Got a secret, can you keep it ?

9 août 2013 à 23:46

Vingt ans après la mystérieuse disparition de Fuyuha Onodera, ses cinq amis, Keiko Inoue, Kouji Higashihagi, Takako Kawano, Miya Akiyoshi et Yutaka Sabashima, commencent à recevoir des messages signés Fuyuha…
Si ce pitch vous en évoque un autre, mais que dans votre esprit, les noms sont plutôt à consonnance anglophone et les personnages encore adolescents, alors vous êtes comme moi : vous trouvez que Gekiryuu présente de sérieuses ressemblances avec Pretty Little Liars.

Allez, les exécutifs de la NHK peuvent nous le dire, à nous ! Ce ne serait pas la première fois qu’une série américaine trouverait le moyen d’être revue et corrigée par une série japonaise, l’Archipel ayant développé un art de l’appropriation téléphagique qui nous offre régulièrement de bonnes surprises (…et parfois non. Bon, on peut pas réussir un tel pari à tous les coups).


Mais tant qu’on en est à parler d’influences, alors, après visionnage du pilote, j’aurais plutôt tendance à dire que Gekiryuu me rappelle beaucoup Dousoukai, diffusée il y a un peu plus de trois ans. Hm, d’ailleurs j’arrive même plus à me souvenir de comment ça finit, faudrait que je me la refasse à l’occasion cette série… Dousoukai, pour ceux qui ont la flemme de cliquer sur les tags au bas de ce post (honte ! honte à vous !), racontait comment, à la faveur d’une réunion d’anciens élèves, un groupe d’adultes se remettait à remuer le passé, tout en s’interrogeant sur la disparition de deux des leurs le soir-même de la réunion d’anciens. Non vraiment, plus j’y réfléchis, plus je suis à peu près sûre de ne pas avoir vu la fin. Et c’est effectivement ce parfum de nostalgie amère qui embaume tout le pilote de Gekiryuu, avec cette même façon que les souvenirs avaient dans Dousoukai de paraître si tendres, faisant souffrir le présent par comparaison, à plus forte raison parce que le présent n’est pas bien follichon. Ca se trouve il n’y a même jamais eu de sous-titres pour les derniers épisodes et c’est pour ça que je me suis arrêtée… La vraie différence, c’est que le passé de Gekiryuu, bien qu’évoquant une adolescence insouciante qui forcément provoque quelques regrets à des adultes élimés par la vie, est aussi chargé de tristesse. Laissez-moi vérifier ? Ah bah non, ils ont été sous-titrés. J’ai aucune excuse pour le coup. Justement à cause de la disparition de Fuyuha que j’évoquais plus haut.

Cette disparition n’a rien à envier à celle d’Alison : alors que les sept adolescents étaient en excursion scolaire, et visitaient les bâtiments historiques de Kyoto, tous reprennent le bus à la fin de la journée. Et, alors que le bus passe dans un tunnel sans marquer le moindre arrêt… Fuyuha disparaît. Comme ça. Impossible de la trouver. A l’arrêt suivant, ses amis descendent, se mettent à sa recherche, mais rien à faire. Et Fuyuha a disparu pour toujours à partir de cet étrange instant.
OR HAS SHE ? Car comme vous le savez maintenant, 20 années plus tard, voilà que ses cinq anciens camarades, vivant tous désormais à Tokyo, reçoivent des emails apparemment signés par elle, contenant en tout et pour tout un unique message : « te souviens-tu de moi ? ».

Attendez une minute… hein !? Vous avez bien lu « sept adolescents » et « cinq camarades » ! Je sens que je vous ai perdus, là. Laissez-moi donc recompter : la disparue Fuyuha, ça fait 1, ensuite avec Keiko, Kouji, Takako, Miya et Yutaka, ça fait 6… où est donc le 7e larron ?

