En attendant la Libération

1 juin 2014 à 15:17

Les discussions avec moi-même sont généralement âpres sitôt qu’il s’agit de tenter le pilote d’une série française. Malgré les années et les tentatives d’ouverture, ça reste un vrai talon d’Achille pour moi, rien à faire. Pour un pilote qui trouve grâce à mes yeux, combien d’autres qui me fatiguent et étirent le temps de façon interminaaaaaable ? Trop, bien trop.
D’une certaine façon, c’est joliment tragique, cette façon dont le pilote d’absolument n’importe quelle série sud-africaine ou norvégienne m’attire plus que n’importe quel équivalent « bien de chez nous »…

Le pire c’est qu’après avoir vu la plupart des pilotes de séries françaises, j’entre dans une seconde phase de pourparlers pour décider si je vais ensuite écrire sur l’épisode que j’ai testé.

Je vais être franche avec vous : ça me fatigue, d’être négative. Je ne demande que ça, d’être positive avec les séries françaises, c’est juste que la comparaison n’aide pas, et vu que dans ces colonnes, je suis dans une découverte permanente d’éléments de comparaison, j’ai encore beaucoup de marge avant d’être aussi positive que d’autres téléphages français s’exprimant sur la Toile. Je suis un peu envieuse parfois, de leur patriotisme téléphagique ; mais ça ne se commande pas.

Est-ce que je vais vous parler de Résistance ? Tout bien pesé, oui. Mais sachez que je ne lapide pas son premier épisode de gaîté de cœur.
…Cependant, pas de quartier.

Resistance-FR-650

Pourtant je l’aimais bien, l’idée un poil à contre-courant de notre première chaîne, qui alors que tout le monde dégaine sa fiction sur la Première Guerre mondiale, avait décidé de nous parler de l’Occupation. Ça avait quelque chose de délicieusement culotté, et j’en aurais presqu’oublié que la Seconde Guerre mondiale est un sujet usé jusqu’à la corde. C’est vous dire l’impétueuse fraîcheur du concept.

Résistance ne parvient pas, hélas, à éviter les comparaisons avec Un village français. On n’a déjà pas beaucoup de dramas au long cours en France, si en plus on s’amuse à se copier les uns les autres, on va pas s’en sortir. Quand je pense que je n’avais pas aimé le premier épisode d’Un village français, décidément tout est relatif.

Le premier épisode se fait fort de mettre en place une dynamique différente, en tournant essentiellement autour de son héroïne Lili, incarnée de façon un peu automatique (et avec une diction à plonger le plus récalcitrant des insomniaques dans une profonde somnolence, mais j’apprends que son interprète Pauline Burlet est belge, je mets donc cela sur le compte de ses luttes personnelles avec ce que j’imagine être son accent), et non pas une distribution chorale comme Un village français. Mais si sur la forme, Résistance fait les choses avec un peu d’indépendance, sur le fond, on est exactement dans les mêmes problématiques, avec des personnages qui vont devoir choisir de s’élever contre les Allemands et faire leur part dans un contexte difficile.

Pourquoi font-ils ce choix ? Euh, parce que. Posez donc pas des questions comme ça.
Difficile de croire que tous les personnages de la série sont inspirés de gens ayant réellement existé ! C’est pourtant le cas, mais ils semblent tellement peu consistants qu’ils auraient aussi bien pu être tous tirés de l’imagination des scénaristes. De quoi vous écœurer à jamais de la postérité, si c’est ce que les siècles à venir doivent retenir des actes héroïques d’une génération.
Car oui, héroïques, forcément héroïques. Le patriotisme effréné de Résistance n’aide pas à s’intéresser concrètement au sort de ces personnages.
On aimerait bien ressentir des enjeux dans ce premier épisode, mais c’est peine perdue. Les protagonistes sont dénués de toute vie intérieure, entreprenant chaque action comme sous le coup de l’évidence (paradoxalement, ça diminue totalement la dimension de courage). L’émotion est quant à elle toute aussi absente, essentiellement parce que pas un seul protagoniste ne semble en être doté.
J’aurais aimé que Lili ait peur, ou que René hésite, ou que Monsieur Jacques s’inquiète, mais je ne perçois rien de tout ça ; certaines lignes de dialogues le disent, mais rien ne confirme, ni dans le jeu, ni dans la mise en scène, ni dans l’écriture des personnages au sens large, que quelqu’un ressent quoi que ce soit. Seule Victoria parvient à se montrer humaine dans toute cette tourmente et cette détresse, mais ses apparitions sont trop rares pour insuffler quelque chose de durable à la mini-série. Dans le contexte de Résistance tel que son premier épisode est conçu, et par effet de contraste, elles virent même à la caricature larmoyante, ce qui est un comble.

