Vous ne m’entendrez jamais dire que vous ne devriez pas regarder des séries étrangères… mais il faut de bonnes raisons pour le faire.
L’erreur à ne pas commettre, c’est de regarder des séries étrangères pour une mauvaise raison ; je m’en suis rendue compte avec le temps, à force de chercher à transmettre mon enthousiasme à mes proches sans prendre en compte leurs envies, juste parce que j’étais tombée sous le charme d’une série ou d’une autre et que, bah, vous me connaissez, quoi. J’ai du mal à garder mes coups de cœur pour moi.
Pour changer des habituels articles où je vous incite, avec toute l’énergie que j’ai, à regarder une série japonaise ou chilienne, voici donc 5 raisons de ne surtout pas regarder une série étrangère, et de s’en tenir à un régime strictement américano-américain. Voire britannique si vous vous sentez aventureux. Je ne pensais pas écrire ça un jour, mais maintenant qu’on y est…
La curiosité est-elle inconditionnelle ?
5 – Vous parlez la langue et vous vous dites que ça vous fera bosser/réviser
Ah ah ah ah ah. Non mais pardon, c’est nerveux.
C’est un argument que je place avec clémence dans cette liste parce que, soyons sincères, sur le principe, l’idée a du mérite. Je suis devenue bilingue grâce à la diffusion d’Oz par Séries Club, et certainement pas pendant ma scolarité (désolée Mme L.), alors je comprends le sentiment, croyez-moi. Sauf que c’est quand même assez théorique.
Parce que je ne compte pas le nombre de fois où quelqu’un m’a interpelée : « hey, je parle le khotanais et je me demandais si tu connaissais des séries…? ». Permettez donc que je réponde une fois pour toutes : oui j’ai probablement parlé d’une série dont vous parlez la langue (si vous allez dans les tags, et que vous faites CTRL+F suivi du nom du pays, vous allez avoir une liste de toutes les fois où j’ai évoqué le pays en question ; au passage, les tags sont des sources vitales de découvertes, et certainement la page la plus importante de ce site… les adopter, c’est maîtriser tout ce qu’il y a écrit dans le coin), et d’autre part, non vous ne devriez probablement pas procéder de la sorte.
Je m’excuse de faire mon Visiteur du Futur, mais si vous le faites, voilà ce qui va se passer : vous allez chercher des leçons, et non des séries. C’est-à-dire que vous allez regarder une série pour la langue dans laquelle elle est tournée, mais absolument pas pour son histoire, son ambiance, ses qualités intrinsèques, etc., et ça, eh bah, c’est ce qui explique que seulement une fois sur cent, quelqu’un revienne ensuite me voir et me dise « ha j’ai adoré la série en khotanais que tu m’avais recommandée ! ». Bah ouais, parce qu’entre les séries que je connais (c’est-à-dire pas toutes), celles qui sont trouvables (c’est-à-dire encore moins) et celles qui vous plaisent (là je ne me permettrais pas de quantifier…), les chances pour qu’on tombe juste sont minuscules, c’est tout simple.
En plus, franchement, de vous à moi hein, regarder une série pour progresser dans une langue, c’est une mauvaise idée. Regarder une série et au passage en profiter pour progresser dans une langue, ça, j’ai testé et approuvé, je recommande. Mais le faire pour la leçon de vocabulaire ou pour (ré)éduquer votre oreille, c’est le plus sûr moyen d’être écœuré à vie d’un truc supposé être un loisir et qui devient un devoir de vacances. Et ya même pas les réponses à la fin, en plus.
4 – C’est la série préférée de quelqu’un d’autre
Vous connaissez sûrement ce tic très répandu chez les téléphages : vous demandez une recommandation, et la personne vous recommande LA série qu’elle pense être la meilleure. C’est la plus géniale, la plus originale, la plus incontournable. C’est encore plus évident quand elle oublie de vous interroger au préalable sur vos critères, comme par exemple le genre qui vous attire (dans le cas présent, donc selon l’humeur, ou en général; par goût). Ce n’est pas un mal en soi : il s’agit de l’expression d’une passion et d’une tendresse en même temps, et effectivement, ce serait cool que vous ne loupiez pas une série qui est un bijou. Le souci, c’est qu’une recommandation marche mieux quand elle est personnalisée ; dans le cas de la fiction « exotique » (au sens où elle vous est pour le moment inconnue), c’est encore plus vrai.
