Comme vous le savez sans doute, je travaille pour des Conseillers gérant la presse et la communication d’un ministre. Nous sommes donc confrontés quotidiennement à des journalistes, mais nous avons également pour mission d’organiser des campagnes au travers de divers médias, afin d’attirer l’attention sur des sujets touchant à notre ministère ou des actions portées par celui-ci.
Il y a quelques temps (je ne serai pas plus précise, toujours afin de préserver l’anonymat du ministère en question), nous avons eu un évènement pour lequel nous n’avions pas entamé de campagne très onéreuse dans la presse, mais plutôt sur le web. Comme c’est désormais la tradition, Twitter représentait une part non-négligeable de notre campagne ; la viralité y est souvent supérieure à Facebook, où les interactions sont plus verticales, au moins dans le cadre de la communication institutionnelle.
Nous étions donc en réunion, tout notre petit groupe du service de presse, à réfléchir à la meilleure façon de mobiliser les internautes autour de notre sujet, qui évidemment nous semble important à nous, parce que nous baignons dedans 24/7, mais dont il faut que les internautes décident, en à peu près 712 centièmes de secondes, qu’ils s’y intéressent suffisamment pour retweeter ou même tweeter sur le sujet. Ça n’a pas l’air, mais c’est pas une évidence ; les comptes Twitter des ministres sont, à quelques exceptions près, peu suivis, en tous cas en comparaison avec d’autres célébrité ya pas photo ! Quand un chanteur ou une actrice tweete sur un sujet qui lui tient à cœur, ses fans s’en emparent et la cause soudain leur apparait comme importante ; les fans de ministres, pas tellement ! Comment fédérer du monde autour de ce thème ?
J’ai alors assisté à la réunion la plus absurde de ma vie. Et après plusieurs années en cabinet, j’en ai pourtant vu quelques unes…
La discussion a d’abord porté sur LE tweet que nous allions écrire depuis le compte officiel du ministre. Oui, LE tweet, parce qu’en écrire plusieurs aurait sûrement impliqué une autre réunion de l’équipe ! Car même si nous avons au sein de l’équipe une personne qui gère les comptes du ministre sur les réseaux sociaux (peu de ministres écrivent eux-mêmes leurs tweets ou statuts Facebook, mais vous l’aviez sûrement deviné ; au mieux, ils écrivent parfois eux-mêmes des phrases importantes à un moment donné, mais laissent la gestion au quotidien à un tiers), ce n’est pas à lui d’être en totale autonomie et de poster ce qui lui passe par la tête. Chaque phrase est donc issue d’une concertation.
Dans ce cas, LE tweet a déclamé 20 minutes de concertation. « On pourrait tweeter ce lien »/ »Oui mais avec quelle phrase ? »/ »Ce verbe là est trop directif »/ »Attention à ne pas culpabiliser les gens non plus », et ainsi de suite.
Mais pire encore, une autre vingtaine de minutes a été dédiée à choisir le hashtag. Et non, je n’ai pas dit « à inventer le hashtag », car il s’agissait bel et bien d’un hashtag déjà employé par d’autres utilisateurs de Twitter, mais bien à décider ce qui sonnait le mieux, le moins vindicatif, le plus autoritaire, le plus engageant, aussi, pour que les gens reprennent le hashtag à leur compte afin de communiquer à leur tour sur notre campagne.
Au terme de 40 minutes, nous avons donc écrit un tweet.