Hey, psst ! Vous avez une minute ? Les séries de la rentrée hivernale japonaise ont à peine démarré, aucune n’a encore été traduite… alors si ça ne vous ennuie pas, je vais vous parler d’une série du trimestre précédent.
Suteki na Sen TAXI, c’est son nom, est l’une de ces séries japonaises high concept qu’on trouve dans la soirée, quand personne ne regarde (ou presque). On les reconnaît à deux choses qui semblent pourtant s’opposer : d’une part, une idée originale lorgnant sur la soft sci-fi pour explorer la nature humaine, et d’autre part, une formule quasi-anthologique avec un seul personnage récurrent.
Original, mais procédural : c’est la recette de quelques unes des plus intéressantes séries du genre, dont par exemple Soumatou Kabushikigaisha dont j’ai déjà pu vous parler par le passé, et que j’en profite pour vous recommander vivement une fois de plus. Dans Suteki na Sen TAXI, on retrouve ces deux ingrédients : la série suit à chaque épisode un dénommé Edawakare, qui conduit un taxi pas comme les autres : il peut en effet remonter dans le temps. Il permet ainsi à quiconque lui demande une course de revenir avant un évènement-clé, et ainsi changer le cours de sa vie… à la condition de faire les bons choix. Et Edawakare est particulièrement sensible à la notion de choix, qui est au centre de son travail.
Le premier épisode nous montre ainsi Hideki, un acteur débutant… sauf que ça fait 8 ans qu’il débute. Il vient de décrocher un rôle dans une série, mais son apparition à l’écran s’est limitée en tout et pour tout à dix secondes, mort douloureuse incluse. Pas franchement le début de la gloire. Ce n’est pourtant pas cela qui le préoccupe lorsque démarre l’intrigue, puisqu’il est en retard pour un dîner avec sa petite amie Kaori ; lorsqu’il arrive au restaurant avec une vingtaine de minutes de retard, sans même songer à s’excuser, elle lui déballe tout ce qui la chagrine dans leur relation, et finit par rompre avec lui avant de quitter le restaurant. Pour rattraper Kaori, Hideki n’a pas d’autre moyen que de grimper dans un taxi mais, bien-sûr, ce n’est pas un taxi comme les autres.
A partir de là, Edawakare va l’asticoter gentillement, lui proposer de voyager dans le passé, et surtout le mettre face aux choix qu’il fait s’il retourne quelques minutes en arrière pour tenter de sauver sa relation avec Kaori. Finalement Hideki retourne en arrière, arrive à nouveau en retard au restaurant, et cette fois s’excuse profusément…
Cette course en taxi a-t-elle sauvé la relation entre Kaori et Hideki ? A-t-il fait le bon choix ?
Ce n’est pas si simple, et les problèmes ne se résolvent pas en une course. Suteki na Sen TAXI montre qu’il ne suffit pas d’une décision pour influer sur le destin, mais d’une multitude, et que même comme ça il n’y a vraiment aucune garantie. A force de rebondissements, l’épisode trouve finalement une conclusion à mi-chemin entre le twist final et le happy ending, ce qui est un équilibre décent pour une série dans son genre. On ne peut pas dire qu’on se prenne une claque monumentale devant Suteki na Sen TAXI, par contre on s’amuse bien, d’abord parce que, comme le veut le dicton, l’Homme fait des plans et Dieu rit, ensuite parce que la série parvient à insérer de petites touches d’humour bienvenues.
Ainsi, si vous vous dites qu’un mec qui peut retourner quand il veut dans le passé fait un peu penser à Doctor Who, eh bien bonne nouvelle, l’auteur BAKARHYTHM (un comédien dont c’est le premier scénario) y a pensé aussi.