Par exemple, si je vous dis impérativement de commencer la fiction brésilienne par Capitu (et je reconnais bien volontiers avoir déjà glissé son nom par le passé !), et que vous commencez par là… eeeh beh, comment vous dire ? On ne parlera probablement pas de séries brésiliennes très souvent ensemble. La série est solide et impressionnante en elle-même, mais ça peut être un peu trop pour une première fois. Il faut aussi prendre en compte le décalage infligé par la barrière de la langue, par exemple. Sans compter que, quelque soit le brio de Capitu, la série est profondément personnelle et atypique. Résultat ? Il est peut-être préférable, paradoxalement, de vous recommander une série de HBO Latino, qui répond à un cahier des charges plus familier du spectateur que vous êtes, genre (fdp). La série est sûrement moins bonne que Capitu, comme on a eu l’occasion de le dire récemment, mais on n’avance jamais qu’en posant un pied après l’autre.
3 – C’est un remake d’une série que vous connaissez : chouette, vous avez une longueur d’avance
Je l’aime bien, cette mauvaise raison-là, parce qu’elle est mignonne. Confondante de naïveté, limite.
D’abord parce que, même si vous connaissez la série d’origine, ça ne veut pas dire que ça vous ouvre un boulevard pour comprendre l’adaptation. J’ai vu mon lot de remakes, d’adaptations et de retoolings divers, et je vous jure : on ne s’y fait jamais totalement. Les plus petites variations peuvent soudain devenir déstabilisantes… précisément parce que vous avez vos repères et qu’ils sont, évidemment, totalement différents dans un remake. En fait, c’est même pire : plus vous connaissez la série d’origine, plus vous êtes certains d’être déçus. En téléphagie (même pas nécessairement étrangère), il y a une règle tacite qui dit que le premier qui a parlé a raison : en gros, la première série que vous avez vu aura dans 99% des cas le dessus sur celles qui la suivront sur un mode similaire. Souvenez-vous de votre premier coup de cœur téléphagique, et essayez de nommer une série au pitch et/ou au genre similaire que vous avez découverte ensuite, et que vous avez aimée plus encore que le premier coup de cœur. Voilà, CQFD. On peut apprécier toutes les variations de Bron/Broen, mais les chances pour qu’on préfère la version qu’on a découverte en dernier sont minimes. C’est juste pas fait pour.
Et puis, parce que le royaume du remake est un endroit sombre de la téléphagie où ne devraient jamais s’aventurer que les plus aguerris, en particulier dans le cas du remake international. Je vous dis ça après avoir survécu au pilote de plusieurs versions internationales (dont russe et polonaise) d’Une Nounou d’Enfer : c’est un sport de l’extrême. Connaître la série vous pousse uniquement à comparer pendant tout l’épisode au lieu de vous caler au fond de votre fauteuil et apprécier ce que vous avez sous les yeux. Faites-vous une faveur, quel que soit le pays que vous voulez aborder, gardez les remakes pour la fin. Voire même jamais. C’est bien aussi, jamais.
2 – On vous a dit que c’était comme telle série US que vous aimez bien
Ce sont des on-dits, votre Honneur ! La règle numéro un de la comparaison entre séries… c’est qu’elle est fausse.
Bon, c’est pas exactement vrai, sinon mes articles n’auraient jamais autant de tags. Disons qu’on peut comparer les séries, qu’on peut mettre côte à côte leurs thèmes s’ils sont similaires, leur traitement s’il diffère, et l’esprit qui s’en dégage si jamais il venait à ne pas être totalement unique (ce qui est douteux). C’est sûr. On peut, en tous cas, très certainement, indiquer que deux séries ont un lien de parenté donné, quand bien même elles ne se sont jamais rencontrées ; elles appartiennent à une même famille, soit. Peut-être même que si on aime l’une, il peut être recommandé de tenter l’autre.
Ce qu’on ne peut PAS faire en toute bonne foi, c’est dire que l’une et l’autre sont interchangeables à une différence près (voir aussi : « Ottepel, le Mad Men russe », ou « Looking, le Girls gay »). Ça ne marche ja-mais. Si vous commencez à suivre ce genre de conseils, autant tout de suite éteindre votre écran et vous mettre au crochet, je ne peux plus rien pour vous.
Et d’ailleurs, vous le savez intellectuellement, même si sur le coup vous avez envie d’y croire ; ne serait-ce que parce que, chaque fois qu’on vous a dit ça, vous avez regardé par vous-même et avez réalisé que les différences vous sautaient d’autant plus aux yeux. Combien de fois vous êtes-vous fait avoir ? Apprenez de vos erreurs.
