Sans appel

2 août 2013 à 23:47

Chose promise, chose due, aujourd’hui je vous emmène en Australie. Enfin, plutôt à Singapour. Mais en passant par le Cambodge. Oh, et le Vietnam, j’avais oublié le Vietnam.
Cependant, je confesse bien volontiers ma malhonnêteté : aujourd’hui, en fait de voyages, je ne vais pas tellement vous faire rêver, puisque voici venue l’heure de ma critique de la première partie de la mini-série Better Man.

Nan parce que, pour le dépaysement coloré et l’illumination spirituelle, on repassera ! On n’est pas dans 30° i Februari, ici. Ou plutôt, vous vous rappelez de la scène à l’aéroport dans le pilote de 30° i Februari ? Eh bah la même, en pire. Comment ? Vous n’avez pas vu 30° i Februari ? Nan mais là, non, hein, franchement, je sais même pas pourquoi je me donne du mal. Bon, eh bien imaginez être dans un pays du Sud-Est asiatique où vous ne connaissez personne, et où vous êtes arrêté par la douane… Sauf qu’au lieu d’avoir par inadvertance fait quelque pas avec un testeur de produit cosmétique, là, vous avez 400g d’héroïne sur vous. Voooilà, je vois que vous y êtes.

C’est l’histoire de Van Nguyen, 22 ans, un Australien d’origine vietnamienne qui se retrouve empêtré dans une bien mauvaise affaire. Il a des dettes. Il a besoin d’argent. Il a un « ami » qui peut l’aider. Tout ce qu’il a à faire, c’est emmener une somme indécente d’argent à Phnom Penh, puis récupérer de l’héroïne et la ramener en Australie, via un vol avec escale à Singapour.
Le problème c’est qu’il y a deux problèmes : d’une part, Van est terrifié, ce qui est légitime mais pas en sa faveur, et d’autre part, il est hanté par ses origines.

Il est en effet né dans un camp de réfugiés vietnamiens, en Thaïlande. Sa mère, une Vietnamienne, s’installe ensuite en Australie avec lui et son frère Khoa, et même s’il n’y a pas d’argent, elle fait de son mieux. Et lors de son périple à Phnom Penh, il va soudain être pris par le besoin irrépressible d’aller faire un détour par le Vietnam pour retrouver la maison où sa mère a grandi à Ho Chi Min Ville, avant de devoir fuir le pays. Sauf qu’en faisant ce détour, il va se mettre en retard, ce qui dans la panique ne va pas l’aider à conserver ses moyens, et surtout, va le mettre en difficulté avec son « ami » qui ne va du coup plus du tout avoir envie de l’aider à accomplir sa mission. Seul, paniqué, trempé de sueur moitié à cause de la chaleur, moitié à cause de la terreur, Van va donc cumuler les erreurs lors du trajet de retour avec la drogue, et va donc finir par se faire attraper.

Oh, oui, juste une chose. J’oubliais un petit détail : l’histoire de Van Nguyen est vraie.

Better Man est donc un biopic, et si vous voulez vous spoiler méchamment, je vous recommande chaudement la lecture de la page Wikipedia du jeune homme, quelques lignes de lecture à peine devraient vous raconter la fin de l’histoire. L’affaire avait fait grand bruit en Australie, comme souvent lorsqu’un ressortissant d’un pays est emprisonné loin de chez lui ; d’ailleurs, la diffusion de la mini-série n’est pas pour plaire à tout le monde, la famille de Nguyen elle-même ayant une réaction épidermique à la série.

Le soucis de Better Man, c’est que l’ampleur des charges (et la peine encourue) rendaient l’affaire d’autant plus sensible, et ambivalente. On parle de plusieurs centaines de grammes d’héroïne pure ! Or Better Man a choisi d’être le plus partial possible, et part du principe que Van Nguyen n’est qu’une victime. Certes, il y a des circonstances atténuantes, mais dans la façon dont la série met en scène aussi bien les différentes circonstances qui conduisent Van à se faire coffrer par la douane singapourienne, tout est fait pour nous le faire prendre en pitié, et pas nous dire : « ouais, moi aussi j’ai un prêt COFIDIS, pour autant je vais pas trafiquer de l’héroïne dans un pays étranger, hein ». D’ailleurs, pour que la famille de Nguyen ait un problème avec cette partialité, il faut vraiment qu’il y ait quelque chose qui cloche !

