Faire des généralités, c’est mal. Dire que toute la production d’un pays est ci ou ça, c’est courir le risque très vite d’en dire n’importe quoi.
N’empêche : je suis et reste fascinée par la façon dont les séries israéliennes abordent la religion et la spiritualité. Qu’elles nous parviennent facilement ou non (c’est souvent non), c’est vraiment quelque chose qui m’épate systématiquement. La chose est pourtant risquée quand on parle d’une minorité religieuse, et pourtant les séries sur les Juifs orthodoxes y parviennent également.
Le plus intéressant, c’est que, comme j’ai eu l’opportunité de vous le dire dans un fun fact plus tôt cette année, ces séries mettant en scène des Juifs orthodoxes (Urim ve Tumim, Kathmandu, Srugim bien-sûr) sont vraiment un mouvement nouveau de la télévision israélienne, et pourtant, rien à faire, même ces séries au thème si particulier réussissent à chaque fois leur pari.
Mekimi commence dans les années 90, alors qu’Alma Segal mène une existence plutôt sympathique : elle est présentatrice d’une émission de divertissements à la télé, vit dans une collocation mixte où se retrouvent toutes sortes d’artistes et d’esprits libres, et l’un dans l’autre, elle n’est pas malheureuse.
A une exception près : Alma a beau sembler être dans un état d’esprit de décontraction permanente, elle est justement frustrée que sa vie soit si simple. Tout ce qu’elle a à faire, c’est présenter des petits sketches ou segments « lifestyle », mais ça ne lui suffit plus. Quand un attentat fait de nombreux morts et blessés, alors qu’elle est en train de préparer une émission qui s’annonce comme peu réussie, Alma réalise que son travail manque de profondeur. Elle voudrait quelque chose de plus. Elle sature.
Le soir, en rentrant, elle fait la connaissance de 2 nouveaux colocataires qui viennent d’emménager, Brenner et Ben. Avec Ben, en particulier, on sent que le courant passe tout de suite ; dans la soirée, elle s’invite dans sa chambre et a une conversation avec lui qui devient tout de suite intéressante. Dés ces premières heures passées ensemble, ils se confient des choses intimes, et Ben finit par lui révéler qu’il a des pulsions suicidaires. Même si Ben se referme immédiatement après cette confession, renvoyant dans ses cordes une Alma qui espérait l’inviter à sortir prendre un verre, on sent bien qu’ils sont à l’aise ensemble.
Alma, elle, est toujours dans une recherche de sens, et se cogne à un mur lorsque son producteur, qu’elle retrouve au bar faute de mieux, lui dit que l’émission de la journée (qui a été amputée du sketch auquel Alma tenait le plus et qui a inclus un cours de cuisine…) a été le programme le plus regardé de la journée. La jeune femme n’en tire aucune satisfaction, c’est assez net. Mais ce qu’elle fait est « mignon et drôle », et c’est ce que les gens veulent voir entre les pubs.
Lorsqu’elle rentre à l’appartement au petit matin, elle retrouve Ben qui finit par l’emmener sur la plage pour se vider la tête. Ces deux-là sont clairement bien côte à côte. Ils regardent les premières personnes arriver sur la plage, puis vont s’amuser dans une arcade pas loin…
Dans les 2 jours qui suivent, nous explique alors Alma en voix off, elle et Ben ont emménagé dans leur propre appartement.
Mekimi reste, en-dehors de ce repère, assez imprécis dans sa chronologie ; toujours est-il qu’en rentrant à l’appartement qu’ils partagent désormais, Alma trouve Ben en train de travailler tout en regardant la télé, et il lui annonce la mort de Kurt Cobain : « c’est un génie », glisse Ben qui admire le geste de suicide et d’abandon de la part d’un homme qui, selon lui, avait tout. Alma décide sur le champs qu’ils ont besoin de prendre l’air, sort les sacs de rando et les passeports, et embarque Ben dans l’aventure. « S’il y a une chose que je sais faire, et que je fais bien, c’est m’enfuir », explique-t-elle alors que le couple s’enfonce dans le Sinai dans une vieille voiture poussiéreuse. Au bord de l’eau, ils trouvent d’abord le calme, profitant de l’atmosphère vide, quasi-lunaire du lieu. Plus tard, une rave sauvage s’installe à quelques mètres d’eux, changeant radicalement l’ambiance. C’est là qu’Alma fait la connaissance de Netta, une jeune femme qui est venue pour danser et a rencontré un homme dont elle pense qu’elle est amoureuse, même si elle ne sait pas si ce sont les drogues qui parlent. Les deux jeunes femmes se lient, et finalement, Alma, Ben, Netta et son Johnny passent l’essentiel de la soirée à danser.