1 – Retrouver un acteur connu via une série US
Les acteurs étrangers trouvant le succès aux USA sont très, très nombreux, y compris à la télévision. On vous parle souvent des acteurs britanniques qui sont dans ce cas, et ils sont effectivement légion. Avec Gracepoint, entre autres, ce n’est d’ailleurs pas près de s’arranger. Mais il existe aussi une foule de nationalités diverses ; si bien que quand un acteur retourne dans son pays natal, on peut être tenté de l’y suivre et regarder la série qui résulte de son retour au bercail.
Grossière erreur. D’abord parce que, même si tout le monde s’accorde pour dire qu’un job à la télévision US améliore le statut des acteurs, il reste inutile d’espérer que tout d’un coup, ces enfants prodigues vont être des stars dans leur pays natal. Ensuite parce que, mon opinion c’est qu’à la base, regarder une série à cause d’un acteur en particulier, c’est le truc qui vous garantit de regarder une série dont vous allez dire plus de mal que de bien, et pour laquelle vous aurez du mal à justifier d’être encore devant la saison 712. Allons donc, soyons sérieux : si vous n’arrivez pas à le justifier à d’autres téléphages sans vous chercher des excuses (« nan mais en vrai ça devient drôle/intéressant/whatever »), c’est bien que dans le fond vous savez qu’il y a un problème.
Prenez l’exemple de Toni Collette : après United States of Tara puis Hostages, la voilà qui retourne en Australie pour Devil’s Playground. Sur le papier c’est parfait, mais son rôle reste mineur. Inutile de regarder la série pour elle, vous allez passer votre temps à la chercher. Et ses interventions ne vont pas absolument vous river à votre siège. Bien-sûr que c’est tentant de retrouver un visage familier pour essayer d’aborder un monde inconnu, et c’est tout à votre honneur en théorie. Mais si vous avez regardé Lost et que vous voulez tenter une série sud-coréenne pour y retrouver Yunjin Kim… le choc risque d’être rude (en plus elles datent toutes des années 90 !). Derrière l’intention louable se signe un chèque en blanc pour lequel votre téléphagie n’est pas solvable.
Alors comment procéder ? Eh bien, ya pas vraiment de mystère en fait : la curiosité, c’est environ 90% de recherche, 7% de visionnages piteux, et 3% de réussites. L’avantage c’est que dans ces colonnes, je m’engage à faire les premiers 90% pour vous, à vous parler des 10% restants sans vous mentir, et à vous écrire plein de reviews pour vous donner une chance d’atteindre les 3% qui peuvent vous intéresser.
C’est la raison pour laquelle je recommande plus que chaudement l’utilisation de la page tags : à partir de cette page, vous pouvez faire vos propres recherches dans un endroit où une bonne partie du tri a déjà été fait par mes soins. Vous pouvez remonter chaque article mentionnant ou explorant un pays de votre choix. Vous avez la possibilité de choisir n’importe quel titre de série et regarder chaque fois où elle a été évoquée, soit en passant, soit dans des news factuelles, soit dans des reviews de fond (généralement des pilotes, donc sans spoilers).
Je ne cherche pas à tout crin à vous faire consulter cette page quotidiennement (quoique…?), mais j’ai eu tellement de remarques, notamment pendant Séries Mania, de l’ordre de « j’aimerais regarder plus de séries étrangères », « j’ai bien aimé telle série de tel pays mais à partir de là je ne sais pas où commencer », et bien-sûr le désormais classique « je me demandais si tu connaissais des séries en khotanais…? », que j’ai eu envie d’attirer votre attention sur quelques facteurs importants à prendre en compte dans votre soif de découvertes.
Pas parce que je veux vous tenir à l’écart des mille merveilles du monde téléphagique. Bien au contraire, croyez-moi ! Mais parce que la curiosité, ce n’est pas inconditionnel, et ça n’est sûrement pas facile non plus. Ça fait des années maintenant que je suis dans cette quête, cette exploration de la télévision internationale, et je me plante encore souvent. Le problème, c’est que les expériences malheureuses peuvent avoir un effet dévastateur sur toute votre motivation, et je voudrais vous éviter des déconvenues !
Alors soyez chics : la prochaine fois que vous voulez tenter une série étrangère, faites-le pour les bonnes raisons… et une fois que vous avez déterminé ça, venez me voir, je vais prendre soin de vous ! D’ailleurs, si vous sentez que vous êtes au point, vous pouvez commencer par le Guide de survie.