Alors que la saison 5 d’Un village français vient de commencer, il y a quelques jours, par un hasard du calendrier, je recevais mon premier DVD de séries polonaise. Czas Honoru, dont il sera donc question ce soir, se déroule en effet à la même période… mais, bien-sûr, en Pologne. Direction donc Varsovie, pour adopter un nouveau point de vue sur la Seconde Guerre Mondiale.
Notre pilote nous emmène en 1941, dans une Pologne occupée où les habitants tentent à la fois de garder un peu espoir, et de s’adapter à ce qui semble être leur new normal désormais, l’occupation allemande. Czas Honoru va mettre un point d’honneur ah ah à essayer de répertorier toutes les situations possibles dans ce contexte, comme le font la plupart des séries historiques du genre.
Ainsi, les civils continuent leur existence tant bien que mal, en dépit du rationnement (utilisant le marché noir pour certains produits, quand ils peuvent se le permettre) et des interdictions de circuler, à plus forte raison de nuit, dans leur propre ville. C’est le cas de Wanda, une jeune actrice qui désormais ne peut plus travailler car elle a refusé de se produire pour l’occupant, et qui vit avec sa mère, laquelle a pour seul moyen de subsistance ses services de teinturerie à des officiers de l’armée allemande. Dans ce premier épisode, Wanda, désespérée, va tenter de se suicider, car en plus de tout cela, l’homme qu’elle aime a disparu pendant la guerre, et elle est convaincue qu’il est mort.
…Si seulement elle prenait la peine de regarder les épisodes de Czas Honoru, elle saurait qu’elle s’égare ! Car son cher et tendre, Bronek, fait partie des « cichociemni« , des résistants polonais qui sont partis se réfugier en Grande-Bretagne ; avec une poignée d’amis, il s’entraîne pour le jour où il pourra enfin retourner au pays lors d’une opération militaire. Tous attendent le grand jour, qui ne devrait plus tarder, où ils seront parachutés dans le ciel de leur pays natal, et pourront alors tenter de libérer la Pologne.
Pendant ce temps, quelque part dans la forêt en banlieue de Varsovie, un groupe de Polonais a été capturé par l’armée et sont sur le point d’être exécutés, quand l’un d’entre eux demande à parler à un haut gradé allemand qu’il semble connaître. Ryszkowski, puisque c’est son nom, est donc dépêché dans les quartiers militaires allemands, où il est finalement présenté à Martin Halbe, un agent du renseignement allemand qu’il a connu autrefois lors de compétitions équestres organisées entre espions (apparemment ça se fait ?). Eh oui, notre Ryszkowski est un espion, et pour sauver sa peau, il va très volontiers devenir un traitre, et fournir à Halbe, dont les dents rayent le parquet, les renseignements nécessaires pour contrer la résistance polonaise.
Mais dans la forêt, l’un des Polonais exécutés n’est en réalité pas mort ; bien que gravement blessé, il réussit à s’extirper de la fosse commune où on l’avait un peu vite enterré, et prend la fuite…
Vous l’aurez compris, rien de ce que Czas Honoru accomplit pendant ce premier épisode n’est d’une folle originalité.
On ne peut pas vraiment dire que ce soit le but du jeu : clairement, ce premier épisode est écrit pour nous remettre dans le contexte, pas pour nous renverser sur notre fauteuil en nous expliquant qu’il y a des choses qu’on ignore et que la série va lever le voile sur des secrets bien gardés sur cette période ; en revanche, en tant que spectatrice française, il y a des choses que j’ignore en effet sur la façon dont la Pologne a vécu son occupation. En dépit des probables points communs avec l’occupation en France, il y a très certainement des choses que je peux apprendre d’une telle fiction. Dans le fond, ce que la série Czas Honoru veut faire est peut-être humble (je vous accorde que le manque d’originalité était précisément ce que je reprochais au pilote d’Un village français quand je l’ai vu, mais que voulez-vous, je ne suis pas polonaise, Czas Honoru revêt un point de vue nouveau à mes yeux, sue me).
