C’est pas tous les jours qu’on ressort de trois quarts d’heure de visionnage d’un pilote et qu’on se dit… « mais qu’est-ce que je viens de regarder ?! », et c’est un compliment sincère envers les séries qui suscitent pareille impression. Dans un océan de fictions suivant une structure prévisible et aux personnages faciles à cerner (hello NCIS: New Orleans !), quand bien même on n’est pas encore sûrs de savoir si la série est bonne ou mauvaise, le simple fait qu’elle surprenne est déjà à son avantage.
De Geheimen van Barslet fait même plus que surprendre. Elle désarçonne. Elle n’a pas de sens… même si, oui, bien-sûr, elle finira sûrement par en avoir au bout du compte, mais là tout de suite, c’est juste trop bizarre.
Il faut dire que son concept est précisément d’encourager l’étrangeté et l’incompréhension. En 7 épisodes, De Geheimen van Barslet veut nous parles des évènements qui se déroulent dans la petite ville de Barslet, un coin paumé au milieu de la campagne où dans le premier épisode, débarque un flic répondant au nom de Bjorn et venu de la ville.
Même quand il ne se passe rien, Bjorn a l’air perdu et ahuri, et le simple fait de descendre du bus semble déjà le summum de l’anomalie pour lui. Et c’est ce qui crée d’emblée l’ambiance de la série, en fait : le personnage qui arrive est bizarre, la ville est bizarre, la musique est bizarre, tout est bizarre alors qu’il ne se passe rien. Bjorn prend ses quartiers au poste de police, puis descend au troquet du village où il y a une fête un peu bruyante, se fait servir un verre de bière et s’invite à la fête au premier étage. Il ne se passe rien, mais c’est quand même bizarre. Et puis, le militaire qui était avec lui dans le bus un peu plus tôt dans la journée débarque à la fête, son bardas sur l’épaule, et les villageois fêtent son retour. C’est bizarre. Enfin pas vraiment mais en même temps, si, quand même un peu. Et le plus bizarre c’est que Bjorn observe tout ça avec les bras ballants au lieu de poser des questions ou quoi que ce soit. Ou quand il les pose ça ne nous avance à rien. Et puis c’est vrai qu’à quoi bon poser des questions, il ne s’est pas vraiment passé grand’chose. Plus tard dans la soirée, une voiture prend feu derrière le bar… mais Bjorn ne fait rien pour éteindre le feu même une fois qu’il a un extincteur dans la main.
Mais qu’est-ce que je suis en train de regarder ?!
Les évènements et surtout, les non-évènements, se poursuivent ainsi dans De Geheimen van Barslet sans que le spectateur ne sache sur quel pied danser. Bjorn mène une enquête que qualifier de minutieuse ou d’énergique serait amplement erroné. Il va vaguement prélever des indices, parler à des gens, mais c’est genre, deux questions et il repart. Je ? Hein ? Mais ?
Finalement notre flic passe plus de temps à coucher avec la serveuse du troquet, une femme de 20 ans qui a un fils en âge d’entrer à l’école primaire (ce qui n’a pas manqué de laisser Bjorn perdu et ahuri quand il l’a découvert), qu’à mener son enquête. Il explique à la jeune femme, qui se nomme Manon, qu’avant d’être muté à Barslet, il a dû intervenir sur un incendie et qu’il a été brûlé en essayant de sauver une femme. Ah, s’exclame le spectateur, c’est pour ça qu’il n’a pas réagi. Peut-être qu’en fait De Geheimen van Barslet s’intéresse aux traumatismes de Bjorn et que c’est une espèce de contre-coup traumatique qui lui donne cet air perdu et ahuri.
C’est là qu’intervient un deuxième incendie… au poste de police-même, cette fois. Oh ok, alors De Geheimen van Barslet est une histoire d’incendies criminels sur lesquels va devoir enquêter un policier lui-même traumatisé par le feu ?
Sauf que non, parce qu’il se produit ensuite un truc tellement bizarre, tellement inattendu, tellement irréel, et qui ne ressemble pas du tout à un incendie, que De Geheimen van Barslet redevient totalement cryptique.
Au nom du ciel mais que veut la scénariste ? Est-ce une nouvelle forme de torture ? Vais-je y perdre ma santé mentale ?!
Probablement ; en tous cas si ce n’était déjà fait devant Twin Peaks, Atami no Sousakan et Hellfjord, qui sont du même tonneau (bien que l’humour soit, en revanche, totalement absent de De Geheimen van Barslet). Le pire c’est que même si cette histoire d’incendies devient plus claire, ou cette autre histoire à dormir debout que je n’explicite pas (afin de ne pas spoiler ceux qui regarderont la série), on ne comprendra jamais beaucoup plus Bjorn avec son air perdu et ahuri, de par la structure-même de De Geheimen van Barslet. Car la série néerlandaise ne se contente pas de raconter une histoire de 7 points de vue différents, mais de raconter la même chronologie de 7 points de vue différents : le prochain épisode reprendra donc exactement là où le premier a commencé !
C’est extrêmement bizarre… et c’est ça qui est bon.