C’est le premier truc qui m’a chiffonnée dans ce pilote de Gekiryuu : personne ne commence par se dire « hey mais, lors de cette sortie, nous étions quatre filles et trois garçons, si on soustrait la disparue, ça fait trois filles et trois garçons… pourquoi seulement cinq d’entre nous semblent avoir reçu ce courrier flippant ? ». Non, au lieu de ça, lorsqu’ils vont reprendre contact les uns avec les autres pour évoquer les curieux emails qu’ils ont reçu, et tenter de donner du sens à tout cela, les 5 amis vont se réunir dans un bar et se demander qui pourrait bien les connaître au point d’avoir leurs adresses mails ET EN MEME TEMPS être au courant de l’affaire Fuyuha, qui s’est quand même déroulée il y a 20 ans et dans une autre ville. Ok les gens, je veux pas avoir l’air de la ramener pour faire ma maligne, mais quelqu’un qui aurait connaissance de la disparition de votre amie et qui y penserait encore 20 ans après… je miserais sur le seul à ne pas sembler avoir reçu de mail dans la bande, non ? Bah apparemment non.
L’épisode va nous montrer des souvenirs de la funeste journée en question, mettre en exergue le fait que les amis sont à nouveau réunis pour la première fois depuis 20 ans… et personne ne va penser à dire « rho merde les gars, pas cool, on aurait pu inviter Jimmy à venir prendre un verre avec nous ».
On voudrait nous préparer une grosse révélation pour dans quelques épisodes qu’on ne s’y prendrait pas autrement.

Mais admettons. Disons que le Jimmy (…à mon avis il s’appelle pas Jimmy, c’est même assez certain, mais je suis pas sûre d’avoir retenu son nom, si jamais il a été prononcé dans l’épisode) n’a rien à voir avec tout ça, et que mon instinct me trompe. Mon instinct n’est pas infaillible. Mon instinct m’a fait regarder Last Resort, après tout, donc bon. Reste quand même qu’évoquer ce personnage pendant la réunion informelle d’anciens n’aurait pas été du luxe, ne serait-ce qu’en passant. Là ça fait un peu : « mon Dieu, c’est un évènement tragique qui a marqué l’une des périodes charnières de ma vie… mais j’ai totalement oublié l’existence de l’une des personnes avec qui j’ai vécu ce drame ». Hin hin, c’est cela. Nan mais vraiment, à d’autres.

« C’est comme s’il manquait quelque chose, mais quoi ?! »

Gekiryuu va en outre, et c’est le deuxième gros inconvénient de ce pilote, se montrer épouvantablement bavard. Oui, plus bavard encore que moi dans mes posts à rallonge, c’est vous dire !
La scénariste Noriko Yoshida (dont c’est la première série que je regarde) va ainsi nous introduire dans le contexte de Gekiryuu non pas avec une voix-off d’exposition, mais avec deux puis trois voix-off ! Plusieurs personnages vont ainsi, tour à tour, raconter leur point de vue sur la découverte de ces emails, ainsi que sur l’étrange concours de circonstance qui fait que certains d’entre eux vont se croiser juste avant de les avoir reçus. C’est fait avec la finesse d’un pachyderme dans un magasin de porcelaine, d’autant que la première narratrice va s’exprimer si longtemps, qu’on va être pris par surprise quand le second va prendre le relai. Puis, pas de voix-off pendant plusieurs minutes… et là pouf, un troisième personnage prend la parole. Pourquoi ? Nul ne sait. Qu’est-ce qui justifie que ceux-là aient droit au chapitre et pas les deux autres ? Aucune idée. On comprend vaguement, par une allusion (une seule), que ça a un rapport avec la façon dont ils se racontent les choses au moment de se retrouver, afin de reconstituer les pièces du puzzle, mais narrativement, c’est très maladroit et mal présenté, en tous cas.
Par-dessus le marché, les passages dépourvus de voix-off sont constitués de très longues conversations (ou de flashbacks) qui rendent le tout épouvantablement longuet et même, par moment, rédhibitoire.
Le passage où les 5 amis vont prendre un verre dans un bar afin de parler des emails est certainement le plus affligeant de tous sur ce point. Avec un soucis supplémentaire, car on dirait que tous se connaissent depuis toujours alors que la plupart ne s’étaient plus parlé depuis vingt ans il y a encore quelques jours en arrière. En-dehors de quelques poncifs, on ne ressent pas du tout l’aspect retrouvailles qui faisait la force d’une des séquences-clés du pilote de Dousoukai, pour reprendre ma comparaison.

