Une claque pour… Aisha

27 septembre 2013 à 18:07

Retour dans la micro-société de The Slap, alors qu’arte a diffusé les deux derniers épisodes hier.
Un petit rappel avant de passer à la review : cet article a longtemps été un brouillon inachevé ; il y a donc à la fois dans ce que vous allez lire aujourd’hui des réflexions qui ont été notées pendant le premier visionnage, et d’autres qui viennent du petit rafraîchissement de mémoire, vu qu’achever de mémoire une review d’un épisode qu’on a vu il y a deux ans est généralement une mauvaise idée.

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Aisha est certainement le personnage le plus insaisissable de la série ; on a beau la croiser partout (contrairement à certains personnages qui, bien qu’ayant leur propre épisode, ont tendance à disparaitre pendant de nombreux autres), on ne la comprend pas très bien. Alors que le spectateur a l’occasion cette fois de la suivre, les choses vont un peu s’éclairer, mais un peu seulement.

Il faut dire qu’Aisha ne se comprend pas elle-même. En fait, elle n’en a bien souvent pas le temps ! Clairement, Aisha est sur tous les fronts : elle dirige sa maison, elle gère son cabinet de vétérinaire, elle subit les nombreuses injonctions implicites qui accompagnent la famille de son époux… c’est une femme comme beaucoup, en somme. Sauf que dans son entourage, elle est la seule dans cette configuration : Rosie ne travaille pas, Anouk n’a pas de famille, et Sandi s’est totalement fondue dans le mode de vie à la grecque. Aisha est la seule à devoir jongler entre tout cela, et elle le fait, qui plus est, avec un certain sentiment de frustration qui est omniprésent depuis le début de la série.
En plus de tout cela, elle s’efforce d’être une bonne amie, la confidente solide, la voix de la raison, ce qui ne fait qu’ajouter aux complications qu’elle endure, et cet épisode va une fois de plus montrer à quel point ce rôle qu’elle joue auprès de son entourage, celui de la femme qui a les deux pieds sur terre et reste raisonnable, est avant tout un piège qui se referme sur elle.
Être celle qui est sérieuse ne fait pas plaisir à Aisha, mais elle ne connaît rien d’autre, parce que c’est dans son tempérament. Seulement voilà, parfois, il lui faut une soupape de sécurité pour évacuer toute la frustration.

Après les évènements difficiles de ces derniers mois (car, même si la série a du mal à nous le faire réaliser, plusieurs mois se sont passés depuis le fameux barbecue), Aisha est en ébullition et a grandement besoin de cette soupape. Celle-ci va enfin laisser s’échapper un peu de pression à l’occasion d’un voyage d’affaires, alors qu’Aisha s’en va assister à une convention de vétérinaires ; un voyage semble-t-il prévu de longue date, car la vie bien réglée d’Aisha ne laisse pas vraiment de place aux imprévus. Dés le départ, le plan est donc clair : d’abord la convention, puis Hector la rejoint pour fêter, en amoureux, leur anniversaire de mariage.

Sauf qu’Aisha a du mal à être dans la même pièce que Hector. Elle a du mal à se préoccuper de lui sincèrement. Elle est réveillée en pleine nuit par les pleurs de son mari, et elle n’a même pas envie de les entendre, encore moins de se lever et d’aller voir ce qui ne va pas.
Et franchement, je ne peux pas le lui reprocher. Hector est un véritable gamin. C’est un homme qui est tout petit, minuscule ; il n’assume rien, et tout est, finalement, toujours trop compliqué pour lui. On sait bien, depuis la gifle fatidique, que Hector n’aime pas les conflits : ça l’oblige à prendre partie, et il s’en passerait bien. On sait qu’il ressent, lui aussi, une frustration, mais dés qu’il a eu une chance de la concrétiser avec Connie, il s’est enfui aussi vite que possible, prenant peur.
Pas étonnant, aux côtés d’un homme comme celui-là, qu’Aish porte tout sur ses épaules. Celles de son mari ne supportent pas le moindre poids.

L’épisode rend palpable, en évitant autant que possible de se servir de la voix-off, la façon dont Aisha respire si mal à côté de son bébé de mari, et, par extension, à côté de la famille de celui-ci. Harry, bien-sûr, est le problème majeur ; elle est toujours hantée par quelque chose qui s’est passé il y a presque 10 ans, et qu’elle ne parvient plus à s’ôter de la tête, quand bien même il semblerait qu’elle n’y pensait plus jusqu’à ce que la claque se produise.

