The Nothing

3 novembre 2014 à 21:58

Cent fois j’ai ouvert cet onglet et cent fois je l’ai refermé. Je voudrais parler et exprimer quelque chose, mais dans le fond, quoi ?

Peut-être que cet épisode dépressif est celui du bout du bout. Peut-être qu’il n’y a rien après celui-là. Non que je pense au suicide (c’est d’ailleurs une nuance originale sur laquelle je n’en finis pas d’insister auprès de mes interlocuteurs médicaux : oui, je voudrais disparaître, non, je ne veux pas me tuer). Mais j’ai l’impression que je vais m’engouffrer pour de bon cette fois. Que le néant va me happer.
Que les problèmes d’argent vont avoir le dessus et que je vais me retrouver à la rue, depuis le temps que ça me pend au nez à force d’être marginalisée par mes épisodes dépressifs. Ou bien que quelqu’un va finir par m’hospitaliser de force et que je vais disparaître dans le circuit médical, oscillant entre des périodes d’internement et des périodes légumineuses.
Quelque chose du genre.

Ca me ferait presque sourire, un sourire jaune mais sourire quand même, de me dire que je suis passée par plusieurs épisodes dépressifs par le passé et que je ne suis pas rodée. Enfin, à la réflexion ce n’était peut-être qu’un gigantesque épisode dépressif avec de vagues périodes de rémission.
Je n’ai toujours pas de système, de bouée de secours, de mécanisme d’aucune sorte qui fasse que quand ça va mal, je sois capable de ressortir une boîte à outils. Il faut dire que je me suis bien arrangée, cette fois, pour faire le nettoyage autour de moi (et comme je l’ai dit dans mon post précédent, le monde tourne trèèès bien sans moi, tout comme les amis ont tourné la page et pensent à autre chose).

Par certains aspects je me trouve relativement fonctionnelle, mais par tant d’autres je vois bien qu’on n’en voit pas le bout, de cette saloperie.
Je suis donc en arrêt depuis janvier, je sors uniquement de chez moi pour les thérapies (et les courses, presque chaque semaine, très peu d’exceptions). Vu que pour réussir à sortir de chez moi il me faut prendre le taxi, sortir reste à mes yeux une occupation onéreuse et je limite même les rendez-vous. A partir de janvier prochain je n’aurais même plus le luxe de le faire vu que mon traitement sera coupé de moitié ; autant dire que ce sera l’arrêt de mort vu qu’il a déjà été diminué et que je m’en sors à peine à l’heure actuelle. C’est un peu le serpent qui se mord la queue.
Les dernières fois que j’ai fait des épisodes dépressifs, il y avait quelqu’un d’autre pour assumer le loyer (ou me loger « à titre gratuit » et me faire rembourser plus tard), donc cette fois j’y vais sans les roulettes : le grand frisson ! Penser à l’argent est ce qui me fait penser que je vais tomber dans le précipice cette fois.

Certains jours je me dis qu’il suffirait que je me reprenne, que je demande à reprendre le boulot et que vroum ! Je reparte vers de nouvelles aventures au lieu de gâcher ma vie.
Et les autres jours, tous les autres jours, je me rappelle que j’ai 32 ans and nothing to show for it, alors franchement, si je voulais ne pas gâcher ma vie, il aurait sûrement mieux valu y penser il y a 10 ans. Même quand j’ai essayé de faire quelque chose, passer les concours, me tirer de la mouise financière, il a fallu que mon cerveau me rattrape ; comment penser que je vais en réchapper ? Si j’avais été supposée réussir ma vie, ça se saurait à l’heure qu’il est. Peut-être que j’aurais pu devenir quelqu’un et peut-être que j’aurais pu avoir une vie et si les cochons pouvaient voler.

Aujourd’hui en revenant de chez ma nouvelle psychiatre, j’étais en larmes et comme en état second à la fois ; je suis tellement terrifiée sitôt qu’on parle d’hospitalisation, mais franchement à ce stade, qui suis-je pour résister ? Qu’est-ce que j’ai de mieux à proposer ?
Je suis rentrée chez moi complètement abasourdie, et j’ai essayé d’appeler aux numéros qu’elle m’avait ordonné d’appeler. Aucun des deux n’a répondu malgré mes tentatives répétées… et j’avais déjà oublié le troisième. Sérieusement, et je voudrais gagner un salaire à nouveau avec ce cerveau-là ?