Par moments, Czas Honoru semble s’inspirer plus de séries de guerre (Band of Brothers vient naturellement à l’esprit) que de séries dramatiques sur la Seconde Guerre Mondiale ; il ne fait aucun doute que les véritables héros seront probablement nos jeunes cichociemni, que nous allons suivre leur progression, leurs actions, leur périple pour retrouver leur pays et les êtres qui leur sont chers, et que le reste ne nous est montré que dans cette optique. Personnellement ça m’arrange, j’aime bien les fictions de guerre…
Que l’épisode s’aventure dans l’appartement de Wanda et sa mère, dans les bureaux de l’armée allemande, ou dans un hôpital où l’on soigne discrètement les jeunes résistants, tout ne prend du sens que par les connexions avec nos quatre jeunes gens (et leur officier). Mais Czas Honoru parvient à conserver une certaine fluidité dans l’ensemble qui permet, mettons, de ne pas se dire qu’on essaye de nous émouvoir facilement, ou pire, nous faire patienter, tandis que les cichociemni survolent la France puis l’Allemagne. Il se dégage, malgré le focus évident de la série, une vraie impression d’ensemble show, mais aussi l’impression que la résistance prend plusieurs formes, tire son origine de plusieurs parcours, et que finalement, elle pourra s’exprimer par la suite de diverses façons dans la série.
Outre son contenu, qui se tient plutôt bien jusque là, sur la forme, Czas Honoru, toujours sans surprendre, accomplit bien sa mission. Il y a des idées de mise en images plutôt élégantes (les filtres utilisés dans les scènes d’hôpital, par exemple, fonctionnent plutôt bien pour conférer une ambiance à part), des plans bien trouvés, et plus généralement, la série maquille plutôt bien les limites de son budget. Quoique, je le reconnais, sur les effets spéciaux, c’est vraiment pas ça qu’est ça ; à deux reprises, la production insistera pour incruster des avions d’époque dans son décor, et, non, vraiment, il faut arrêter, les gens. Mais à part ces deux brefs bémols, sincèrement mineurs, vraiment, c’est plutôt pas mal visuellement. J’ai bien aimé l’utilisation faite des images d’archives ; c’était très léger, uniquement quelques images en surimpression, çà et là, plus pour donner une idée du contexte du quotidien de Varsovie, qu’autre chose ; d’ordinaire on montre plutôt de grandes scènes historiques, des discours, des images impressionnantes ; ici, il s’agit surtout d’immersion.
Musicalement en revanche, le générique sert aussi pour 85% de l’habillage musical, ça devient vite répétitif. Surtout qu’au moment de commencer l’intrigue, on a déjà entendu le générique dans le menu du DVD, et en ouverture de l’épisode, donc euh, ouais, ça saoule vite.
Czas Honoru est l’une des séries dramatiques polonaises les plus regardées en Pologne ; elle précède Un village français d’environ une année, et s’inscrit dans la longue tradition des fictions historiques sur le sujet en Pologne. La 6e saison est actuellement en cours de diffusion sur TVN… et les 5 premières saisons sont disponibles sur Amazon, avec sous-titres anglais. En tous cas, je peux le garantir au moins pour le premier coffret. Amateurs de séries historiques, à vous de jouer à présent !
Bon et puis moi, j’hésitais à donner une deuxième chance à Un village français, mais maintenant que j’ai commence Czas Honoru, j’avoue que j’ai plus envie de poursuivre de ce côté-là. Désolée, fiction française ; une prochaine fois peut-être.
J’avais regardé les premiers épisodes de Czas Honoru l’année dernière (puis, mis en hiatus faute de temps, il faudra que je la reprenne un jour pour reviewer au moins une saison !). Je te rejoins sur pas mal de points, dans les limites de ces débuts, comme dans l’attrait que la fiction peut exercer – ne serait-ce, justement, parce que si la période est connue, le pays l’est beaucoup moins. Même si, en dépit de tout mon amour des séries historiques (^^), ce n’est pas un coup de coeur en ce qui me concerne.
Là où je me démarquerais, c’est surtout dans ta conclusion opposant Un Village français à Czas Honoru. Peut-être la série polonaise connaît-elle elle aussi une sacrée progression d’écriture, peut-être aussi est-il moins dépaysant de s’installer devant une fiction français… Mais s’il devait y avoir un argument à retenir pour se lancer dans Un Village français, et vraiment avancer dans cette série française – qui est une des meilleures actuelles -, ce serait justement pour mesurer la maturation progressive de cette oeuvre. On pointe souvent bien des problèmes dans les fictions françaises, mais regarder les cinq saisons de Un Village français, c’est mesurer les évolutions d’une écriture qui s’affine, qui gagne en maîtrise, et voir comment se réalise une exploitation du format sérielle de plus en plus aboutie (avec cliffhanger, construction de saisons autour de grands arcs, etc). Bref, si Un Village français ne parle pas à ton esprit d’aventure exotique (^^), elle devrait pouvoir parler à la téléphage curieuse d’assister à une évolution dans la manière d’envisager et de construire une série au fil de ses saisons. 😉