De tous les pays qui entretiennent des traditions télévisuelles, nos amis scandinaves sont sûrement les plus avisés lorsqu’arrivent les fêtes de fin d’année. Dés le 1er décembre, le signal de départ est donné avec le lancement du Julkalender annuel, une série destinée à toute la famille (…ou pas !) qui enclenche le compte à rebours jusqu’au 24 décembre, jour de Jul (rappelons que nos mêmes amis scandinaves fêtent leur réveillon un jour plus tôt que nous).
Alors, en ce premier jour de décembre, je veux vous parler des séries qui démarrent aujourd’hui et qui vont épater petits et grands en Norvège, Suède, Danemark et Finlande pendant le mois à venir.
Mais d’abord, une petite note préalable : si la plupart des séries dites « Julkalender » (et variations locales) mettent en scène une aventure pendant laquelle il faut sauver Noël, la réalité est en train de dépasser la fiction. Ces séries de fin d’année sont, traditionnellement, l’apanage des chaînes publiques, sur lesquelles elles sont nées et qui, sans détenir un monopole légal, ont au moins un monopole de fait sur le sujet. Le soucis, c’est que les finances publiques, en Scandinavie comme ailleurs, sont en train d’être revues à la baisse, et qu’un nombre croissant de chaînes tente de limiter les frais. Il y a encore quelques années, les grandes chaînes publiques des quatre pays (NRK, SVT, DR et Yle) avait systématiquement une nouvelle série à proposer en décembre, quitte à placer une rediffusion sur les chaînes secondaires pour la jeunesse. Désormais, et on a pu le voir déjà l’an dernier, la rediffusion occupe les grilles de fin d’année à part égale. Jul n’est peut-être pas en danger, mais le Julkalender, peut-être un peu…
Il reste cependant quelques projets inédits, et je ne me priverai pas d’en parler, mais du fait de ces rediffusions, nous allons aussi faire un peu d’Histoire et parler de séries plus anciennes qui reviennent sur les écrans à compter d’aujourd’hui.
Et vous allez voir que si vous voulez vraiment profiter pleinement de l’atmosphère des Julkalender cette année, il faut boire une tasse de lait de poule à chaque mention du mot « nisse » et ses variations. Prêts ?
Partons pour la Norvège d’abord, où l’on estime que 9 enfants sur 10 regardent le Julekalender chaque année. Or, NRK et NRK Super, la chaîne pour la jeunesse du groupe public, n’ont pas franchement les fonds pour des séries inédites à chaque mois de décembre. Alors à partir d’aujourd’hui, on y rediffuse Jul på Månetoppen, une série de 2002 et dont c’est déjà la troisième rediffusion (mais ce devrait aussi être la dernière, nous assure-t-on). On y suit les nissene (c’est le pluriel de nisse), ces fameux petits lutins si chers au folklore scandinave, qui se divisent en rødnissene et blånissene, c’est-à-dire rouges ou bleus ; ils se disputent Månetoppen, la montagne de la lune. L’enjeu est capital en particulier pour les blånissene, qui ont une mission très importante à remplir le jour de Noël, qu’ils préparent depuis l’automne.
La série n’est pas seulement multirediffusée, elle a aussi eu une jolie carrière à la radio pour laquelle elle a été réécrite et enregistrée en 2005, et au théâtre, où elle a été montée en 2007.
NRK a d’ailleurs déjà mis en chantier le Julekalender de… 2016. Snøfall (« chute de neige »), c’est son nom, commencera alors une carrière sur la chaîne qui lui permettra de revenir tous les 4 ans jusqu’en 2030 (…je ne sais pas compter, ou ce chiffre donné par la chaîne est étrange ?), les autres années étant occupées par des rediffusions de Julekalender à succès. L’an prochain, il est ainsi déjà prévu que soit rediffusée l’adorable Julekongen dont je vous parlais en 2012 lorsqu’elle était diffusée pour la première fois par NRK1. Snøfall est un projet choisi parmi 140 propositions, dont on reparlera sûrement lorsqu’il se présentera à la télévision norvégienne.
