversation que semble avoir Togetherness, sur la vie en communauté d’un petit groupe resserré de personnes supposément normales.
Bien plus riches en possibilités, en revanche, sont Michelle, une jeune mère de famille qui tente désespérément d’exister dans sa petite famille, et surtout Alex, un acteur raté dont la vie est totalement miteuse. Quand on veut une série, a fortiori un peu humoristique, sur des gens quelconques (au sens non-péjoratif du terme), ces deux héros se posent là.
C’est le cas de Michelle, parce qu’elle est effectivement quelconque, et que sa vie de famille particulièrement normale l’engloutit ; dans le pilote, on la voit ainsi jongler avec le volumineux matériel à trimbaler avec ses deux enfants en bas âge (j’apprécie que Togetherness n’ait pas cherché à souligner ce fait à des fins comiques, rendant le fardeau que traine Michelle d’autant plus discret aux yeux des autres personnages), devoir rester à s’occuper de sa fille alors qu’elle voulait absolument vivre un moment particulier de la jeune vie de son fils, grappiller du sommeil alors que son mari la presse pour un peu de sexe, et finalement s’octroyer quelques secondes de plaisir solitaire, pour lesquelles elle parvient quand même à se sentir coupable et frustrée. La vie de Michelle dans un petit espace (ici sa maison, qui outre sa famille accueille désormais deux nouvelles personnes sur les canapés) est donc potentiellement riche en futurs conflits aussi bien avec son entourage qu’avec elle-même, et j’apprécie que Togetherness, dans son premier épisode mette en place un personnage nuancé, loin d’être la femme habituelle asservie à sa vie de famille, mais avec une véritable personnalité, un désir vibrant d’être et pas juste d’être quelqu’un pour les autres, et malgré cela beaucoup d’énergie positive, comme on peut le voir dans les quelques interactions avec sa sœur Tina. Michelle existe à la fois dans le cliché et au-delà, et c’est véritablement intéressant.
C’est d’ailleurs un peu la même chose, mais à un degré supérieur, pour Alex. Tout le qualifie comme un raté total : sa carrière d’acteur, ses problèmes d’argent (dans cet épisode inaugural il se fait expulser de son appart), ses problèmes de bedaine et de calvitie précoce, ses problèmes de tout. Il a le vague à l’âme, et on le comprend, à l’idée que sa vie a franchement pris le mauvais embranchement quelque part, et décide de retailler la route pour rentrer chez sa mère… sauf que Brett l’en empêche (seule conséquence bénéfique de son existence dans ce pilote, d’ailleurs). Le voilà donc échoué sur le canapé de son meilleur ami, avec comme camarade de chambrée Tina, une femme qu’il connaît mal (ils ne se sont pas vus depuis le mariage de Michelle et Brett) et qu’il n’apprécie pas plus que ça, et il aurait toutes les raisons du monde d’être terriblement impossible à vivre. Sauf qu’Alex n’est pas comme ça. Pas du tout, même. Et quand Tina va se retrouver dans une situation intenable (parce que bien-sûr qu’elle va se retrouver dans une situation intenable), il va dévoiler quelques uns des trésors qui font sa personnalité. Ce genre de surprises est particulièrement riche dans une série qui s’intéresse à des personnages qui pourraient relever du stéréotype (l’acteur raté à Los Angeles ?!), et augure de bonnes choses pour la suite.
Tout ce qu’il manque à Togetherness dans ce premier épisode, en définitive, c’est une histoire. Je soupçonne intimement Togetherness de savoir très bien s’en passer, et d’être capable de continuer à prendre des journées anodines pour des excuses d’explorer ses situations et ses personnages riches. Ainsi que les autres. Mais même si Togetherness parvient à faire sans, eh bien moi, j’aime bien les histoires, voilà. Donc c’est un peu ennuyeux pour le moment que Togetherness, dans ce premier épisode, ne soit pas trop en mesure de me donner une piste, un horizon, quelque chose. Encore une fois elle n’en a pas besoin ; moi si. Et si, comme je le soupçonne, la vague direction vers laquelle elle se dirige inclut une romance improbable entre Alex et Tina, je vais également être fâchée.
Donc voilà, je ne suis pas acquise à la cause. Mais je pense que je comprends d’où vient l’enthousiasme de Marianne. Ou pas du tout, d’ailleurs, parce que Togetherness est aussi le genre de série dans laquelle on peut voir ce qu’on veut. C’est l’avantage, je suppose, de prendre des personnages et des situations en apparence quelconques.