La première fois que j’en ai entendu parler, j’ai pensé du pitch de Hostages : chouette, ça c’est original ! Pour un network en tous cas.
Bon, savoir qu’il s’agissait d’un thriller conspirationniste adapté d’une série israélienne rendait tout de suite les choses moins originales, mais disons que globalement, je suis prête à saluer toute idée de CBS qui ne commence pas par les pots « un flic atypique qui… », donc je suis, en matière de pitch, un public plutôt facile. Vraiment, je me contente de peu. Et même quand un network pense, une nouvelle fois, s’engouffrer dans une brèche ouverte par le succès d’une série du câble, comme ici avec Homeland, j’ai envie d’encourager la démarche. Je suis bonne pâte, disons les choses comme elles sont.
Lancer le pilote de Hostages s’est donc fait avec une certaine bonne humeur. Comme souvent, j’avais soigneusement ignoré les critiques négatives que je commençais à lire çà et là. J’allais passer un bon moment, c’était décidé. En plus, aux côtés de Dylan McDermott et Toni Collette ?
Allons, que pouvait-il se passer de mal ?
Dans mon fabuleux plan, j’avais oublié deux légers détails : d ‘abord, que Hostages est une production Bruckheimer. Ensuite, que Hostages est une production Bruckheimer.
A l’heure où il deviendrait presque hésitant à tirer sur l’ambulance Les Experts, rapport au fait que l’horloge tourne, et que les 15 ans de gloire de la franchise touchent à leur fin (une sorte de quota Andy Warhol avec une extension de garantie), on a tendance à oublier à quel point les productions Bruckheimer ont tendance à nous prendre pour des abrutis finis.
Hostages m’a rafraîchi la mémoire. Il ne se passe pas une séquence qui ne tombe pas dans l’un ou l’autre des deux cas suivants (voire parfois les deux en même temps) :
– la situation ou réaction décrite est d’une grande prévisibilité
– la situation ou réaction décrite est supposée provoquer du suspense
Le problème c’est que, comme vous l’aurez compris, ces deux configurations s’excluent mutuellement. Les avoir toutes les deux, dans un même épisode, une même scène, ou carrément une même réplique (comme le « twist » de fin d’épisode), est la garantie d’un vautrage en beauté. Qu’on accepte gentillement de se laisser faire par une série qui est prévisible, mais divertissante, passe encore. Cependant, dans le cas d’un thriller, dont l’absence de prévisibilité est la plus grand tare possible, il faut se rendre à l’évidence, le ratage est complet.
Peut-être que par la suite, on aura des éléments de surprise. Mais je n’y crois pas. Pourquoi ? Parce que la production de Hostages abhorre tellement les surprises qu’elle donne 712 spoilers dans son trailer de fin d’épisode. Écoutez mes petits chéris, quand on propose aux spectateurs de suivre un thriller, et qu’on dévoile à la fin de l’épisode 1 tout ce qu’il y a à voir dans le 2, pardon, mais je peux pas vous prendre au sérieux, les mecs. Un thriller, quoi ! Encore, dans un drama familial, pourquoi pas ? Mais pas dans une série dont le but du jeu est de se poser des questions entre deux épisodes afin de revenir la semaine suivante !
Le personnel de production de Hostages était malade le jour où on a expliqué le concept de suspense à UCLA ?
Hostages ajoute l’injure à l’insulte en étant perpétuellement over the top. Pardon si je me répète, mais c’est une production Bruckheimer ; je ne sais pas trop à quoi je m’attendais.
En tous cas rien de ce à quoi je m’attendais n’incluait trois minutes de cabotinage extrême de la part de McDermott, et surtout, je n’envisageais pas une seule seconde de trouver Toni Collette mauvaise.
VOILA, JE L’AI DIT !!! Come at me, bro !
Sérieusement, j’ai vu l’actrice surjouer par le passé, parfois dans United States of Tara (où elle était généralement très juste), dans un film également, Mental, que je recommande malgré cela, mais à ce stade, c’est carrément une claque en pleine face aux spectateurs. Que Dylan McDermott ne soit pas toujours épatant, limite assez répétitif, bon, après tout, on ne va pas se mentir, j’ai vu le pilote de Dark Blue, le type n’est pas un génie, et il lui faut du très bon matériel pour s’épanouir. Mais que quelqu’un sur Terre ait le superpouvoir de rendre Collette mauvaise va par contre par-delà mes facultés de compréhension.
Collette va passer tout l’épisode à tout surjouer au maximum, vraisemblablement parce que quelqu’un lui a dit qu’on faisait un thriller dont la cible est uniquement : spectateurs ayant entre 18 et 35 ans, et autant de QI.
Le tort de Hostages, en fait, est surtout celui-là : d’essayer de nous décomposer chaque action, chaque personnage, chaque parole, de façon à s’assurer que les pauvres spectateurs débiles… ou plutôt, pardon, intellectuellement contrariés… soient bien capables de comprendre que oui, si un personnage a fait un test de grossesse, c’est qu’elle est peut-être enceinte. On va bien s’assurer de cela à plusieurs reprises dans l’épisode, allant même jusqu’à donner des nausées au personnage parce que, eh, vous étiez peut-être assoupi sur votre sofa quand on l’a dit, ou vous avez ouvert un sac de chips et ça a couvert le son de la télé, mais le monsieur dit QU’ELLE EST PEUT-ETRE ENCEINTE !
Et tout va être à l’avenant : le personnage qui arbore un sourire machiavélique quand un autre lui fait remarquer qu’il est peut-être un peu hypocrite de nature ; le personnage qui essaye de ne pas se faire repérer en entrant dans une pièce avec une fiole mais qui ne la met dans sa poche qu’au moment de passer devant un garde ; et ainsi de suite.
Je ne sais pas quelles sont les données de CBS sur son auditoire, peut-être que Moonves a une étude en béton armé qui prouve que seuls les déficients mentaux regardent la chaîne (…et remarquez comme je n’essaye même pas d’en faire une blague), mais cette impression constante que tout a été rendu simple à comprendre parce que, sinon, je n’étais pas armée pour apprécier l’intrigue de Hostages, ce n’est pas juste insultant, c’est aussi profondément décourageant.
Comment suivre une série qui est convaincue que vous êtes trop bête pour suivre une intrigue sans un rappel régulier de ce qui s’est déjà dit avant la page de pub ? Comment suivre une série qui pense que vous n’avez pas ce qu’il faut pour comprendre ce qu’il y aura après la prochaine page de pub ?
Peut-être que la série israélienne, qui a le même pitch, mais pas nécessairement le même traitement, est meilleure sur tout ou partie de ces points. Je ne saurais pas vous le dire : elle n’a pas encore été diffusée, puisqu’elle sera lancée le mois prochain seulement. Mais si le trailer de la série originale est une indication, il y aura sûrement un peu plus de tension et un peu moins l’impression qu’une infirmière va me donner ma purée à la cuiller en plastique devant Bnei Arova.
Un peu comme pour Homeland… Eh, CBS pourrait bien atteindre son but, finalement !