Seconde partie de notre weekend sur des « Dystopies espagnoles »… mais le weekend thématique ne sera vraiment fini qu’avec le fun fact de ce soir, alors restez dans le coin.
Comment m’est venue l’idée de ce weekend sur ce thème ? Très simple : je rongeais mon frein en attendant The Last Ship et je me suis dit que j’allais vérifier si je trouvais des sous-titres pour El Barco, parce que… hey, vous avez vu les pitches de ces deux séries ? C’était difficile de ne pas faire le lien !
Il est possible que, bon, en dépit du fait que j’ai régulièrement mentionné la série dans ces colonnes, vous ayez oublié de quoi il s’agit. Vous avez besoin que je vous rafraîchisse la mémoire ? Pas de problème : El Barco se déroule sur un bateau (c’est la traduction littérale du titre) appelé l’Estrella Polar, qui se retrouve en mer exactement au moment où une catastrophe se produit dans un centre de recherche en Suisse. L’humanité disparait complètement des radars de l’équipage : sont-ils désormais les seuls survivants ? Et si c’est le cas, quel est le plan maintenant ?
El Barco fait ce que les séries espagnoles font le mieux, et qui explique que les fictions de ce pays me fascinent : la série mêle un sujet intéressant, mais l’exploite de façon grand public.
Vous vous souvenez de mon article sur les séries historiques espagnoles qui utilisent des recettes pour intéresser toutes sortes de publics ? Au pire je vous l’ai remis ci-dessous. Eh bien El Barco fait la même chose, et le résultat, c’est que le public plus âgé et/ou exigeant y trouvera son compte avec un univers complexe, un cadre dystopique et des questionnements dramatiques intéressants, quand les spectateurs les plus jeunes et/ou volatiles auront de quoi se captiver pour la romance, l’action et même quelques séquences un peu fanservice sexy. Le dosage est bon, et permet à la série de remplir sa mission première, c’est-à-dire, quand même, faire de bonnes audiences… tout en n’ayant pas le problème de se contenter de la solution de facilité avec une intrigue simpliste.
Pardon si j’insiste. Mais en tant que téléphage un peu chiante, j’ai tendance à vouloir que la planète entière ne regarde que des « bonnes » séries, de « qualité », et « intelligentes » (je mets la barre là où ça m’arrange, comme tout le monde ; et surtout je l’occulte quand ça m’arrange aussi). Ensuite je vois des séries comme El Barco, et je me souviens qu’on n’est pas obligés de taper dans un brumeux élitisme pour ce faire. La piqûre de rappel fait un bien fou ; la fiction espagnole me remet régulièrement les pieds sur terre… si vous me pardonnez l’expression dans le contexte d’un article sur El Barco !
Pour ma démonstration, j’en reviens justement à l’intrigue.
A l’origine, l’équipage de l’Estrella Polar embarque afin de servir de navire-école à une poignée d’ados pendant 2 mois. La raison pour laquelle la série incorpore des personnages adolescents est totalement intéressée, bien-sûr, puisqu’il s’agit en partie de suivre leurs conflits et histoires amoureuses (El Barco est commandée par Antena3 pour prendre la suite d’El Internado, après tout). Mais en incluant aussi des personnages adultes, El Barco s’assure aussi que son intrigue ne va pas rester au point mort et tourner au soap.
Cette intrigue, c’est évidemment le fait que le bateau est peut-être le dernier endroit de la planète où subsistent des humains (mais pas seulement, et un personnage assez mystérieux laisse augurer d’une autre intrigue complexe encore). Ainsi, Julia Wilson, la prof qui a embarqué sur le bateau pour donner des cours pendant les 2 prochains mois, est clairement au courant de la catastrophe qui va se produire, ou au moins soupçonne qu’il s’agit d’une possibilité. Dés la séquence d’embarquement qui ouvre le pilote, on comprend qu’elle est dans la confidence, à un certain degré en tous cas.
C’est d’ailleurs là qu’on s’éloigne de la simple série d’anticipation pour entrer dans un cadre plus proprement dystopique : ce qui provoque le gigantesque cataclysme est une expérience qui a lieu à l’équivalent du CERN, en Suisse. Julia a un contact là-bas, et, sans vouloir vous raconter tout le pilote, elle tente d’influencer la localisation du bateau au moment de l’expérience, afin que l’équipage survive…
Difficile de ne pas penser à une conspiration, a minima, voire même à un plan à un échelon international. Cela voudrait dire qu’une grande partie de la planète disparaît sous nos yeux et que ça a été voulu ! Cela en ayant une personne sur place pour former les quelques jeunes qui constituerant la génération future. Le sous-entendu quasi-eugéniste fait froid dans le dos.
Maintenant, cela étant posé, si vous deviez me demander de choisir entre La Fuga, abordé hier, et El Barco, pour vous choisir une dystopie espagnole… je vous dirais de préférer La Fuga. En fait, si je devais être totalement sincère, si vous me donnez le choix entre El Barco et Last Resort, à laquelle de loin en loin la série nautique fait aussi un peu penser, je marque la pause avec hésitation pendant au moins une minute. Ce qui devrait vous alerter…
Car il faut que je vous avertisse : El Barco est un peu filmée avec les pieds. Ma théorie sur la question, c’est que le bateau a bouffé tout le budget, et qu’il ne restait plus rien pour payer un réalisateur (ou même un chef opérateur décent). Dans le fond, le problème n’est pas tellement que ce soit low cost ou non, mais plutôt que ça en ait l’air : il n’y a pas d’efforts faits sur la mise en images, à aucun moment, et ça devient très vite agaçant. En gros, le premier épisode d’El Barco s’en sortirait très bien si seul son scénario était grand public (et avec des séquences « comic relief » simplistes), mais il y a quelque chose dans la réalisation qui fait plus penser à une telenovela *mouvement de recul instantané dans le public* qu’à une série dramatique dont les épisodes tapent dans les 70 minutes règlementaires en Espagne.
Ça porte énormément préjudice à ce premier épisode, qui souffre déjà d’un certain nombre de facilités (la gamine par exemple, je vais te me la noyer ça va être vite vu). Au moment de l’addition, l’épisode devient un peu pénible à force d’accumuler les handicaps.
Reste que pour les mêmes raisons, c’est sûrement plus facile de faire découvrir El Barco à des non-téléphages, par rapport à La Fuga, plus orienté vers des connaisseurs. Les thèmes sont tous les deux sombres, mais la façon de l’exploiter de la première est plus inclusive que la méthode de la seconde. Et El Barco a aussi l’avantage de durer trois saisons et d’avoir tout le temps du monde pour corriger sa trajectoire, au passage.
Le jour où j’arrive à poser la main sur l’intégralité d’El Barco avec sous-titres, d’ailleurs, je n’y réfléchirai pas à deux fois, en raison des spoilers que je me suis pris en surveillant l’actu de la série au fil des années… Laissez tombez j’ai déjà vérifié l’édition dans son pays natal. Mais ma frustration à trouver des intégrales de séries espagnoles en VO sous-titrée est un autre sujet pour un autre jour !
J’espère que vous avez apprécié ce petit weekend thématique, mais revenez ce soir pour le fun fact, parce qu’il y a du rab’…