Traite

19 août 2014 à 19:16

Dans les années 60, tout était mignon et inoffensif, pas vrai ?
Hin hin.

HereCometheBrides-650

Here Come the Brides est du genre à faire mentir ce cliché. Mais pas dans le bon sens…

Dans cette petite série méconnue des années 60, la ville de Seattle compte encore moins de 200 habitants, et ceux-ci sont essentiellement des bûcherons et autres mâles aux fonctions bien viriles. Et donc, forcément, on y manque de femmes. La série repose donc sur l’idée que les héros vont importer des femmes pour tous ces hommes.
Non, non, ne faites pas cette tête, ça pourrait être, euh… disons, une comédie romantique, ou quelque chose du genre. J’imagine, j’en sais rien.

Eh bien pas vraiment, non. Car la réalisation que Seattle manque de femmes survient à ses habitants, et notamment ses héros Jason et ses frères (qui possèdent le pic montagneux le plus proche, lequel alimente en bois toute la région), lorsque l’un des hommes du coin tente d’agresser sexuellement une des rares femmes de la bourgade. Or, comme il nous sera explicitement dit dans la séquence pré-générique : quand un homme en arrive à convoiter la vieille fille qui sert d’enseignante en ville, c’est vraiment que les choses sont graves !
Après une scène dans laquelle Jason va faire un gringue pas possible à l’institutrice, la charmant jusqu’à ce qu’elle admette que oui, bon, un homme a surgi chez elle alors qu’il était ivre, non invité, et qu’il avait très envie de la toucher, mais c’est quand même pas une raison pour être rancunière, tout Seattle admet qu’à un moment il va falloir agir. Les employés de Jason et ses frères en posent même leur démission : pas de femmes, pas de boulot !

Alors pour sauver leur affaire, Jason et ses frangins se rendent dans l’auberge tenue par la vieille Lottie et tentent de la convaincre de faire venir des femmes, comment dire ? Des femmes charmantes, t’as vu. La vieille Lottie réalise qu’elle est à deux doigts d’ouvrir un bordel, se dit que ça va lui poser les problèmes parce que le dernier qui a tenté a dû fermer boutique, et préfère plutôt héberger des femmes qui ne seraient pas de petite vertu. Pas tant par conviction, donc, mais surtout parce que sinon c’est trop de pression. Elle accepte donc d’héberger des femmes, mais exige qu’elles soient prêtes à se marier.
Rire nerveux. Mon Dieu mon Dieu mon Dieu. Le pilote a commencé depuis une dizaines de minute et ya absolument rien à sauver. Oooh, mais c’est pas fini.

Car c’est pas le tout d’avoir Lottie dans la poche qui veut bien héberger des femmes convenables, encore faut-il les trouver, ces femmes.
Le notable de la ville, un sosie de Mort Drescher qui tient la scierie, accepte d’aider financièrement Jason à importer 100 femmes prêtes à marier depuis une autre région, sous réserve qu’elles soient respectables ET qu’elles restent au moins un an à Seattle. Si Jason et ses frères échouent, ils perdent leur montagne ; dans le pire des cas, ils réussissent et la scierie de Mort Drescher aura fait un profit en fournissant du bois coupé aux couples souhaitant s’installer. Jason relève le pari, et met donc en gage sa montagne. Plus question de faire machine arrière maintenant !

Jason et ses deux frères s’embarquent donc pour un autre État (on dit qu’on y manque d’hommes), espérant trouver 100 femmes désespérées et prêtes à se rendre à l’autre bout du monde juste pour avoir la bague au doigt. Et ils les trouvent !
Dans leur ville, les femmes sont policier, pompier, commerçante… mais tout ce qu’elles veulent, c’est bien-sûr se marier. Les trois frangins n’ont aucun mal à les attirer à la réunion publique qu’ils organisent, et à les convaincre de signer le contrat les engageant à partir pour Seattle, vu qu’elles se jettent littéralement sur eux à la simple mention de mot « hommes ».
Songez que le pire n’est même pas encore passé.