Certains jours je me dis que je ne suis pas totalement idiote et que j’aurais pu faire être un membre à peu près fonctionnel de la société. Et après je me rappelle que je ne l’ai jamais fait quand ça allait bien, alors c’est pas en ce moment que je vais servir à quoi que ce soit.
Peut-être que je mérite vraiment de laisser le néant m’avaler.

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2 commentaires

  1. amdsrs dit :

    Bon. Je viens de lire tes deux derniers posts et c’est avec embarras mais envie sincère que j’écris ce commentaire.
    Lire sur ces pages ce que j’aurais pu écrire à peu de choses près il y a de cela sept ans (ou moins) ravive des souvenirs peu reluisants. Mais dans le même temps cela m’encourage à te tendre la main, ne serait-ce que pour témoigner qu’il y a un « après ». Bien que cet « après » soit toujours un peu fragile.
    La difficulté est que *je sais*, par expérience, que tout ce qu’on peut nous dire lorsqu’on est cerné par le néant ne résonne pas dans nos tripes. Quand bien même c’est entendu par notre intellect. Parce que le premier symptôme de cette maladie (car c’est une maladie, au même titre que le diabète par exemple, et il ne faut jamais l’oublier) est de nous mettre devant les yeux un filtre, qui modifie notre regard sur le monde. La plupart des choses ne sont ni bonnes, ni mauvaises, c’est nous qui leur attribuons un sens. Et plus nous sommes déprimés, plus le filtre est noir, et plus nous réduisons le monde au jugement que nous lui portons.
    Tu as autant le droit de vivre que n’importe qui et ta présence au monde importe. Sans doute as-tu du mal à t’en persuader. mais je peux te jurer que tes pensées et tes jugements sur toi-même, aussi sévères soient-ils, ne disent rien de toi ou du monde. Ils ne sont pas vrais. Ils ne sont qu’un symptôme de cette maladie qu’est la dépression. Je sais que cela peut être difficile à comprendre, mais tu es une jeune femme brillante (si si, la somme d’érudition au style à la fois pertinent et agréable que constitue ce site en est une preuve flagrante) et je suis sûre que cela fait sens au fond de toi.
    Le temps aide. Certains médicaments aident. L’hospitalisation peut-être, si les médecins la jugent nécessaire. En ce qui me concerne, la lecture aussi a aidé: lire des livres « scientifiques », médicaux consacrés à la dépression aide à la reconnaître et à la comprendre en tant que maladie. Pour ne pas oublier qu’elle n’est pas ton identité. Pour garder à l’esprit que les pensées que la dépression génère sont, au mieux, des vérités complètement déformées par un jugement défectueusement réglé sur la fonction « noire sévérité », au pire, des mensonges.
    Sois douce et tendre avec toi-même, comme tu le serais avec un proche qui serait dans ta situation. Parce que tu le mérites tout autant.

    Je te souhaite de trouver la nécessaire compassion envers toi-même qui te permettra de tenir bon face aux vagues dépressives. Continue juste à garder la tête hors de l’eau et laisse ce mauvais moment passer. Ce n’est rien de plus qu’un moment. Je te le promets.

    Tu sais comment me contacter si tu as besoin.

  2. adele dit :

    Bonjour , je trouve formidable que tu arrives à tenir un blog aussi beau et bien écrit . Moi je n’arrive certainement pas à « faire quelque chose de signifiant » . Je dessine plusieurs heures par jour , mais ça fait 10ans que je dois faire un site , impossible .
    C’est toujours étrange de lire les témoignages d’autres déprimés parce-qu’on ressent l’irrépressible envie de faire exactement ce qui ne nous a jamais aidé : donner des dizaines de conseils et essayer remonter le moral .
    Je vais quand même me fendre d’une réflexion inutile : si tu disparaissais tout ce qui est toi disparaitrait , tes meilleurs pensées , tes meilleurs idées , tout le travail que fait ton corps pour te maintenir en vie . Il n’est nécessaire pour personne de faire tourner le monde. Personne ne fait tourner le monde , tout le monde est remplaçable. Voilà où j’en suis moi : c’est moi qui ai le plus à perdre à disparaître , parce-que ma vie intérieure a tout de même été une très bonne compagne , même mes idées noires ne sont pas si mal tournées :p . Après je suis dans une phase où ça va là .
    Bon courage , je souhaite continuer à lire ton blog , j’ai découverts pas mal de séries grâce à toi . Je suis féministe donc ça me plait bien que tu ais aussi cette sensibilité . ça change des autres blog sur les séries .

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