Par manque de temps, ou peut-être, même si j’ai du mal à me l’avouer, par manque d’enthousiasme, je n’ai pas encore vu beaucoup de pilotes de la rentrée. Aujourd’hui, j’ai donc décidé de m’y mettre… et j’ai lancé Dads. Je pense que je me déteste, en fait.
Pendant un peu plus d’une vingtaine de minutes, presque trente, j’ai eu la sensation d’être punie. Je ne sais pas ce que j’ai fait à Seth MacFarlane mais j’insiste pour lui faire de plates excuses !
…Attendez, non. Rembobinez. Je retire ce que j’ai dit, et je corrige : j’exige des excuses de la part de Seth MacFarlane.
Parce qu’être sexiste et raciste, ce n’est pas de l’humour, ce n’est même pas de la provocation, c’est de la paresse. Je peux pardonner beaucoup de choses à une série et par extension un showrunner, même la médiocrité dans les bonnes circonstances, mais la paresse me rend très mauvaise. La paresse ne m’inspire que du dégoût. Que cela représente ou non le compas moral de MacFarlane a peu d’importance au bout du compte. Ou des créateurs de la série, puisqu’il n’en est pas l’auteur. Dans tous les cas, il est légal d’être un enfoiré ; en revanche il est inexcusable de produire une comédie en pariant uniquement sur le « politiquement incorrect » pour attirer les spectateurs, plutôt que sur, vous savez, L’HUMOUR. Dads n’est que cela : une série qui n’a comme seul intérêt que d’être soi-disant irrévérencieuse, tablant sur le fait que les spectateurs seront ravis de voir des personnages des pères dire tout haut ce qu’ils pensent tout bas, applaudissant les sorties les plus puantes, dont les spectateurs les plus atteints se répèteront que « on n’a plus le droit de dire ce genre de choses aujourd’hui » pour se sentir légitimes dans leur façon de rabaisser tout ce qui n’est pas un homme blanc hétéro. Et les personnages des fils vont rouler des yeux, les propos racistes et sexistes se prendront une petite tape sur la main, et on continuera comme ça à l’épisode précédent. Et ces séries soi-disant « politiquement incorrectes » se régalent des polémiques : oh oui, allez-y, dites-nous qu’on ne devrait pas être à l’antenne, c’est exactement ce qui conforte notre public dans ses idées.
Je vous l’accorde bien volontiers, je ne regarde pas les méfaits précédents de Seth MacFarlane. Ni Family Guy, ni American Dad. Je les connais de réputation, tout au plus, et je ne saurais garantir qu’elles aussi reposent uniquement sur la provoc et les propos outranciers. Disons que je garde mes soupçons pour moi.
Vous savez quoi ? Je n’ai même pas vraiment un problème avec une série qui valide des propos racistes et sexistes en leur donnant une tribune de 20 minutes sur 22. J’ai un problème avec une série qui prétend être un sitcom et qui ne comporte pas de gag. Parce que ce que ça signifie pour moi, outre l’envie de me trépaner avec la première USB attrapée sur mon bureau, c’est qu’on veut juste pouvoir sortir des propos méprisants voir haineux à longueur de saison. Pas qu’on veut faire de l’humour anticonformiste.
Jamais pendant un pilote je n’ai eu autant en tête ce monologue du film God Bless America :
« So maybe they’re not politically correct, but it’s funny, Frank !
– Well, seeing as I’m not afraid of foreigners, or people with vaginas, I guess I’m just not their target audience.
– You don’t get it. If you got it, you wouldn’t be offended.
– Oh I get it. And I am offended. […] I would defend their freedom of speech to tell uninspired bigoted blowjob gay bashing racist and rape jokes all under the guise of being edgy, but that’s not the edge. That’s what sells. They couldn’t possibly pander any harder or be more commercially mainstream, because this is the « Oh no, you didn’t say that! » generation, where a shocking comment has more weight than the truth. »
Oui je suis offensée. Non parce que l’incorrection politique de nombreuses répliques de Dads va à l’encontre de mes propres valeurs. Mais parce qu’en tant que téléphage, je trouve insultant que tout ce qu’une série trouve à faire, soi-disant pour me faire rire, soit de sortir cliché sur cliché et réplique puante sur réplique puante. Qu’on pense que le public se satisfera de ça, même si la comédie n’a pas un seul véritable gag, une seule réplique basée sur l’humour, une seule situation comique, est ce qui m’offense.
Au moins autant que d’avoir conscience, en voyant les audiences, que ce public-là existe vraiment.
…Et voilà comment on passe de la colère à la tristesse.