Être comparé à Louis C.K., c’est quand même pas rien. Il faut pouvoir suivre derrière, hein. Le niveau d’attente est tellement élevé que ça semble être la solution rêvée pour un crash test de toute beauté.
Et pourtant, Les beaux malaises, avec et par le comédien Martin Matte, réussit cet exploit depuis le mois dernier.
Je sens que j’ai votre attention, là, non ?
Martin (dans son propre rôle) est un comédien connu, mais aussi, voire surtout, un homme marié, le père de deux enfants, un ami, un fils… bref, un type comme vous et moi. Et c’est précisément ce que Les beaux malaises dépeint, à raison d’une thématique par épisode.
Le premier épisode, consacré à la relation de couple entre Martin et Julie, peut parfois sembler un peu classique dans son thème ; on y retrouve, par moments, certaines choses déjà dites dans Un Gars, Une Fille, ou, pire, Adam & Eve. Ouais, on avait dit qu’on parlerait plus d’Adam & Eve, mais le traumatisme est difficile à occulter. Les personnages, Martin en premier lieu, sont assez prévisibles ; gentillement macho, Martin est par exemple très gêné dans les conversations sur le sexe. Il faut dire que son épouse l’a traîné de force dans une thérapie de couple dont d’une part, il ne voit pas l’intérêt, et dans laquelle d’autre part il ne se sent pas autant à l’aise qu’elle pour échanger.
Pourtant, difficile de pointer du doigts Les beaux malaises en hurlant à la redite. D’abord parce que, comme son titre l’indique, la série tire admirablement bien des silences embarrassés, des non-dits, des sous-entendus, bref, de ces fameux malaises qui truffent les conversations de Martin avec Julie, leur thérapeute, mais aussi les amis ou la grand-mère. C’est sûrement la raison pour laquelle la presse québécoise est si prompte à tracer un parallèle avec Louie.
Mais aussi parce que l’épisode a une structure aussi atypique que sa cousine du Sud. Les beaux malaises, c’est plus une juxtaposition de scènes qu’une narration linéaire classique. Le thème de l’épisode permet de découper plein de petites séquences qui font sens ensemble, mais qui ne se déroulent pas nécessairement dans une continuité telle qu’on la connaît dans les comédies classiques. Tout en préservant une certaine unité de temps (il est clair que les séquences ne se déroulent pas à des mois ou des années d’intervalle), les malaises se succèdent de façon un peu chaotique, gravitant plutôt autour de la problématique choisie que du quotidien de ses héros. Le résultat marche un peu sur des œufs par moments, mais accomplit plutôt bien sa mission.
En choisissant pour exposition son couple, Martin ne fait pas preuve de la plus grande originalité, mais permet de dépeindre assez rapidement la situation dans laquelle désormais Les beaux malaises va opérer sa radiographie de ces petits awkward moments dont la vie est truffée.
Pour s’assurer que tout cela reste digeste, au lieu de se complaire dans une simplicité trop bon enfant, il faut ajouter que Les beaux malaises jouit d’excellents dialogues, d’autant plus délicieux que Martin Matte n’est pas le seul à avoir de la repartie, et que les échanges sont souvent pleins d’énergie, de piquant et d’intelligence. Rien que la scène d’ouverture, hilarante, donne le ton.
Du coup, vous voulez-vous que je vous dise ? Il faut absolument que vous y jetiez un oeil. Les beaux malaises a d’ailleurs été renouvelée cette semaine pour une deuxième saison (en même temps, avec 1,5 million de spectateurs pour le premier épisodes, et des audiences au beau fixe depuis lors, pas de quoi s’étonner). Du coup, vous avez une excuse supplémentaire pour prendre le train en marche.
Par contre, je mets ma main au feu que vous allez au moins une fois devant l’épisode penser que vous avez affaire au sosie québécois d’Alexandre Astier. Ma main au feu, j’vous dis.