NRK3 aussi veut arbitrer entre les rouges et les bleus. La shortcom qu’elle diffuse cette année, Adventslekene, compte non pas 24 épisodes comme c’est la tradition, mais 11 seulement, dont le premier a été diffusé hier. La comédie commence lorsque Julenisse, soit le père Noël lui-même (eh oui, traditionnellement c’est un nisse) est arrêté pour fraude fiscale et pour contrevenir aux lois sur le travail des enfants dans ses ateliers ! L’entreprise est alors récupérée temporairement par Jésus, lequel s’arrange pour écarter les rødnissene qui travaillaient jusque là avec le père Noël, au profit des blånissene, assez peu recommandables.
Si la réalisation n’est pas forcément très soignée, l’humour grinçant est en tous cas au rendez-vous, et il y a même du sang qui gicle ! Adventslekene s’adresse clairement aux adultes, comme le dit et montre le premier épisode de la série, visible sur le site de NRK (sans blocage géographique, mais sans sous-titres). C’est la seule série inédite de Jul en Norvège ce mois-ci…
Toujours en Norvège, TV2 est de son côté peu encline aux investissements cette année… comme en fait quasiment chaque année (son succès Jul i Valhal faisant figure d’exception, toutes ses séries Julekalender sont multi-rediffusées à chaque mois de décembre).
La chaîne rediffuse en 2014 une série si subtilement nommée The Julekalender, dont la première apparition remonte l’air de rien à 1994, et déjà rediffusée 5 fois par le passé. A l’époque, c’était la toute première fiction de Jul originale de TV2, copiée sur une série danoise similaire datant de 1991, et dont le sujet est, je vous le donne en mille, les fameux nissene ! Ils sont confrontés aux nåsåer, des sortes de méchants nissene qui ont forme humaine la plupart du temps, mais qui, quand ils sont ivres, dévoilent leur vraie nature : celle de destructeurs de Noël, bêtes et méchants. A noter que si le nisse, lui, fait bien partie du folklore norvégien, le nåså est quant à lui une créature inventée spécifiquement pour la série. Celle-ci comporte en outre plusieurs chansons (à l’époque sorties en CD) qui lui permettent d’avoir des airs de comédie musicale ; tous ses titres sont interprétés par le trio de nissene au centre de la série, bien-sûr.
En Suède maintenant, l’aventure de cette année sur SVT… ne se déroule pas du tout en Suède ! Piratskattens hemlighet propose en effet de faire voyager ses héros, et donc ses spectateurs, dans une petite île de la méditerranée. La série, qui débutait aujourd’hui à 7h45 sur SVT1 mais aussi, comme c’est la tradition, sur la chaîne pour la jeunesse Barnkanalen ainsi qu’à la radio, ressemble en fait assez peu à une série de Jul au premier abord !
Minna et Sam partent en effet, avec leur mère, pour un séjour qui s’avère a priori peu palpitant ; ils rencontrent sur place leur cousine éloignée Bianca et commencent à explorer l’île à ses côtés. Quelle n’est pas leur surprise lorsqu’ils découvrent que l’endroit pourrait bien abriter le trésor du pirate Aquilla. Hélas, si leur envie d’aventure et leur curiosité sont les raisons essentielles de leur chasse au trésor, ils vont bien vite s’apercevoir que quelqu’un d’autre est sur la piste d’Aquilla, et pour des raisons beaucoup moins nobles…
Tournée au printemps en Croatie, Piratskattens hemlighet est produite par Tre Vänner, la société de production à laquelle on doit Cleo, Fjällbackamorden ou prochainement Ängelby et Advokaten, avec Anna Zackrisson à la réalisation (plutôt habituée des séries sombres puisqu’elle a travaillé sur un épisode de Wallander et la totalité des 2 saisons de Höök). Mais s’il y a clairement une machine bien huilée derrière la production, les deux scénaristes de la série, Ida Kjellin et Sofie Forsman, elles, n’ont commencé leur carrière que l’an dernier. Quant aux jeunes acteurs, ils sont, comme c’est la tradition, peu connus voire débutants selon les cas. Tout ce petit monde invoque les Goonies comme l’une des inspirations de la série, ça fait envie.