Mais au petit matin, alors qu’Alma et Ben se reposent tranquillement sur le sable, Netta fait une overdose et meurt sur place…
Alma et Ben reviennent profondément bouleversés ; c’était le dernier déclencheur dont tous les deux, profondément insatisfaits et frustrés dans leur existence, avaient besoin pour prendre une nouvelle direction. Même si ce revirement apparait vers la fin de l’épisode, et avec un personnage qu’on connait peu (Netta n’aura vraiment eu qu’une scène, bien que jolie, avec Alma), l’ambiance depuis le début de l’épisode de Mekimi permet de se dire : oui, c’est plutôt la goutte d’eau qu’autre chose. Les deux héros sont clairement à la recherche de quelque chose, dans un univers fait de coups de tête dont ils espèrent qu’ils vont radicalement changer leur façon de vivre et de voir, et bien que cette tragédie puisse sembler plaquée a priori, en fait, dans l’épisode, cela fonctionne pleinement.
Leur ami Brenner, qui a fait la rencontre d’un rabbin hassidique, essaye de les convaincre ce s’intéresser à ce courant orthodoxe. Son insistance à leur faire essayer au moins une fois, et la mort de Netta, finissent par offrir l’occasion à Ben de le suivre à une « leçon ». Il part sans conviction, mais revient avec une révélation : ce qu’il a vu l’a transformé. Le groupe a été s’aventurer à deux heures de la ville, dans un cimetière où des dizaines de personnes pleuraient à la lueur des bougies, et Ben a fini par pleurer également. Ça lui a fait du bien. Il partage son émotion avec Alma qui a une réaction un peu difficile à lire. L’épisode s’achève alors qu’elle éteint la lampe de chevet et s’endorment tous deux.
Avec sa façon très contemplative d’inviter ses personnages, plusieurs fois dans l’épisode, à se ressourcer parce qu’ils en ont grandement besoin, Mekimi traduit bien la quête spirituelle latente des deux personnages principaux. Ils ne sont pas nécessairement à plaindre, d’ailleurs le fait qu’ils se soient trouvés montre bien que leur vie n’est pas un désastre total (et ils ont une si bonne alchimie, d’ailleurs), mais très clairement ils ont besoin de quelque chose de plus, quelque chose qui ne viendrait pas de l’extérieur mais d’eux-mêmes. S’amorce donc, avec la « découverte » de Ben, une progression vers la religion ; bien que ressentie comme nécessaire par les protagonistes, on sent cependant qu’elle ne coule pas de source. Le fait même que les personnages soient animés d’un esprit si libre dans leur vie « antérieure » explique bien comment beaucoup de choses nécessiteront d’être mûrement pensées pour décider comment embrasser cette nouvelle orientation spirituelle. Mekimi m’a énormément rappelé Ananda parce qu’il n’y est pas tant question de trouver une religion que de simplement apprendre à se découvrir et être à l’aise dans sa propre existence.
A l’issue de Séries Mania, j’ai donc deux regrets : n’avoir pas pu assister à l’intégrale de la série (d’autant qu’il n’y a que 5 épisodes) ; et n’avoir pas eu le temps de regarder Shtisel tant qu’il était encore temps de le faire dans l’antre des professionnels.
Juste histoire de vérifier si le taux de réussite israélien sur le sujet est de 100% ou si, quand même, il y a des exceptions pour confirmer la règle.