Alors, que réussit Gekiryuu dans ce contexte un peu pénible ?
Eh bien, tout l’aspect jouant sur le temps qui a passé et la vie qui leur est passée dessus. « Pour ceux que nous étions à 15 ans, le futur était une route éloignée et longue. Nous pouvons tout faire, nous pouvons devenir qui nous voulons, pensions-nous », sera une pensée évoquée par Keiko alors qu’elle repense à ce fameux dernier jour d’insouciance à Kyoto. Aujourd’hui les choses sont évidemment différentes.
Ainsi, Keiko, qui travaille pour une maison d’édition, est en plein divorce, avec un mari qui l’a trompée, a quitté le domicile voilà six mois, mais qui fait traîner la procédure et repousse sans cesse la médiation qui conduirait à officialiser la séparation. Pire encore, la carrière de Keiko, qui est présentée dans ce premier épisode comme la seule chose de positive dans la vie de Keiko (voire la seule chose tout court !) va prendre un sérieux coup dans l’aile au cours de la première heure de la série.
De son côté, Miya, qui avait arrêté l’école très tôt, est devenue une chanteuse plutôt populaire, avant d’être prise dans une descente aux Enfers qui s’est soldée par une arrestation pour possession de drogue. Désormais vivotant tant bien que mal de sa célébrité passée, elle semble pourtant n’avoir jamais vraiment achevé sa crise d’adolescence et est en perpétuelle rébellion contre tout. On apprend également à demi-mots qu’elle a coupé les ponts avec sa mère.
Kouji a quant à lui l’air de tout maîtriser dans la vie, en dépit de son attitude un peu trop polie voire docile. Enquêteur dans la police, il est essentiellement là pour orienter l’intrigue et fournir du concret quant à certaines (mais sûrement pas toutes !) interrogations de ses camarades sur les fameux emails. Il n’est pas très développé et on en apprend peu sur lui, ce qui laisse à penser que le scénario va essentiellement s’en servir pour faire avancer l’intrigue, mais que sur un plan dramatique il sera assez inutile. C’est pas grave, je le trouve assez irritant.
Yutaka, dit « Saba », est différent. On en sait relativement peu sur lui si ce n’est qu’il travaille dans le secteur bancaire ; il annonce en début d’épisode avoir divorcé et aller à Kobe rendre visite à son fils, et ce sera tout sur sa vie privée jusqu’à la scène de fin de l’épisode. Mais sa présence un peu autoritaire et charismatique, ses interventions intelligentes bien que plutôt rares, donnent l’impression d’un personnage qui complet qui n’a pour l’instant pas dévoilé toute sa richesse, mais avec un grand potentiel. En tous cas, le potentiel de la scène de fin de l’épisode est également parlant sur les désillusions que Saba peut connaître à l’âge adulte.
Mais le personnage le plus intéressant à mon goût est sans conteste la douce Takako. Bourgeoise aux manières impeccables et à la petite fille parfaite, inscrite dans l’école privée parfaite, Takako cache un secret qui en cache lui-même un autre : son mari est au chômage… et pas spécialement pressé, semble-t-il, de se sortir de cette situation. Alors comment Takako gère-t-elle les finances de son foyer…? Je sais pas si je dois vous le dire, mais ça fait son petit effet et c’est fascinant de voir comment Takako s’est adaptée à ce nouvel ingrédient de sa vie. Cela fait d’elle celle qui a sûrement le plus à perdre si jamais cette histoire d’emails dérangeants venait à tourner au vingaigre (et ce serait étonnant que ça ne tourne pas au vinaigre), et cela fait également d’elle le personnage le plus complexe de la série, même si, hasard ou coïncidence, c’est sûrement celui qui est le plus en retrait dans la dynamique de groupe.

