Pour une fois que j’ai l’opportunité de voir une série ukrainienne avec des sous-titres, il a fallu que ça tombe sur Nyukhach, la série policière qui a réussi à attirer l’attention de TFHein et deviendra peut-être la prochaine série policière à succès de la télévision française. Et vous connaissez mon goût pour les séries policières…
A l’heure où il est impératif pour une série policière de mettre en scène un personnage avec un petit quelque chose en plus, Nyukhach a trouvé son créneau : un homme au sens olfactif sur-développé. Consultant pour la police, il intervient sur des scènes de crimes où son talent pour humer l’air devient éminemment précieux. Niveau pitch, personne ne s’est donc donné beaucoup de mal pour dégoter le sujet de départ de la série.
Alors pourquoi TFHein l’a-t-elle achetée ?
Parce que justement c’est pas trop original, mais qu’en revanche, c’est hyper bien gaulé. Nyukhach a mis le paquet niveau réalisation. Les décors sont hyper soignés (avec une tendance à la modernité, aux espaces clairs, et des touches high-tech), il y a du filtre en veux-tu en voilà (avec une nette préférence pour un contraste entre le bleu ou bleu-gris, et toute une gamme de couleurs chaudes), et les effets spéciaux sont aux petits oignons. Parce qu’évidemment, comme une série ne se regarde pas encore en Odorama, il a bien fallu trouver un moyen de mettre en images ce que le personnage central renifle, et pour ça, l’épisode pilote fait assez fort. Les effets spéciaux ne sont pas présents toutes les dix secondes, mais quand ils sont à l’écran, il faut admettre que ça en jette.
En fait, Nyukhach en jette constamment. Entre son personnage qui vit dans un laboratoire stérile afin de préserver son petit nez fragile, ses couleurs en bataille et son sens aiguisé de la réalisation, la série est dans le perpétuel tape-à-l’oeil.
Du côté du scénario, il faut quand même admettre que Nyukhach n’est vraiment pas la révélation du siècle. Le personnage central (que beaucoup de critiques en Ukraine ont comparé à Dr House, et il faut dire que son apparence générale amplifie le problème) est un type pas franchement chaleureux, mais pas mauvais bougre non plus ; son plus grand talent vient d’un sens de l’odorat qui est aussi bien son outil de travail que sa plus grande malédiction, puisqu’il est extrêmement sensible aux odeurs en permanence. Au point de porter des sortes de boules Quiès pour ses narines quand il sort de chez lui. Il est également allergique aux poils de chat (ce qui nous donnera une scène d’action risible quand un chat lui tombe dessus avec une musique prête à vous faire croire que le matou est un dangereux terroriste), et toute irritation nasale le rend inopérant pendant plusieurs jours, nous dit-on. Rien de très fantastique là-dedans et, sans la réalisation, ce serait même assez ridicule.
Quant à l’enquête policière de ce premier épisode, elle est à se rouler par terre parce qu’elle est d’une simplicité à toute épreuve. Nyukhach n’a même pas la décence de lancer de fausses pistes pour justifier la durée de l’épisode ! C’est très linéaire, l’objectif étant simplement de faire en sorte que le héros se retrouve en situation d’inhaler diverses substances dans trois ou quatre lieux différents, dont des scènes de crime, tout en s’envoyant quelques piques avec son ami le flic. Il y a pourtant de nombreuses choses artificielles qui jalonnent l’enquête ; par exemple, notre Renifleur est capable d’identifier l’odeur de choses complètement bizarre comme l’âge de quelqu’un, ou encore, il sent que quelqu’un essaye d’arrêter de fumer… mais son patch est en évidence sur son bras de toute façon. Les scénaristes se donnent du mal pour que leur expert en odeurs soit vital à l’enquête, mais c’est à un tel point qu’on se demande pourquoi tous les effectifs de la police ne rentrent pas chez eux.
Pour finir, Nyukhach essaye de donner une vie personnelle à son héros, avec des intrigues secondaires, mais dans le premier épisode (…sur une saison qui n’en compte que huit, osons le dire), c’est plutôt raté. Ainsi, l’ex-femme de notre héros odoré est une emmerdeuse finie qui passe son temps à le rabrouer au téléphone, en général au sujet de leur fils Alex, un ado qui dans le premier épisode, est soupçonné de vendre de la drogue dans son lycée. La façon dont finit le pilote donne à penser que l’histoire ne s’arrête pas aussi facilement qu’on nous avait initialement laissé le croire, mais ça reste quand même très mal géré, sans compter qu’on n’en a à peu près rien à péter. L’expert en humage va aussi rencontrer une jolie doctoresse qui semble être la première à avoir pris sa condition nasale au sérieux, et on se doute que, maquillée comme une voiture volée qu’elle est (même si yen avait la moitié sur son pull à col roulé blanc), et avec les quelques sous-entendus de leur conversation, elle va lui servir à terme de love interest. C’est tout-à-fait captivant.
Résultat, Nyukhach est probablement le genre de série que je m’attends à ce que les exécutifs de TFHein adorent, et qui moi m’ennuie à mourir. La série pose cependant la question : est-il légitime d’acheter un format de série uniquement parce que la réalisation a de la gueule ? Si la chaîne française n’aligne pas les pépettes derrière, ç’aura l’air moche et il n’y aura rien pour rattraper le coup.
Pendant ce temps, Nyukhach, qui peut se vanter d’être le plus gros succès de la télévision ukrainienne de ces 5 dernières années, s’est vu commander une saison 2 alors que la diffusion de la saison 1 n’était même pas encore achevée. Comme si yavait pas assez de souffrance en Ukraine en ce moment.