Afin de s’assurer de ne pas perdre leur montagne, Jason et ses deux acolytes font tout ce qu’ils peuvent pour convaincre ces femmes de partir tenter leur chance… quitte à leur mentir en leur faisant miroiter des diamants à profusion, par exemple. Et quand les femmes posent des questions (genre « quand vous dites qu’on doit être respectables, vous voulez dire quoi ? »), Jason, qui n’est pas un grand orateur mais qui bénéficie de la comparaison avec l’un de ses frères qui est bègue (juré), élude maladroitement la question et se lance dans un discours mensonger sur la beauté de Seattle, la ville où la pluie est tellement pure qu’on adore être trempé par la pluie continuelle. Vé-ri-di-queuh.
Une fois qu’il a réussi à les convaincre de partir, il les embarque sur un bateau normalement dédié au transport de bestiau, où les 100 femmes qui ont signé le contrat doivent dormir par terre à même la paille, et si elles se plaignent, il les traite de vieilles peaux qui ne pourront jamais se marier. Là, ça leur apprendra à ces chieuses !
La menace suffit à convaincre les femmes de… bah, euh, rester sur le bateau où de toute façon elles sont déjà embarquées et en pleine mer, après avoir signé un contrat.

A ce stade je secouais ma tête tellement fort devant mon écran que je pouvais entendre mon cerveau se dessécher comme un pruneau et faire une bruit de grelot contre les parois de mon crâne. Il faut quand même admettre que toutes les conditions dans le pilote de Here Come the Brides sont réunies pour que la série ressemble à un prequel de Matrioshki !

Finalement, une fois les 100 futures épouses arrivées à bon port, bon gré mal gré (après tout, avaient-elles le choix ? on leur a menti, on leur a arraché une signature de contrat sans rien leur dire de ce qui les attendait réellement, elles ont été prises en otages sur un bateau dégueulasse, et pour finir on les a mises devant le fait accompli à Seattle). Alors que le bateau accoste, les hommes et les femmes se regardent en silence pendant un instant…
…C’est le moment qu’a choisi Jason pour m’achever et lancer aux hommes : « choisissez votre partenaire ! », avant que les femmes soient prises à bras le corps et portées jusqu’à terre. S’agirait pas qu’en plus elles choisissent leur prétendant.

Finalement, dans les toutes dernières minutes de Here Come the Brides, c’est au sosie de Mort Drescher qu’on doit le peu d’espoir : bien décidé à récupérer la montagne que Jason et ses frères ont mise en jeu si jamais les 100 femmes devaient ne pas toutes se marier ET rester un an, il promet de faire son possible pour démontrer qu’elles ne sont pas toutes respectables, ou que certaines sont peut-être déjà mariées, ou n’importe quoi, en fait, pour empêcher les mariages. A ce stade j’avais envie de sortir les pompoms et l’encourager !

Parfois vous me voyez vous dire qu’il y a des séries qui datent et qui ont du mérite : donnez-leur une chance, ai-je envie de dire. Et je vous en fait une review où je vous explique que, si vous mettez vos préjugés de côté, vous pourriez passer un bon moment.
Il ne s’agissait pas de l’une de ces reviews.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

3 commentaires

  1. amdsrs dit :

    Mais en fait c’est une réécriture de l’enlèvement des Sabines avec le décor de Men In Trees!

    Ce pilot a fait une mauvaise série mais une bonne review facepalm…

    Tu ne dis pas si cette série a duré longtemps et ce que ses scénaristes ont écrit d’autre (histoire qu’on fasse le tri…)

    • ladyteruki dit :

      C’est pire encore, c’est librement inspiré de faits réels (sauf qu’apparemment, n’ayant pas besoin d’avoir plusieurs épisodes par saisons, la réalité s’est contentée d’une poignée de jeune femmes, et non de 100). Après peut-être que ces mecs-là connaissaient aussi leur littérature classique, hein, kesjensé, mais bon, ça fait mal au cœur tout pareil.

    • ladyteruki dit :

      Ah, et pour la durée, 2 saisons (et des nominations aux Emmys, cf. fun fact du jour). Je n’ai pas trouvé le nom du coupable en revanche. Il n’apparait pas pendant le générique ni le générique de fin, et je suspecte que ce soit délibérément caché au public parce que Wikipedia, IMDb et TV.com n’ont pas l’info non plus. On pourrait creuser mais, bon, il est sûrement mort depuis longtemps, pourquoi s’acharner sur sa descendance ?

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