Clairement, la majorité de ces personnages n’a pas la vie d’adulte dont tous devisaient avec optimisme 20 ans plus tôt. Et comme souvent dans la société japonaise, le premier réflexe des uns et des autres est évidemment de garder ces réalités pour soi, plutôt que les partager avec les autres, quand bien même ils seraient des amis d’enfance.
C’est là que Gekiryuu fonctionne bien. Et nul doute que, si l’auteur de ces emails morbides s’y prend bien, ces old little liars devraient craindre pour leur vie déjà pas marrante, et voir les choses progressivement empirer si jamais quelqu’un (mais qui donc mais qui donc ?) souhaitait les tenir pour responsables de la disparition de Fuyuha.

Espérons donc que cette disparition se bornera dans les épisodes suivants à servir de prétexte à la scénariste pour torturer un peu les 5 amis. Je suis sadique, mais j’assume ! Et je suivrai leur calvaire avec d’autant plus de plaisir que pour le moment, personne ne semble se perdre dans des histoires d’amour bourrées de clichés, ce qui décuple l’intérêt de Gekiryuu à mes yeux. Ah, attendez, je viens de me rappeler d’un truc qui expliquerait pourquoi j’ai arrêté Dousoukai !

Qui sait, peut-être même qu’à un moment ils vont se souvenir de ce pauvre Jimmy… que je soupçonne quand même sérieusement d’être assis dans une cave sordide et mal éclairée à envoyer des emails signés Fuyuha. Mais ça se trouve, j’ai tort. Et il n’y a qu’une façon d’en avoir le coeur net !

par

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

3 commentaires

  1. Toeman dit :

    Je suis bien embêté, parce que ça m’aurait presque tenté lorsque tu avais fait l’état des lieux des nouveautés à venir, mais, quand je lis ta review, je ne suis pas sûr d’y trouve mon compte en fait.

    Peut-être en reparleras-tu par la suite, après avoir vu d’autres épisodes… Je reste aux aguets.

  2. akito dit :

    En fait Jimmy (Nagachi de son vrai nom, enfin diminutif) finira tout de même par faire surface au travers de l’enquête menée par Kouji, impliquant peut-être aussi Miya qui a un casier judiciaire… Mieux vaut tard que jamais 😀
    Jusqu’à présent (épisode 3) j’ai l’impression que les manifestations de Fuyuha sont surtout un prétexte pour suivre la vie plus ou moins ratée sur le plan professionnel et/ou personnel de ces cinq adultes 20 ans après l’époque du lycée, leurs mensonges, frustrations, désillusions etc. Mais j’espère bien que l’intrigue va avancer.
    Petite subtilité du scénariste, l’air joué à la flûte par Fuyuha est extrait de l’Arlésienne… Celle dont tout le monde parle mais qui n’apparaît jamais ! L’auteur nous indiquerait ainsi qu’on ne retrouvera pas Fuyuha ?

  3. akito dit :

    Bon, le dénouement finit par arriver… Mais à grand renfort d’hystérie, de stratégies (très) mal ficelées, aberrations (votre être cher tombe dans un ravin et reste inanimé, allez-vous appeler du secours ? Non, vous le serrez dans vos bras toute une nuit en espérant qu’il va se réveiller bien entendu !) et autres infos de dernière minute qui rendent l’intrigue tout à fait banale. J’ai regardé les derniers épisodes sans conviction.

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