The C Word

27 septembre 2014 à 19:44

Difficile de ne pas penser à The Big C en démarrant Nouvelle adresse ; difficile de ne pas penser à The Big C tout court, certains jours, mais c’est un autre sujet. Le problème était justement, en abordant le premier épisode, de savoir comment la série trouverait son identité propre après 5 saisons d’une série voisine récompensée et acclamée.
Que vos craintes se dissipent plus vite encore que les miennes : Nouvelle adresse trouve sa place très vite. Et ce grâce à deux femmes : Macha Grenon (qu’il me faut encore toute l’énergie du monde pour ne pas appeler Manon, après Apparences), qui tient le rôle principal, et Sophie Lorain, qui réalise ce premier épisode (et de nombreux autres à venir ; elle est aussi au générique d’Au secours de Béatrice en cette rentrée québécoise). A elles deux, elle parviennent à donner une grande douceur à l’exposition de cette intrigue pourtant familière.

Cette intrigue, c’est celle de Nathalie Lapointe, une mère célibataire de 3 enfants qui mène également une carrière de chroniqueuse dans un hebdomadaire, et qui voilà deux ans a échappé au pire : on lui avait diagnostiqué un cancer du rein. Dés le début du premier épisode, Nouvelle adresse ne fait aucun mystère de son sort : le cancer est revenu.

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Et après cette révélation, retour en arrière d’une dizaine de jours. Soupirs de la spectatrice (moi). Exposition des personnages dans la vie de Nathalie. Soupirs renouvelés de la spectatrice.
J’allais protester contre ce procédé suremployé du retour en arrière alors qu’on nous a déjà donné la grande nouvelle de l’épisode (voire de la série), quand j’ai remarqué que Nouvelle adresse avait un don incroyable pour mettre en scène la banalité du quotidien de Nathalie avec émotion. Rien, dans ce qui lui arrive avant la révélation de la récidive, n’est vraiment surprenant ou inédit ; pourtant tout est plein de vie, et humain. Là où il aurait peut-être été effectivement un choix plus osé de commencer par cette exposition pour ensuite nous montrer la catastrophe qui vient tout mettre en danger, cette annonce dans le bureau de l’oncologue, eh bien finalement Nouvelle adresse dépense habilement son énergie pour nous faire prendre la mesure de ce qui est en péril. Et quand, à la toute fin de l’épisode, on retourne dans ce maudit bureau pour entendre la mauvaise nouvelle, cette fois en détails, et apprécier les réactions de Nathalie, on est incroyablement impliqués dans sa vie mais aussi dans ce drame. Je pensais que l’impact en serait diminué et, par un tour de passe-passe que je ne m’explique pas totalement, c’est tout le contraire.

En-dehors de la problématique médicale posée par le diagnostic de Nathalie, Nouvelle adresse n’est pourtant pas très original non plus. Entre les enfants de Nathalie (Émile, l’aîné amical mais qui doit gérer sa petite amie insécure ; Léa, l’adolescente qui veut plaire ; et Romy, la benjamine un peu difficile mais studieuse), ses frères et sœur (Magalie la célibataire endurcie et Laurent le cinquantenaire marié à une femme au foyer un peu agaçante ; apparemment Nathalie a un autre frère, Olivier, mais il n’est pas présent dans le premier épisode), sa meilleure amie (Danielle, voisine et confidente pleine d’énergie et de bonnes intentions), et ainsi de suite, les intrigues ne sont pas forcément spectaculaires. Et ce n’est d’ailleurs à aucun moment l’intention de la série.
« On a le temps, on va s’adapter doucement » semble être le mot d’ordre de cet épisode inaugural qui ne veut pas nous en jeter trop au visage d’un coup, préférant jouer la carte de la proximité, voire de l’intimité tendre, avec ses personnages.

Encore fois, c’est le ton qui fait toute la différence, ainsi que la présence de Nathalie qui traverse toutes ses scènes (et elles sont nombreuses) avec une présence ouatée, une voix un peu plus retenue et basse que les autres, une patience et une douceur qui m’ont rappelé une amie, également une mère de trois enfants, et qui a cette même façon d’essayer de prendre tout sur elle, mais de rester perpétuellement positive, et de ne jamais jouer au martyre. Juste essayer de donner, autant que possible ; d’être là, d’écouter, de parler, de poser des questions, bref d’être une mère présente, au risque de phagocyter tout le reste, toute son identité. Nouvelle adresse aurait pris mon amie pour la mettre devant la camera, le résultat aurait été exactement le même ! Tout est là, jusque dans les cheveux longs dociles et les attentions permanentes pour les autres, au point de s’oublier totalement.
Presque totalement…

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Nouvelle adresse a les défauts de ses qualités, cependant. Ce premier épisode, s’il est profondément humain, touche juste et met en scène des personnages proches de notre réalité, ne met pas en scène d’enjeu énorme pour son avenir. Voire se tire un peu une balle dans le pied avec son pronostic vital.
En-dehors des développements de Nouvelle adresse en tant que téléroman (les relations inter-personnelles et la chronique d’une vie ordinaire), on ne saisit pas forcément très bien, au juste, ce que la série va dire de son personnage le plus imposant : le cancer.

Bien-sûr, un premier épisode peut être prématuré pour tout de suite jouer cartes sur table ; Nathalie finit le pilote en sortant du bureau de l’oncologue, et on ignore ses réactions et décisions. Elle est pour le moment sous le choc et rien de ce qu’elle éprouve ne saurait donner une piste sur ce qu’il faut attendre d’elle. C’est un peu mon problème. J’aurais voulu qu’on me dise si, en m’embarquant avec Nouvelle adresse, je vais juste la voir mettre ses affaires en ordre, ce qui est profondément macabre mais se tente (simplement je préfèrerais savoir dans quoi je m’engage !), ou si on va la voir « se battre », ce qui semble un peu illusoire vu le diagnostic mais offre des opportunités différentes sur un plan dramatique (et là on s’engage effectivement sur un terrain proche de ce qu’on a pu voir The Big C travailler pendant 5 saisons).
Je le confesse, à tort ou à raison, j’aime qu’un premier épisode me dise de quel bois seront, à peu près, faits les suivants. Au moins je sais dans quoi je me lance, dans quel état d’esprit lancer un épisode, et ainsi de suite. Vu la gravité du sujet, et son traitement axé autour de la proximité, ça ne me semble pas complètement démesuré, comme attente, en plus… Là j’avoue que même si le premier épisode de Nouvelle adresse est plein d’excellents ingrédients, j’éprouve une petite réticence à suivre la suite.

Ça n’enlève rien à ses qualités intrinsèques. C’est juste que parfois, même les spectateurs curieux ont le droit de vouloir procéder avec précaution. Vous voilà donc prévenus également : Nouvelle adresse fleure un peu le coup de poker émotionnel.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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