Bienvenue dans Area51, la rubrique qui dissèque les étrangetés trouvées dans les clips asiatiques. |
En Jmusic comme ailleurs, on ne recule jamais devant la perspective d’une bonne reprise. Et elle n’a en fait même pas besoin d’être bonne. Pourquoi s’emmerder à composer et écrire une chanson originale ? Dans la dizaine, voire la centaine de nouvelles chansons qui sortent chaque semaine, elle sera de toute façon noyée. Non, vraiment, autant arrêter de se compliquer la vie, et opter pour une reprise. La vie est plus simple comme ça.
Mais étrangement, certains titres sont repris plus souvent que d’autres. Amazing Grace fait partie des heureuses élues, pour des raisons qu’on peut tenter de décortiquer : fascination pour la culture judéo-chrétienne et tout ce qui évoque de près ou de loin une église, image de marque apportée par la reprise d’une chanson réputée difficile, ou encore, envie de s’acheter un alibi international avec un titre anglophone.
Spoiler alert : aucune de ces raisons n’est en fait totalement valable. Et si vous n’avez jamais entendu les termes « appropriation culturelle », c’est simple, essayez donc de vous demander ce que des chanteuses japonaises peuvent comprendre à une chanson composée sur un bateau négrier reliant l’Afrique à l’Amérique. Oh ouais, comme vous dites…
Ne cherchez pas plus longtemps pourquoi, dans son pays natal, les USA, la chanson est largement moins reprise, et certainement pas mixée à des titres d’electro !
Une fois encore, j’ai compilé quelques pièces à conviction :
Mika Nakashima (2002) |
NIRGILIS (2006) |
Tomomi Kahala (2013) |
TOUT. Y. EST. Ils nous auront absolument tout fait.
D’un côté du spectre, on a par exemple les NIRGILIS, qui non content de piquer le refrain sans raison valable, vu qu’à la base leur chanson d’amour parle d’une séparation qui se fait sous les pétales de cerisiers. Voilà, donc ça n’a absolument rien à voir avec le schmilblick, tout va bien. Et en plus, moins d’un an après, revoilà le groupe en train d’en faire un remix où ça a encore moins de sens, et où d’ailleurs le sample est limité à sa plus répétitive expression. Et évidemment ne me demandez pas ce que les videos ont visuellement à voir dans l’histoire, parce que je ne fume pas assez de substances illicites pour voir le rapport.
Et puis de l’autre côté, mais c’est pas mieux, on a la dernière coupable en date, Tomomi Kahala, qui tente de faire de laborieuses vocalises (ce devrait déjà être punissable en soi) en mêlant tout un folklore chrétien sans trop y comprendre grand’chose. Pêle-mêle, on trouve donc un micro planté en plein milieu d’une allée menant à l’autel en trainant là tout un tas de choristes endormies, des images de croix, et une chanteuse qui prend la pose devant des cierges. Et c’est totalement normal. Tout ça pour promouvoir la sortie d’un album de reprises sans aucune cohérence (pour info on y trouve aussi une version de J’avais rêvé d’une autre vie, de la comédie musicale Les Misérables). Notons au passage que Tomomi Kahala a pris la peine de traduire les paroles en japonais, minimisant certes le carnage de la prononciation anglaise, mais ayant d’autant moins d’excuses : elle ne peut pas plaider l’incompréhension.
Au milieu de tout ça, on a quelqu’un qui semble, peut-être éventuellement faut croire, prendre les choses au sérieux. Limite trop. Mika Nakashima a sorti elle aussi la chanson deux fois, mais avec une orchestration différente, et une volonté de dépouillement qui semble presque louable dans tout ce carnage. Qui plus est, le reste de la discographie faisant foi, on peut tenter de lui donner le bénéfice du doute. Nan mais admettons.
Et encore, d’autres artistes ont repris la chanson, mais n’ont pas poussé le culot jusqu’à en faire une video promotionnelle, mais il y aurait encore du monde à pointer du doigt.
Reste qu’aucun de ces trois énergumènes, qui ont quand même réussi à sortir un total de cinq videos avec leurs efforts non concertés, n’a une seule fois compris que la chanson était un symbole de l’Histoire négrière aux USA. Pas une référence, rien. Fort à parier qu’aucun interprète ne le soupçonne. Et ça, c’est non seulement rageant, vous l’aurez compris… mais aussi franchement bizarre.
Parce que si non ne comprend pas les paroles d’Amazing Grace et leur portée historique : à quoi bon ?
Non, ça n’a pas de sens. C’est normal, bienvenue dans le monde étrange de la Jmusic.
Note : toutes ces videos sont évidemment téléchargeables sur le site.