Il y a des gens dont on peut aveuglément suivre les recommandations ; en termes de séries sud-coréennes, Mila fait partie de ces gens pour moi. Et comme en ce moment je retrouve un peu de ma motivation pour regarder des séries venues de Corée du Sud, j’ai suivi son conseil en jetant un oeil à Miss Korea, comme je vous le disais dans le dernier Friday Night Highlights. En fait c’est à un tel point que j’ai décidé de regarder la suite, et du coup, je voulais immortaliser mes premières impressions sur l’épisode inaugural de la série.
Je vous accorde qu’il ne me fallait pas grand’chose pour m’y mettre : tomber sur sa review alors que je venais de commencer Sangsokjadeul (et que je commençais déjà à avoir une relation d’amour/haine avec la série) et lire le début aura suffit. Il faut dire que j’ai pour règle d’éviter de lire des reviews sur ce que je n’ai pas encore vu, me contentant au grand maximum des premières et dernières phrases afin de pouvoir me faire mon opinion par moi-même. Mais je la remercie chaleureusement parce que, même si je lirai le reste de son article quand j’aurai également fini la série, Mila aura su me donner envie.
C’est d’autant plus rare pour moi de regarder une série comme Miss Korea, qu’il s’agit d’une série historique. Alors certes, vous allez me dire, c’est pas comme si je regardais un costume drama de l’ère Joseon, et vous avez raison. Je suis extrêmement difficile à convaincre à mesure qu’une série plonge dans les siècles précédents. Mais ça ne veut pas dire que je cours après les séries sur l’Histoire récente ; cependant je me rends bien à l’évidence : en ce moment, il est très difficile d’éviter les séries sud-coréennes se déroulant dans les années 90. Je n’en regarde pas beaucoup, mais je vois les pitches passer et j’ai l’impression qu’il y en a plein en ce moment. Donc à un moment faut bien y passer.
Et du coup, au départ, regarder Miss Korea qui se déroule dans les années 90, sur le moment j’étais pas chaude-chaude, je vais être honnête avec vous.
L’argument qui m’a convaincue de sauter le pas, c’est la présence de l’acteur Sun Kyun Lee, que je connaissais de Pasta et qui m’avait laissé un délicieux souvenir, pour le moins. Et au pire, ça ne pouvais pas plus être abracadabrant que Sangsokjadeul, mais vous ne perdez rien pour attendre et je vous en reparlerai bientôt.
Résultat des courses, on ne peut pas dire que j’étais conquise d’avance ; mais Miss Korea a un autre atout que Sun Kyun Lee dans sa manche : le pilote est très bon. Et ça va vous paraître idiot, hein… mais ça joue sur le plaisir téléphagique, l’air de rien.
Nous voilà donc plongés en 1997 (avec quelques flashbacks antérieurs), et pour l’allergique aux fictions historiques que je suis, le pilote prend les choses en douceur. Il ne s’agit pas d’en faire des tonnes dans la reconstitution d’une époque (fut-elle seulement vieille d’une quinzaine d’années), à travers une profusion de looks, de mobilier et de musique plus vraie que nature, mais vraiment de replacer le spectateur dans un contexte, une ambiance.
Miss Korea saisit vraiment l’air du temps, y installe le spectateur quand bien même il a peu de repères historiques (c’est le cas de la plupart des spectateurs occidentaux, peu ou pas éduqués sur l’Histoire des pays asiatiques lorsqu’elle ne touche pas de près ou de loin à une guerre occidentale), et veut plutôt nous retranscrire cette atmosphère-là. Une atmosphère de bulle qui éclate. Une crise économique qui tend un miroir intéressant au spectateur actuel, évidemment. Ça explique d’ailleurs sûrement plein de choses.
Dans ce contexte un peu sombre, la série suit essentiellement deux personnages.
D’abord, la très jolie Ji Young Oh, une femme au fort caractère (évidemment) qui occupe des fonctions essentiellement ornementales : elle est opératrice d’un ascenseur dans un grand magasin luxueux, genre Galeries Lafayette. Le problème c’est qu’en temps de crise économique, les jobs n’offrant aucune plus-value, basés sur le service, et foncièrement décoratifs, sont les premiers à sauter ; et les jeunes opératrices d’ascenseur comme Ji Young craignent chaque jour pour leur emploi. Évidemment, ça n’aide pas beaucoup la jeune femme qu’elle ait un tempérament peu enclin à la soumission à son supérieur vulgaire et sexiste, et elle est sur la sellette plus encore que ses compagnes de galère.
D’autre part, il y a Hyung Joon Kim, qui conduit avec trois amis et collègues une entreprise de cosmétiques qui n’a pas franchement bonne mine. Ils ont découvert dans leur laboratoire un super produit dont ils pensent qu’il est prometteur, mais après les échecs de leur compagnie, et leurs dettes gigantesque, personne n’a envie de leur confier d’argent pour investir dans leur trouvaille. Leur société ViVi est à deux doigts de mettre la clé sous la porte, menacée d’extinction à la fois parce que leurs produits déjà sur le marché ne trouvent pas le succès (même si ça peut être pour une bête question de packaging parfois), et à la fois parce que les créditeurs peuvent être très agressifs, surtout lorsqu’il s’agit de gens peu recommandables… Bref Hyung Joon est un peu à l’agonie, ViVi est sur la fin, mais le gars, il a envie d’y croire (essentiellement parce qu’il n’a pas cent autres options), et espère faire comme une grande marque spécialisée dans l’esthétique : parrainer la future Miss Corée, et ainsi trouver la fortune. Mais vu d’ici, ça paraît franchement peu réaliste.