Le blâme n’en revient absolument pas Remy Hii, qui donne tout ce qu’il a dans le rôle central de Better Man (et je ne parle pas juste d’hectolitres de sueur). L’acteur fait avec le scénario qu’il a, c’est-à-dire quelque chose qui ressemble quand même vaguement à un torchon apologiste prêt à marteler par autant de moyens possibles que s’il a l’air triste, perdu, et qu’il a un sens de la famille surdéveloppé, on devrait pardonner au héros de n’avoir pas respecté la loi. Regardez-le, il a l’air d’un chiot ! Un chiot dégoulinant de transpiration… mais quand même ! On ne peut pas lui en vouloir ! Pourquoi les méchants Singapouriens ne veulent pas le relâcher ? Comme si leur législation était plus importante que le regard meurtri d’un jeune trafiquant de drogue ! Regardez-le comme il est misérable…

Remy Hii se défonce, donc (si vous me passez l’expression), et franchement il a ses bons moments, mais l’écriture est pénible. Car outre le problème du message de fond, on a aussi un scénario qui fait un peu n’importe quoi sur un plan structurel.
Better Man était à l’origine supposé être une mini-série en 4 épisodes de 50 minutes chacun. Sauf que pour une raison qui m’a échappé, SBS a décidé de diffuser la série… en deux soirées. Sur le principe rien de condamnable (ça arrive à plein de séries très bien), sauf que cela rend encore plus évidents les problèmes : là où le premier épisode est plutôt linéaire et bourré de rebondissements, mais complètement désagréable car dépourvu de tout contexte (on va voir Van suivre chaque étaple du plan de son « ami » jusqu’à son arrestation à la douane), le deuxième épisode, à travers l’interrogatoire auquel Van est soumis, va au contraire n’être que contexte, et zéro action. Cet épisode va de surcroît accumuler les flashbacks désordonnés, un coup en avant, un coup en arrière, et c’est brouillon, même avec la date qui apparait au bas de l’écran (« 2 mois plus tôt », « 4 mois plus tôt », « 14 ans plus tôt », « 10 jours plus tôt », « 2 mois plus tôt »…). Le résultat c’est qu’on est plongé directement dans l’action sans aucune explication pendant près d’une heure sur les motivations du héros, ce qui est problématique. L’autre résultat, c’est qu’on ne comprend pas certaines choses, mais que, là où l’absence de compréhension aurait pu ouvrir l’appétit du spectateur, désireux de connaître le background d’un personnage qui occupe 99,9% du temps d’antenne, on se retrouve au lieu de ça dans la situation où on voit un gamin s’agiter sans raison, suer à grosses gouttes, et enchaîner les mauvaises décisions sans la moindre explication de la part du scénario.
Qu’on soit obligé de croire sur parole une série qui veut nous dépeindre une victime des circonstances sans expliquer ces circonstances pendant la première heure (sur quatre !) relève quand même de l’arnaque.

Si ce n’était pour la performance de Remy Hii (encore qu’à un moment, il faudra quand même tenter de changer de registre), Better Man serait bien pénible à regarder. D’un autre côté, l’intrigue opère aussi progressivement un changement de direction qui laisse à penser que même Hii ne sauvera pas éternellement la série, puisque l’ampleur internationale que prend son affaire va progressivement nous conduire à regarder les choses sous un angle différent, plus légal, plus diplomatique aussi. On peut d’ailleurs le voir au nombre de personnages non-asiatiques qui s’invitent progressivement dans le deuxième épisode (enquêteurs, personnel d’ambassade… et prochainement avocats). Heureusement qu’il y a des Blancs pour venir à sa rescousse, quand même…

Sur le principe, je suis intéressée par tout ce qui peut me renseigner sur des affaires ayant fait l’actualité en Australie. C’est quand même l’un des avantages des voyages téléphagiques : on en apprend plus que pendant n’importe quel cours d’Histoire ou journal télévisé. Mais l’écriture piteuse, qui prend la défense sans prendre dans la foulée le moindre recul, et se contente de vouloir absolument nous attendrir (à retardement, je dirais… il est un peu tard pour alerter le grand public, l’affaire date de 2002), gâche absolument tout.

Sur un sujet similaire, je serais plus encline à tenter la mini-série japonaise Prisoner, diffusée par WOWOW (un argument supplémentaire !), plutôt que de devoir regarder les deux derniers épisodes de Better Man. Qui d’ailleurs ont été diffusés en une seule soirée hier. Par contre, si Remy Hii veut se retrouver dans une autre série intéressante (donc non, je n’inclus pas H2O), qu’il me fasse signe, j’y jetterai un oeil avec plaisir. Mais là… là non.

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