Il y a par exemple tout un dialogue, à la fin de la course en taxi, dans lequel Hideki, cramponné à son fauteuil, s’étonne de ne rien avoir senti lorsque le taxi est retourné dans le passé ; Edawakare lui demande s’il s’attendait à quelque chose de plus impressionnant et son client de lui répondre : « J’avais en tête de passer dans une sorte de tunnel spatio-temporel ». « Ah », fait Edawakare, « comme entrer dans un vortex, en faisant woo-oooooo, non ? ». Mais ce n’est hélas pas le cas, et Edawakare se demande s’il ne devrait pas installer une machine à effets sonores pour être plus impressionnant. Pendant toute la scène, notre chauffeur, qui arbore une veste bleue du plus bel effet, et son client Hideki, miment avec une efficacité à peine voilée le générique que vous savez…
L’humour pince-sans-rire d’Edawakare (interprété impeccablement, comme toujours, par Yutaka Takenouchi) fait merveille aussi pendant les scènes d’explication du principe de la série, où il allège l’ambiance avec ses petites phrases à double-sens qui font qu’on se demande s’il est omniscient ou juste fin observateur. Sans parler des bonbons qu’il distribue à ses clients au moment de voyager dans le temps et qui sont un très sympathique gag récurrent.
Il me faut aussi mentionner deux éléments qui, quoique mineurs, semblent également être destinés à participer à l’univers de la série. D’abord, le fait que certaines choses soient expliquées à travers des dessins humoristiques, ce qui surprend un peu sur le moment. Et puis surtout, l’obsession de plusieurs personnages (ne se connaissant pas forcément) pour une même série policière imaginée spécialement pour Suteki na Sen TAXI, et dont on peut voir plusieurs extraits pendant l’épisode. Tout ça apporte résolument une touche décalée à notre intrigue, sans totalement faire basculer la série dans la comédie.
Hélas cent fois hélas, tout cela ne parvient pas à tout-à-fait faire de Suteki na Sen TAXI une parfaite réussite. En cause ? Essentiellement son budget ; ce n’est pas grave que les effets spéciaux soient quasi-inexistants, la série s’en accommode très bien par le biais de l’humour, comme on vient de le voir, ou même en ayant recours à l’absurde assumé. Par contre niveau direction des acteurs, il y a clairement eu des coupes. Ça part un peu dans tous les sens et, dans le dernier tiers de l’épisode, c’est même franchement calamiteux.
A cela il faut aussi ajouter une idée très, très mauvaise, et très, très mal exécutée : chaque épisode commence et finit dans le café où Edawakare prend ses pauses après le travail. C’est à chaque fois le moment d’une petite blagounette (Edawakare a du mal à choisir ce qu’il va manger ; parce que les choix sont cruciaux, vous avez saisi ?) et surtout d’une espère de narration bâtarde entre la voix-off et le commentaire face caméra. C’est à peu près tolérable au début de l’épisode, mais à la fin de celui-ci, on se sent proprement insulté que la série se soit sentie obligée de nous expliquer ce qu’on vient de voir, et plus encore, de façon si grossière.
Il y a donc à prendre et à laisser dans ce premier épisode de Suteki na Sen TAXI, mais une chose est sûre, le high concept nippon a encore des surprises dans sa manche.
J’ai vu la série complète: c’est effectivement bien sympa, particulièrement l’épisode avec le billet de loterie à valider (je m’attendais à une histoire de ce genre dans ce drama) et l’avant-dernier épisode avec le braqueur (parce qu’il s’éloigne du schéma habituel et exploite de façon astucieuse le voyage dans le temps, même si on entrevoit aisément l’issue). Pour le budget limité de la série, ce n’est pas grave, le manque d’ effet spéciaux fait l’objet d’un running gag. Je pense que les scène récurrentes dans le bar sont juste là pour montrer l’indécision du chauffeur de taxi face aux choix anodins du quotidien, en décalage avec les choix cruciaux affectant ses différents clients. C’est vrai cependant que ce n’est pas ce que le drama réussit le mieux.