Ce soir, arte diffusera la mini-série espagnole Carta a Eva, diffusée par la chaîne publique TVE au printemps dernier. Et c’est dans votre intérêt de ne pas rater cette occasion, croyez-moi ! Bon, peut-être pas uniquement parce qu’elle nous vient d’une chaîne espagnole… laissez-moi vous donner les autres raisons.
Pourquoi regarder le début de Carta a Eva ce soir ?
Parce que de l’Espagne franquiste, vous savez quoi ? Pas grand’chose, admettez-le. Nos cours d’Histoire sont généralement très laconiques sur le sujet, se contentant de désigner Franco comme le méchant d’une période qui n’en manque pas. La quasi-totalité de nos leçons sur cette période se tourne vers l’Allemagne et éventuellement l’Italie. Peut-être que ceux d’entre vous qui ont eu des cours d’Espagnol ont un peu approfondi le sujet. Certainement que dans le tronc commun, en tous cas, le collège et le lycée apportent assez peu d’informations sur le sujet, si ce n’est quelques dates clés. Évidemment, si vous avez des origines espagnoles, vous avez pris un peu d’avance sur la question, mais combien de mes lecteurs ont vraiment une famille espagnole ? Hm ?
Alors, pour savoir quelle était la vie chez nos voisins espagnols sous le régime franquiste, Carta a Eva aborde les problématiques avec élégance, ne cherchant pas à donner dans la carte postale pour essayer de peindre un tableau large. La mini-série s’attache surtout à aborder deux points de vue : ceux des puissants, à savoir Franco et sa délicieuse épouse Carmen, et ceux d’une famille pauvre dont la tête de famille est Juana, une veuve qui a déjà perdu son mari à cause des évènements politiques, et qui a promis à celui-ci de ne jamais laisser tomber le combat. Résistante, avec quelques amis aux idées politiques communistes, c’est une femme dont le témoignage sur l’état de l’Espagne se fait en creux de ses actions.
Parce que aussi un peu l’Histoire de l’Argentine qu’on vous propose de découvrir par la même occasion. Il est intéressant de voir comment ce pays, lui aussi transformé par un homme politique, Juan Perón, noue ses relations internationales par le biais d’Eva Perón.
Plus qu’un period drama espagnol, Carta a Eva parvient à faire ce que très peu de séries historiques s’autorisent : replacer dans le contexte du monde ce qui se passe dans un pays. La vision géopolique de Carta a Eva, sans être appuyée, est rarissime. Nous faisons ainsi connaissance avec les gouvernants de deux pays, comprenons leurs relations diplomatiques par leurs deux points de vue, et avons un aperçu des enjeux mondiaux de leurs faits et gestes. Tout cela sans perdre dans les détails, mais avec suffisamment de nuance pour qu’on sache sans hésiter les implications de chaque interaction. Denrée rare qu’une série qui sait faire tout cela sans trop forcer.
Et puis qu’on est sur le sujet d’Eva Perón, parce que Carta a Eva est un hymne incroyable à cette femme célèbre de par le monde, pour ses opinions, sa poigne, sa bonté. Vous n’avez pas vu Évita ? C’est pas grave, en plus Madonna n’est pas une grande actrice. En revanche, Julieta Cardinali est fantastique, et insuffle énormément de vie dans ce personnage au caractère à la fois bien trempé, et tellement décontracté.
Je mets au défi les spectateurs de ne pas tomber sous son charme, non pas parce qu’elle est une ancienne actrice à la beauté renversante, même si ça ne gâche rien, mais surtout, parce que personnage profondément humain est animé par énormément de volonté, et qu’on présente peu de personnages féminins (encore moins dans des period dramas) capables d’impressionner autant.
Parce que face à Eva Perón, Carmen, l’épouse de Franco, n’est pas mal non plus dans son genre. C’est, certes, une bigote, et en plus elle a une très haute opinion de son dictateur de mari, de son rang, et d’elle-même. L’idée de rencontrer une ex-actrice et de l’accueillir en grandes pompes, parce que c’est dans l’intérêt de l’Espagne de lui dérouler le tapis rouge, l’écœure rapidement et intensément.
Il ne fait nul doute que le match Eva VS Carmen va être magnifique. La première partie de la mini-série ne nous permet pas encore d’y assister, mais place minutieusement chaque personnage pour que la rencontre ait tout son impact. Ce compte-à-rebours avant impact est sans hésitation la grande force de la première moitié de Carta a Eva.
Parce que, enfin, Carta a Eva, vous n’êtes pas les premiers à la découvrir, et que tout le monde semble l’adorer, cette série. Elle a fait le tour des festivals et des sélections diverses, a attiré l’attention de divers prix européens, dont francophones, comme les Nymphes d’Or du Festival de Télévision de Monte-Carlo, les FIPA d’OR, ou encore le Festival des créations télévisuelles de Luchon. Cet argument d’autorité ne devrait pas surpasser les autres raisons de regarder Carta a Eva ; mais il devrait certainement les compléter, non ?
Donc voilà, je ne veux pas vous en dire plus, pour ne pas gâcher le plaisir, mais rien qu’avec ces 5 points, vous devriez être ce soir devant votre écran, à partir de 20h50. Et c’est quand même pas tous les jours qu’un téléphage curieux a la possibilité de se mettre devant une mini-série de cet acabit ! Rendez-vous dans la review pour faire le point sur ce que vous aurez vu…