Shock value

28 septembre 2014 à 19:39

Ayant pas mal de retard sur les séries (et donc les pilotes) apparues pendant l’été, j’ai décidé ce weekend d’attaquer les pilotes mis en ligne par Amazon pour sa prochaine salve de commandes. Étant donné que Transparent a démarré cette semaine sous un tonnerre d’applaudissements (le pilote était, il faut le dire, franchement bon, ça n’est donc pas très surprenant que la suite le soit aussi), et que personnellement j’attends fermement l’arrivée de la première saison de Mozart in the Jungle en décembre, j’y allais vraiment les mains dans les poches.
Certes, tous les pilotes proposés par Amazon précédemment n’ont pas forcément touché au génie ; Zombieland en est un criant exemple, alors que c’est le genre de projet qui semblait pourtant plié d’avance. Même parmi les séries ayant gagné la compétition interne d’Amazon, toutes ne sont pas non plus des bêtes de concours ; si Alpha House se laisse regarder (sans plus), Betas est par exemple passée sous la plupart des radars (à tort, moi je l’ai vraiment bien aimée cette première saison, mais bon).

Really a été ma première proie. Et j’ai vite déchanté.
Les premières lignes de ma review ont donc été très logiquement : « Mais qu’est-ce qu’on en a à foutre, franchement ?! ».
Le problème ce n’est pas vraiment que Really soit une mauvaise idée de série, ni même un mauvais pilote, paradoxalement. Au contraire, une fois l’agacement passé, je trouvais ça plutôt intéressant qu’on me promette d’assister, aux premières loges, à l’effondrement d’un microcosme dont j’imagine qu’il connaît à la fin du pilote sa première secousse. Sans compter que Sarah Chalke est parfaite (elle arrivait à rester sympathique dans How To Live With Your Parents…, alors à partir de là, tout est possible).
Alors qu’est-ce qui cloche ?

Eh bien pour comprendre ce qui ne va pas avec Really, et avec la majorité des séries proposées par Amazon jusque là (et même, oui j’ose, certaines séries de Netflix), le mieux c’est d’aller voir les retours sur… Transparent, justement.

Je suggère qu’on lance un drinking game, avec deux shots de milkshake à la fraise chaque fois que quelqu’un fait une comparaison avec Orange is the new black, ou demande s’il s’agit du nouveau Orange is the new black, ou se réjouit qu’Amazon ait trouvé son Orange is the new black… enfin vous saisissez l’idée.
C’est un parallèle qu’un téléphage ne devrait pas accepter, même en admettant qu’il ait une quelconque réalité. D’abord parce qu’une comparaison de ce type est forcément erronée, car deux séries ne sont jamais interchangeables à un seul détail près (mais on en a déjà parlé). Mais ensuite, et surtout, parce qu’elle implique une surenchère plutôt inquiétante.

Transparent-ShockValue-650

Pour obtenir l’attention, une série venue des pure players comme Netflix ou Amazon doit-elle à tout prix nous choquer ?
Attention, je ne parle pas simplement de provocation comme tant de séries issues de la télévision l’ont fait (des titres comme Nip/Tuck viennent à l’esprit), mais de nous provoquer socialement. C’est en définitive la raison pour laquelle Orange is the new black (avec ses personnages LGBTQ notamment) et Transparent sont si souvent rapprochées dans de nombreux articles ces derniers jours : leur portée sociale, leur façon de parler de choses peu abordées dans la fiction jusque là, de poser un regard sur des situations jugées marginales.
Et c’est très bien : je ne voudrais pas autrement mes saisons d’Orange is the new black. Mais est-ce nécessaire pour qu’une série de son origine puisse exister ?

En ne favorisant que les Orange is the new black, Transparent, et toute autre série future capable de nous parler de questions de société, on se prépare une enchère qui fait plus de tort que de bien aux séries Netflix, Amazon et tutti quanti.
C’est la pluralités des tons qui fait la richesse du câble, qu’on porte si souvent aux nues téléphagiques. AMC diffuse aussi bien The Walking Dead que Mad Men, HBO est capable de proposer Girls et Getting On, ainsi de suite. La liberté de créer est une chose, pour ces séries et bien d’autres ; mais la liberté de laisser créer en est une autre qu’on a tendance à oublier. En popularisant quasi-exclusivement les séries qui frappent un grand coup, se montrent « braves » ou « ambitieuses », on empêche cette pluralité d’arriver aussi sur les pure players. Même s’il n’y en a pas pour tous les goûts sur le câble, il y en a quand même pour un éventail assez large de genres, de problématiques, de tons. C’est vrai aussi des networks, certes avec une amplitude moindre.

Je suis contente d’avoir Orange is the new black, mais je ne veux pas que Netflix, Amazon, Hulu, Crackle et tous les autres derrière, cherchent leur Orange is the new black. Et encore moins qu’ils le trouvent.
Si on est vraiment, mais alors, vraiment à l’aube d’une nouvelle ère de « télévision », où les séries vont émerger sur ces sites avec une liberté nouvelle, alors il faut que ce soit toutes les séries. C’est d’autant plus important de ne pas tuer dans l’œuf tout espoir de diversité en matière d’approche. Je ne dis pas qu’il faut encourager tout et n’importe quoi à être produit puis promu (The Cosmopolitans est une purge pompeuse qui ne fait rien que cent films français n’aient déjà accompli, par exemple). Mais qu’on doit tendre vers un écosystème complet. Même si je n’apprécie pas ces séries, Deadbeat ou Chosen ont par exemple leur place dans ce panorama autant qu’Orange is the new black ou Transparent.

On devrait pouvoir apprécier la simplicité d’un Really, son choix de contexte conventionnel et son approche moins audacieuse d’une problématique donnée. Il devrait y avoir de la place pour tout le monde dans le Nouveau Monde de la série. Et il faudrait ne pas systématiquement chercher constamment la claque suivante. Pensez un peu aux terminaisons nerveuses de votre joue… et à l’avenir ennuyeux qu’on se prépare.

par

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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