Je ne connais personne qui déteste les histoires de voyage dans le temps. C’est bien ce sur quoi compte la danoise Tidsrejsen, la série de DR1 cette année dont l’héroïne est Sofie, une adolescente dont les parents ont divorcé il y a exactement un an, pour Jul. Super timing, les parents. En tous cas, la jeune fille ne désespère pas de les réunir pour les fêtes de fin d’année. Lorsqu’elle a l’opportunité de retourner dans le passé grâce à une machine construite par son grand-père, et d’intervenir dés l’enfance de ses parents pour changer son présent, elle s’en saisit immédiatement… sans mesurer les conséquences que cela peut avoir. Et comme si ce n’était pas assez compliqué, elle doit aussi échapper à une organisation secrète logée en 2044, et qui tente d’empêcher les voyages dans le temps. Pendant ces aventures, elle se lie d’amitié avec Dixie, un nouvel arrivant dans sa classe qui semble très intéressé par ses histoires familiales et qui semble parfois en savoir plus qu’il ne le devrait. Dixie aurait-il un intérêt personnel dans les voyages de Sofie ? Pour le découvrir, il faudra regarder la série !
Rappelant Retour vers le futur (Sofie s’invite dans les années 80 pour intervenir dans l’enfance de ses parents), surtout avec son grand-père savant fou, la série s’adresse en particulier aux 300 000 familles divorcées au Danemark, et a d’ores et déjà été vendue en Finlande, en Suède et en Norvège, ce qui signifie qu’on l’y verra probablement dans un an ou deux. La diffusion de Tidsrejsen se double qui plus est d’une exposition, depuis le weekend dernier et jusque début janvier, dans les vitrines de la Chambre des Industries de Copenhague. On peut y observer l’atelier du grand-père, ses inventions, et même y découvrir de près la machine à remonter dans le temps utilisée par Sofie !
Toujours au Danemark, mais cette fois sur la chaîne pour la jeunesse DR Ramasjang, un autre Julekalender démarre aujourd’hui : Jullerup Færgeby. Un fait exceptionnel car bien souvent, Ramasjang agit en doublon avec DR1 et diffuse la même chose : les enfants danois sont donc gâtés cette année ! Les marionnettes de la série n’ont cependant rien d’inédit, puisque la première diffusion remonte à 1974. Ça devrait faire des nostalgiques.
La série se déroule dans une petite ville portuaire, la bien nommée Jullerup Færgeby ; Anton, Kaja et Knud vivent tous les trois dans un phare. Ils se lancent dans un jeu de piste à travers la petite bourgade… Leur point de départ ? Une curieuse comptine en 4 vers écrite au dos d’une carte, qu’il leur faudra déchiffrer pour remonter la piste vers… vers ? Eh bien, c’est à découvrir ou redécouvrir en quotidienne ce mois-ci sur Ramasjang.
Il est bon de noter que la série est tellement entrée dans la popculture danoise, qu’elle fait partie des rares Julekalender à avoir eu sa parodie : Yallahrup Færgeby, diffusée par DR2 pendant le mois de décembre 2007. En reprenant exactement le même style des marionnettes et des décors, la comédie pour adultes, créée par les journalistes Mads Brügger et Nanna Westh, choisissait cependant de se dérouler dans une cité de béton, et ses héros étaient Ali et Hassan, deux enfants de 12 et 13 ans qui ne rêvent de rien tant que de devenir des gangsters et de posséder une BMW-traineau… Pour cela, évidemment, il leur faut réussir dans le trafic de drogues. Un grand succès pourtant, la série avait même été vendue en Italie, chose rare pour un Julekalender !
Comble du hasard (not), Yallahrup Færgeby est justement rediffusé par DR2 en ce mois de décembre. Seuls 24 des 30 épisodes avaient initialement été diffusés en décembre 2007, la série ayant en fait été initialement conçue comme un « Ramadankalender » et non un Julekalender, d’après la chaîne. Cette fois, le public de DR2 pourra découvrir 6 épisodes inédits, car la diffusion se prolongera jusqu’au 30 décembre. Les veinards.
