Promesse tenue. L’un de mes plans pour le weekend était de finalement jeter un oeil au pilote de Reign, qui a commencé… le mois dernier. Moui, bon. En même temps j’ai jamais prétendu vouloir me tenir à jour sur les séries de la CW, faut pas pousser à un moment. Les photos de promo étant assez peu encourageantes (ah, l’éternel triangle amoureux…!), j’ai donc pris sur moi, ainsi qu’une longue inspiration et mon courage à deux mains, et décidé de regarder le premier épisode.
Tout en étant conscience qu’il s’agirait très probablement du dernier pour moi.
En général, je trouve que beaucoup de séries américaines pour ados ont l’air en toc. Je ne parle pas simplement des sitcoms à dix dollars de Disney et Nickelodeon, cette fois (ne leur ai-je pas prouvé toute ma tendresse en vous parlant de Nowhere Boys plus tôt cette semaine ?). Non, je parle bien des chaînes supposément plus « sérieuses » comme The CW et même ABC Family, bien que cette dernière soit ponctuellement un peu moins offensante à cet égard. Mais c’est sûrement mon amer regret face au sort de Bunheads et Huge, ainsi que mon talon d’Achille pour The Fosters, qui s’exprime ici.
En bref, ce que je veux dire c’est que, quand j’entame une série de la CW, je n’attends d’une part pas grand’chose du scénario, mais pas beaucoup plus, d’autre part, des acteurs ou de la réalisation. Ça l’air d’être en toc, et bien souvent, ça l’est. L’idée motrice est généralement de vendre de la musique et des vêtements, bref de remplacer les pages de Seventeen avec des images qui bougent et font du bruit, sans trop se préoccuper d’apporter de la fiction de qualité.
Alors quelle n’a pas été ma surprise en voyant Reign !
La série se montre être la digne héritière des Tudors, à laquelle elle n’a pas grand’chose à envier du point de vue des décors, des costumes, de la réalisation, du montage… et dans une certaine mesure, de certains acteurs. De gros efforts ont visiblement été faits pour que le résultat ait l’air visuellement aussi ambitieux que sur le papier. Vous allez me dire : c’est donc une ambition toute relative. Certes. Mais, il y a encore peu, les grilles de la CW, c’était 90210 et Gossip Girl, aussi ; faut voir d’où où part.
Pour ceux qui, dans le fond, sont encore plus à la traine que moi, rappelons que Reign est une série historique se déroulant au 16e siècle. Pour une chaîne sur laquelle on s’arrange un peu trop souvent pour s’adresser aux spectateurs comme si leur QI ne devait pas dépasser leur IMC, vous comprendrez ma surprise.
Depuis quelques temps, The CW déploie de grands efforts pour renouveler ses grilles, et surtout, le genre de celles-ci. Outre sa poursuite de pitches de romance fantastique héritée du succès de Twilight,, on l’a vue aussi s’engager dans l’espionnage (Nikita), le médical (Emily Owens, M.D.), le thriller (Ringer, Cult), et même la science-fiction, ce que pourtant SyFy ne fait plus (The Tomorrow People, et prochainement Star-Crossed et The 100 sont dans ce cas).
Alors d’accord, avec les succès que l’on sait. Parfois ça passe, souvent ça casse… Mais au moins, la CW a le mérite d’essayer des genres variés et de ne pas se reposer sur ses lauriers. C’est une véritable ambition qu’elle affiche sur la forme, même si sur le fond, on est encore bien souvent dans les marais de la mélancolie. C’est vache ce que je viens de faire, et je m’en rends bien compte. Mais puisque même la forme, elle a eu tendance à la rater si souvent, admettons quand même qu’il y a de quoi se réjouir quelques minutes à voir Reign tirer son épingle du jeu.
Reign maîtrise plutôt bien l’équilibre entre la mission profonde de la CW (remplacer Seventeen, donc), et la volonté d’offrir une série qu’on n’a pas peur d’avouer regarder même si on a plus de 16 ans. L’efficacité est certes toujours au service d’une certaine facilité scénaristique (triangle amoureux, notamment, qui vu la tournure que ça prend, va sûrement durer des plooombes), et manque un peu d’épaisseur : beaucoup de scènes sont assez gratuites. Mais au moins c’est du travail relativement bien fait. Une pluie d’Emmys ne ruissellera pas forcément sur les scénarios ou les acteurs de Reign, mais qu’importe ! Personne n’est dupe de toute façon, ce n’est pas le but. La qualité n’est pas l’objectif. C’est juste un heureux accident !
Oh et, par gratuité, je ne parle pas simplement de scènes de romance ou même de sexe… Quoique, oui, il y a du sexe dans Reign, et même diablement explicite à un moment ; ce qui m’a arraché un sursaut du sourcil droit… Il m’a fallu revérifier dans le coin de l’écran si c’était bien la CW qui diffusait la série ; on sait jamais, des fois je peux me tromper, ça arrive même aux meilleurs alors Dieu sait que je ne suis pas à l’abri. Mais non. Non-non. La CW a bien diffusé un pilote dans lequel des adolescentes assistent à un dépucelage en direct, puis se dépêchent d’essayer d’aller tirer leur coup et/ou se palucher, émoustillées. Quand j’avais 16 ans, je regardais Invasion Planète Terre où la plus grande sulfureuse de sexe de la saison 1 est une séquence d’insémination artificielle cosmique ; je me sens tellement vieille à cette idée.
Mais par gratuité, je veux aussi parler de ces scènes où, pour s’assurer qu’on va mettre de la musique qui se trouve sur iTunes, on va faire danser des personnages sur de la musique moderne sans aucune raison (et les faire s’échanger des œillades pendant trois quarts d’heure), ou bien, regarder les personnages féminins comparer leurs robes. Ah, ne croyez pas que parce qu’elle se déroule au 16e siècle, Reign a abandonné toute idée de product placement ! Ce serait mal connaître la télévision moderne. Mais elle le fait avec une certaine grâce. On arrive, en se concentrant assez, à trouver qu’elle fait avec une sorte de sincérité. Ça demande une petite gymnastique mentale mais on finit par lui prêter des intentions honnêtes, juste parce que le montage est vif et que c’est une série historique. Et que franchement, il n’y a pas grand’chose dans ce pilote qui n’ait été vu dans The Tudors, dont après tout on a déjà réussi à se persuader, il y a quelques années, qu’elle était une série historique sérieuse. A partir de là, tout est possible…
Oui, en fermant les yeux (mais pas assez longtemps pour oublier d’apprécier le visage d’ingénue ahurie de son héroïne principale), on arrive à trouver à Reign des qualités.
Pas des qualités qui feront que nous en parlerons encore dans plusieurs années, mais assez pour dire que The CW commence à proposer des séries pour la jeunesse presque décentes. Vraiment, encore 10 ans de travail sur soi, et on y sera. J’aurais presque hâte, tiens.