Certaines fois, on a beau ne pas faire du tout exprès, on regarde quand même une série absolument parfaite pour les circonstances.
Au départ je voulais juste prendre le temps de rattraper les séries de l’été dernier que je n’avais pas pu voir encore, et naturellement, Intruders était en haut de ma liste puisque son showrunner Glen Morgan s’est attaché mon affection depuis les années 90 avec SPACE 2063, tout comme son comparse James Wong. Désormais entre eux et moi, c’est à la vie à la mort, comme vous autres dans le fond avec Whedon ; c’est juste une question de fidélité téléphagique.
A la base je n’en savais guère plus de la série, si ce n’était pour la présence de John « Master » Simm au générique, et qu’il allait être question de surnaturel mais, aha, sans rire ? On parle de Glen Morgan. L’homme qui s’est fait la main sur X-Files et qui a donné à Millennium ses lettres de noblesse.
La logique était que pour mon anniversaire, j’allais me faire ce visionnage trop de fois reporté déjà. Or, comble du hasard, il s’avère que les anniversaires, dans Intruders, c’est loin d’être innocent.
On nage dans Intruders en plein dans l’univers wongmorganien ; tout semble faire sens et… pourtant rien n’en a. La série s’ingénie à poser les bases d’un mystère pseudo-conspirationniste, avec un groupuscule étrange et forcément un peu inquiétant, des personnages qui en savent un peu trop mais dispensent très parcimonieusement leurs maigres informations, et… Eh bien, d’autres gens encore, qui eux découvrent par l’expérience l’existence de tout cet univers sans avoir la chance comme nous d’être menés par le bout du nez de phrase mystique en suspense insoutenable, et qui auraient volontiers évité de mettre le doigt dans l’engrenage s’ils l’avaient pu.
Bien-sûr Intruders a une durée limitée pour faire planer son aura de mystère (seulement 8 épisodes pour la première saison), et doit donc gérer la double-gageure de nous faire mariner tout en faisant avancer l’intrigue.
Cela s’accomplit en nous jetant sporadiquement un ingrédient ou une phrase qui fait sens, lentement. Pourquoi être prêt à se faire balader par une série qui en rajoute dans les dialogues sibyllins, les questions sans réponse et les personnages qui se font buter avant qu’on ne comprenne ce qui se passe ? Deux raisons à cela. D’abord parce que les quelques éléments qui sont, avec une certaine dose de sadisme, laissés à notre portée, sont intéressants ; Intruders veut parler de réincarnation, mais une réincarnation qui semble plus subie que voulue, qui a des règles cruelles, des conséquences terribles pour les réincarnés eux-mêmes autant que pour d’autres. Et puis, ensuite, l’autre raison, c’est que comme je suis une spectatrice éduquée dans les années 90, je suis extrêmement bon public sur ce genre de pratiques. C’est frustrant, mais quand c’est fait avec un tel art, on finit par en redemander !
Le pilote d’Intruders se refuse donc à trop nous en dire, mais on signe précisément pour ça quand on commence une série signée Glen Morgan, non ? Si on voulait des réponses, on regarderait autre chose, genre Les Experts Bayanhongor, et on serait fixés.
Evidemment, c’est toujours plus excitant de se faire mener par le bout du nez dans le premier épisode. Tout le délice se loge dans ce qu’on ne sait pas et qu’on devine, parfois avec une obstination étrange à se tromper pour être bernés aussi souvent que possible par les détours de l’intrigue.
Le vrai défi d’Intruders est de réussir à connecter les points, ou en tous cas de faire mine d’essayer d’y parvenir, de mettre de l’énergie à nous perdre plusieurs fois, à nous lâcher une maigre info qui va nous faire replonger le nez dans le grand secret, puis de nous titiller jusqu’à la fin des temps, ou au moins d’une saison. Son rôle n’est surtout pas de répondre à trop de questions, mais si elle les évite trop souvent, la série prend aussi le risque de nous lasser. L’art du strip-tease en version série, en somme, et je suis prête pour l’effeuillage… mais pas tout de suite. Pas trop vite.