Mais revenons à Tidsrejsen et Jullerup Færgeby. A l’occasion de la diffusion de deux séries, au lieu d’une seule, pour les fêtes de fin d’année, DR a édité un calendrier de l’Avent exceptionnel avec 48 fenêtres, ce qui est en soi une mini-révolution ! Le calendrier annuel de DR est en effet, aussi sûrement que les séries qu’il représente, une tradition, et aucun changement de cette envergure ne passe inaperçu. Conçu en partenariat avec la Danida (l’Agence danoise du Développement international), ses bénéfices sont généralement donnés à une bonne cause, cette année la construction d’écoles en Zambie.
Et même si c’est un peu révolutionnaire, cette histoire d’avoir 48 fenêtre à ouvrir avant Jul, le design est si charmant que je ne résiste pas à l’envie de vous le montrer !
TV2 au Danemark n’a en revanche cette année pas de série originale à proposer ; vous vous souvenez sûrement que l’an dernier, la chaîne diffusait Tvillingerne og Julemanden, une aventure inédite servant de spin-off à une autre série de fin d’année plus ancienne, Ludvig og Julemanden. Eh bien cette année TV2 pioche encore dans ses archives, pour rediffuser une de ses anciennes séries, Alletiders Julemand.
La série, qui date de 1997, est en fait le troisième volet d’une saga de Julekalender ; le premier étant Alletiders Jul en 1994, et le deuxième Alletiders Nisse en 1995 ; la conclusion de cette suite de rendez-vous annuels a été diffusée en décembre 2000 avec Pyrus i Alletiders Eventyr. Vous l’avez compris, c’est un choix assez original que de diffuser la troisième série de la quadrilogie, hors de tout contexte ! En plus le concept n’est pas franchement révolutionnaire, puisque la série se déroule aux côtés de, oui vous l’aviez deviné, un groupe de nisse. Le héros, qui est l’un d’entre eux et répond au nom de Pyrus, qui arrive dans les archives nationales danoises tenues par d’autres nisse. Se plongeant dans les ouvrages avec passion, et découvrant donc l’histoire du pays, Pyrus découvre leurs pouvoirs lorsqu’il lit un grimoire qui libère un sort… et efface Jul des livres d’histoire ! Il faut donc, allez tous en chœur, sauver Noël. Encore.
Allez pour finir, un petit tour par la Finlande, sur Yle TV2 qui elle aussi a une série à proposer. Cette année, pour changer, Tonttu Toljanteri fait relâche, la comédie étant remplacée par Porokuiskaajan arvoitus.
La série est écrite par Timo Parvelan, un auteur de livres pour enfants très connu en Finlande, et a pour héroïne une jeune fille répondant au nom de Pirpanasta. Oh, juste un détail, notre adolescente n’est pas un humaine, elle est… mais si, vous le savez… une nisse ! Enfin, « tonttu », parce qu’en finnois c’est le mot qu’on emploie, mais c’est la même créature. Au lieu d’une comédie à sketches comme l’était Tonttu Toljanteri (dont les débuts à la télévision finlandaise remontent quand même à 1998), il s’agit ici d’une véritable aventure, un mystère que Pirpanasta devra dénouer, et où un médaillon mystérieux pourrait bien tenir une place capitale.
Alors que tous les petits copains scandinaves semblent tenter de faire des économies sur les séries de fin d’année, c’est au contraire un investissement dans lequel s’est lancé Yle pour ce Joulukalenturi. La série a débuté ce matin à 7h50 sur la chaîne publique et comptera 24 épisodes au total, qui mettront en scène trois acteurs très prisés : Pirkka-Pekka Petelius, Vesa Vierikko et Vesa-Matti Loiri. Ça ne vous dit rien à vous mais, croyez-moi, les Finlandais savent de qui il s’agit. Et selon le succès de Porokuiskaajan arvoitus, il est possible que le hiatus de Tonttu Toljanteri se prolonge…
Les voilà donc, les séries de Noël scandinaves, pas forcément toutes très fraîches, mais désireuses en tous cas, même quand l’investissement n’est pas possible, de faire perdurer une bien jolie tradition de fin d’année à la télévision. Et avec un peu de bonne volonté (et l’envie de sauver Jul, naturellement), ce n’est pas très difficile de se laisser tenter, année après année, par leur univers plein de magie… et de nissene, donc.