Et puisqu’on parle de dialogues, peut-on envoyer les scénaristes de Résistance en stage au Québec, pour qu’ils voient comment on peut écrire en français une fiction qui sonne vraie dans la bouche des personnages ? J’ai longtemps cru que mon problème avec les séries françaises venait de la langue, jusqu’à ce que les fictions québécoises, en dépit de leur accent (pas si insurmontable qu’on ne le croit), me démontrent que la chose est possible de façon autre que sporadique à la télévision. Résistance est l’exemple-même de série où les gens ne parlent pas : les acteurs récitent des lignes de dialogues impossibles à faire passer pour autre chose qu’un scénario, y compris quand on essaye de les faire s’exprimer de façon populaire.
C’est fatigant et ça n’arrange personne. Dans une fiction en général, c’est déjà agaçant. Dans une fiction historique, c’est pire encore. Dans une fiction historique sur un sujet vu cent fois, on frôle l’AVC. J’avais envie de devenir violente avec mon écran ; et il n’avait rien fait, le pauvre. Que les scénaristes français prennent pitié de mon écran, je vous en conjure. Si vous ne le faites pas pour moi, faites-le pour mon écran, au moins !

Le pire dans tout ça, c’est que Résistance fleure bon la fiction hors de prix ; tout dans la réalisation de la série dit qu’on a voulu y mettre le prix (et après vérification, ce prix se monte à 8 millions et demi d’euros ; je vais vous dire, ça se voit). Le soucis c’est qu’une fiction d’envergure ne signifie pas toujours qu’il va s’agir d’une fiction de qualité, et on en a l’exemple parfait ici. On se balade dans toute la France, quand bien même le premier épisode reste irrémédiablement parisianiste, on multiplie les décors, on se paye le sourire de Fanny Ardant, on s’adjoint le visage raide de Richard Berry, et finalement pour quoi ? Au bout du chemin, Résistance n’accomplit rien.

Alors au juste, je ne sais pas quoi proposer.
Qu’on arrête les séries historiques ? On n’en fait pas tant que ça. Qu’on en finisse avec la Seconde Guerre mondiale ? Sur le fond je crois l’intention d’en parler louable, quand bien même j’ai un sentiment d’overdose sur le sujet. Qu’on insuffle un peu d’humanité dans nos projets les plus pharaoniques ? C’est illusoire, mais ça ne coûte pas plus cher de le suggérer (le travers n’est pas spécifiquement français, me faut-il préciser, bien que des pays comme l’Espagne évitent plus souvent l’écueil ; gardons un oeil sur le remake de Vélvet, au passage).
Il y a quelque chose à faire, assurément, pour éviter qu’une série comme Résistance ne vienne hanter à nouveau nos écrans dans quelques années (le temps de remettre en branle un projet similaire). Vous pouvez être sûrs que pourtant on n’y coupera pas.

Pas plus que qui que ce soit sur la problématique de la « fiction française » (insérer ici un coup de tonnerre dramatique), je n’ai la réponse ; mais bon sang, c’est difficile d’ignorer la question.

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

1 commentaire

  1. capecodmiss dit :

    je n’ai pas eu l’occasion de regarder la série, mais au final, la lecture de ta critique me semble amplement suffisante!

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