L’angoisse qui étreint Aisha va-t-elle disparaître à la convention ? Ça m’a semblé plus évident dans le livre que l’épisode. Aisha semble plus angoissée que jamais pendant tout ce qui se passe à Bali (enfin, dans le livre c’est Bali, mais je n’ai pas éprouvé le sentiment d’exotisme espéré devant la série), y compris sa brève aventure avec un séduisant confrère.
Je le dis depuis le début : le choix de Sophie Okonedo pour incarner Aisha implique des changements, entre autres dans son tempérament ; l’actrice a plus de facilité à évoquer la part d’Aisha qui tente de garder le contrôle sur tout (parce que, qui d’autre pour le faire ?) que celle qui déborde aussi d’un naturel attirant voire sensuel. Pour être claire : Okonedo tire un peu la gueule, voilà ; bon. Dans le livre, Aish m’avait semblé être incroyablement à l’aise pendant cette phase, y compris à sa propre surprise. Ici, tout est fait pour souligner sa retenue permanente. C’est un choix qui se défend mais j’ai eu un peu de mal avec cette transition, qui modifie le personnage en profondeur, et par ricochets, sa relation à Hector.

Lorsque celui-ci va la rejoindre pour leur escapade en tête-à-tête, il va être rappelé à notre bon souvenir combien Aisha est difficile à suivre. Pour Hector, le poids du secret (comme tous les autres ?) est trop lourd, et il confesse enfin sa trahison, bien qu’en omettant sciemment de mentionner qu’elle a eu lieu avec Connie. Tandis que la voix-off nous assure qu’Aisha ne ressent rien (c’en est même effrayant, nous dit-on), nous pouvons la voir piquer une scène de jalousie, poser des questions à son mari, et même… aborder le problème de la race.

OK, pause ?! Je sais que je n’ai plus le livre en tête, mais quoi ? Il faut déjà commencer par noter une chose : dans The Slap, Aisha est indienne, pas noire ; ses traits sont d’ailleurs décrits dans le bouquin sous l’angle de sa beauté, et non de son ethnie, et encore moins sa culture. Concrètement, dans The Slap, Tsiolkas parle de culture essentiellement quand elle est grecque, les autres sont des variations qu’il ne veut ou ne peut pas explorer autant. Donc les origines d’Aisha s’expriment uniquement à travers son allure (elle est d’ailleurs clairement décrite à la limite d’une trophy wife, tout en étant presque trop belle pour son époux). Mais en plus, dans l’épisode, soudain, grosse surprise : Aisha demande à Hector s’il l’a trompée avec « une femme qui est plutôt son type », puis, explicitement, si la jeune femme est blanche. J’avoue n’avoir pas du tout saisi la pertinence de cette insistance, d’autant que The Slap a jusque là évité la plupart des questions raciales, et celles-ci sont encore plus rarement abordées que dans le roman (Bilal n’a par exemple pas eu beaucoup de temps d’antenne).

Mais admettons. En tous cas, après ce difficile face à face, pendant lequel Aisha, qui en aura pourtant plusieurs fois l’occasion, va bien se garder de mentionner le séduisant vétérinaire avec lequel elle a passé la nuit à la convention. Choix dans lequel elle sera confortée plus tard par Anouk, à qui elle sait pouvoir parler sans être jugée, et qui ne battra pas un cil après cette confession. Sacrée Anouk, tu nous avais manqué.
La fin de l’épisode sera consacrée à la façon dont Aisha va gérer cette contradiction : en vouloir à Hector (…mais, je croyais qu’elle ne ressentait rien ?!), tout en conservant le silence sur son propre écart de conduite. Et ce qui est intéressant, c’est la façon dont les problèmes de son couple vont nous remettre sur la piste de la gifle, un peu oubliée jusque là. A son retour de Bali (ou peu importe), quelle est la première chose que fait Aish ? Appeler Rosie et la revoir, pour la première fois depuis l’audience. Et, enfin, lui confier ce qui pèse réellement sur sa conscience, ce qui la ronge, ce qui ne quitte pas son esprit depuis le barbecue : ce n’est pas la première fois que Harry a été violent. C’est vraiment fascinant de voir avec quelle aisance Aisha peut dissimuler quelque chose à son mari, mais combien elle a besoin de dire la vérité à Rosie ; alors que quelques minutes plus tôt dans l’épisode, Aish a violemment répondu à Hector qu’il a surtout confessé son écart de conduite pour soulager sa conscience, elle va faire la même chose avec Rosie quelques instants plus tard.

Il y a des vérités plus importantes à dire que d’autres. Parce qu’il y a des gens plus importants que d’autres.

Malheureusement, cela a pour effet de ranimer la colère de Rosie, qui n’était apaisée qu’en apparence, et dont les névroses n’attendaient qu’une nouvelle occasion de s’exprimer. Les mois passent et la gifle est toujours cuisante dans cette petite communauté.
Au bout du compte, Aisha va finir l’épisode en mettant les choses au clair avec Harry, qu’elle méprise. Dire toute sa colère au cousin de son mari… va paradoxalement lui permettre d’évacuer la colère qu’elle ressent vis-à-vis de Hector. L’histoire d’Aish s’achève avec l’impression que tout est terminé dans le meilleur des mondes.

Mais un texto reçu furtivement en cours d’épisode en a décidé autrement…

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

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