Full disclosure : je n’ai toujours pas testé The Bridge ; je suppose que je ne suis pas la seule : ça devient difficile de suivre le rythme des remakes internationaux, et en deux ans, Bron/Broen aura été particulièrement généreux de son format.
J’imagine qu’à ce rythme, d’ici deux ou trois autres années, les télévisions de la planète ricaneront bêtement en pointant du doigt les rares pays qui n’ont pas encore fait l’achat de leur propre version. Un peu comme dans une cour de récré sauf que ce serait au MIPCOM, et la Turquie et la Grèce se taperaient mutuellement dans le dos en voyant l’air désolé de la Bolivie qui n’a trouvé personne avec qui jouer. Quelque chose comme ça.
On aurait des variations autour du thème, par exemple avec Das Autobahn histoire de faire couleur locale pour relier l’Allemagne à l’Autriche. Déjà que les Allemands ont une réputation de psychorigides, alors imaginez avec un personnage féminin comme celui de la franchise…
Evidemment pour les marchés les plus conservateurs, on pourrait imaginer des variantes pour éviter de montrer des cadavres éviscérés, on pourrait sûrement trouver un moyen de s’arranger pour ne pas trop s’habituer à voir toujours le même crime découvert dans un décor différent. A la limite on peut sans doute laisser les Polonais en faire une telenovela si vraiment ils y tiennent, et les deux inspecteurs tomberaient amoureux de façon totalement platonique, et au lieu de deux moitiés de victimes il y aurait quelqu’un de métaphoriquement partagé entre l’Eglise catholique et l’Eglise orthodoxe, et ça ne ressemblerait plus du tout à Bron/Broen, je vous l’accorde, mais ça lancerait une nouvelle vague de remakes dans toute l’Europe de l’Est, l’Amérique du Sud reprendrait le concept, les Américains finiraient par en faire un remake sous forme de dramédie, et la boucle serait quasi-bouclée.
Attendez, bougez pas, je prends un crayon, je crois qu’on tient un truc là.
Enfin tout ça pour dire : tout ça c’est bien gentil mais au bout d’un moment je sature. Techniquement je sais bien que rien ne m’oblige à garder un oeil sur toutes les séries de la planète, et de voir qu’une même histoire fait le tour de tout le globe en moins de deux ans. N’empêche, ça me fatigue.
Et le pire c’est que dans le fond je n’ai pas grand’chose à reprocher à The Tunnel. Des broutilles, trois fois rien.
Enfin, en toute honnêteté peut-être que je n’ai pas envie de leur accorder d’importance parce que, bof, à quoi bon ? Je ne vais pas tenir rigueur à une actrice pour la rigidité de son jeu : qu’est-ce que ça peut me faire qu’elle manque un peu de subtilité dans la seconde moitié de l’épisode, de toute façon c’est une affaire entendue, je ne regarderai jamais que le pilote. Et ça se trouve, je ne le pense que par comparaison avec l’original. Ou parce que le sentiment de déjà vu m’empêche de trouver des subtilités dans un pilote que je connais par cœur.
Quant à ce qui m’a plu… j’en viens à me demander si ça m’a plu ou si j’ai simplement été agréablement surprise que ça n’ait pas été raté lors du passage de relai. Qu’importe par exemple qu’esthétiquement, The Tunnel ait de très bons moments ? N’était-ce pas un dû de toute façon ? Et si The Tunnel a assassiné Marine Le Pen, dois-je m’en réjouir ou m’en peiner ? C’est quand même un peu facile… même si d’une certaine façon, impliquer l’Europe dans cette histoire de tunnel sous la Manche, c’est peut-être aussi un peu brillant.
Rho, non, en fait je ne sais plus. Disons que je n’ai pas d’opinion ; c’est mieux que de dire que j’ai toutes les opinions et leur opinion contraire qui me tombent dessus à chaque instant. Comment ça s’est passé, exactement ? Est-ce que je me suis levée ce matin en me disant : « et si en fait je regardais un pilote que je ne suis absolument pas capable de juger pour lui-même » ?
Ah, vivement la version israélo-palestinienne, tiens.