Il apparaît progressivement au cours du premier épisode que Ji Young et Hyung Joon se connaissaient autrefois ; leurs destins vont se croiser à nouveau, alors que Ji Young est démarchée pour sa grande beauté à la fois par un Hyung Joon aux abois, et par la glaçante Ae Ri Mi, gérante d’une immense chaîne spécialisée dans l’art de la beauté. Mme Mi recherche la prochaine femme qu’elle présentera au concours de Miss Corée, un domaine dans lequel elle excelle. Son oeil détaillera au fil de l’épisode bien des jeunes femmes, qui hélas ne s’avèreront pas dignes de son attention ; aussi n’est-ce pas par hasard qu’elle a choisit Ji Young.
Bien que Ae Ri Mi apparaisse comme assez secondaire dans cet épisode, et comme une source de rivalité pour le forcément sympathique Hyung Joon (forcément sympathique, si vous connaissez un tout petit peu l’acteur Sun Kyun Lee), elle n’en est pas moins un personnage fascinant. Derrière sa froideur, sa dureté et son sens aigu de la précision, cette femme d’âge mur est aussi dotée d’une volonté de fer qui s’affiche dans ses quelques scènes. Ce n’est pas une personne foncièrement mauvaise ; en fait, son degré de perfectionnisme la rendrait presque touchante. La façon dont elle regarde et jauge les femmes n’a rien de méprisant, elle ne les considère pas comme des morceaux de viande, et vu qu’elles représentent son activité professionnelle essentielle, c’est presque une surprise. Mme Mi est une esthète, et en tant que telle, elle exige le meilleur, n’accepte rien de moins ; mais il semblerait que quand elle trouve une jeune femme s’approchant de son idéal, elle soit capable de rester profondément humaine tout en veillant à ses intérêt. C’est en tous cas ce qui transparait dans l’une des scènes de ce pilote, dans lequel elle déniche une future protégée.
D’une façon générale, dans Miss Korea, les personnages ne sont pas unidimensionnels, et ça, ça fait quand même drôlement plaisir.
Par exemple, là où Ji Young aurait simplement pu être une rebelle, voire une chieuse, elle apparait aussi dans toute sa fragilité d’entrée de jeu. Elle est prisonnière d’un métier qui exige beaucoup d’elle pour pas grand’chose ; monter et descendre en ascenseur toute la journée en restant belle, souriante et parfaite en tous points, docilement, n’est facile pour personne et surtout pas pour quelqu’un d’aussi férocement authentique que Ji Young. La séquence pendant laquelle, affamée, elle gobe un œuf dur pendant son service, contraste avec l’indépendance d’esprit dont elle fait preuve par ailleurs ; opératrice d’ascenseur, c’est un métier qui clairement la diminue, alors qu’elle est pleine de vie. Et qu’elle l’a toujours été, comme nous le révèlera un flashback. Même si la séquence de l’ascenseur finit sur un ton burlesque et peu élégant si asiatique (les fonctions du corps humain, cette source inépuisables de gags…), le message passe formidablement bien.
D’autres personnages, pour l’instant secondaires (mais qui d’après l’affiche devraient prendre de l’ampleur), se montrent émouvants et intéressants de la même façon, et je ne vais pas vous faire la liste.
Et puis en toile de fond, on a quand même cette histoire de cosmétiques. Et c’est intéressant parce que finalement assez peu de séries asiatiques, pour autant que je puisse en juger, ont envie de s’intéresser à l’Histoire contemporaine sous un angle industriel et commercial. Derrière la marque ViVi se cache, on le comprend vite (et grâce à un ingénieux jeu de mots si subtil) l’ancêtre de la BB Cream, ce cosmétique miraculeux qui a désormais fait le tour de la planète. Miss Korea ne veut pas exactement nous raconter l’histoire d’une marque, mais nous décrit quand même la genèse d’un produit-phare du pays, et du coup, c’est tout comme. Imaginez donc : derrière la romance (car évidemment qu’il va y avoir de la romance), derrière le concours de beauté, derrière la série sur les années 90, il y a l’histoire d’une des dernières inventions du 20e siècle. Et ça c’est quand même une chouette épopée à suivre, non ?
En fait c’est même ce qui rend le pilote de Miss Korea si génial : les problématiques s’entremêlent avec énormément d’intelligence pour en faire un épisode posant des pistes très différentes pour l’avenir. Il y a forcément quelque chose qui pique la curiosité dans ce pilote, à un niveau ou à un autre. Suivre les déboires financiers de ViVi, la déchéance de Ji Young ou Hyung Joon, leur romance, la quête de Mme Mi, et tout le reste… il y en a pour tous les goûts. C’est tant mieux parce que vu mon allergie à la romance et à la série historique pour le plaisir de la reconstitution historique, c’est précisément ce qu’il me fallait.
Alors ouais, je vais continuer Miss Korea, et pas qu’un peu. Et vous devriez en faire autant. Je ne vous dis pas ça souvent pour une série sud-coréenne, alors c’est bien que…