Quand on essaye de s’intéresser à la télévision philippine, une chose apparait comme évidente : la fiction philippine a beaucoup de boulot à faire.
Tout saute aux yeux dés la première minute de visionnage, quelle que soit la série tentée : il n’y a pas de budget, la direction d’acteurs laisse à désirer, les acteurs eux-mêmes sont très souvent plus beaux que bons, le scénario ne brille pas par sa finesse… La plupart de ces séries sont tournées au kilomètre et dans des conditions marathoniennes, ce qui n’arrange rien à ces problèmes. Ou, selon votre point de vue, les exploite sans se soucier des conséquences.
Et pourtant, la télévision philippine, si j’ai du mal à la regarder pour les raisons évoquées plus haut, en plus de la barrière de la langue (DES langues !), j’ai en revanche une tendresse toute particulière pour elle, et j’aime garder un oeil sur son actualité. Aujourd’hui, je vais vous donner un exemple du pourquoi…
Quelques rappels sur la télévision philippine, d’abord.
La « Pinoy TV », c’est avant tout le règne de la teleserye, un format qui emprunte plutôt aux codes de la telenovela (d’ailleurs lors des récompenses internationales, ce sont systématiquement dans cette catégorie que concourent les séries philippines). Ainsi, la teleserye est profondément feuilletonnante, diffusée généralement en quotidienne (en journée, ou en primetime c’est-à-dire entre 19h et 21h30), et à destination d’un public essentiellement féminin (et/ou jeune). Elle fonctionne aussi généralement sur le principe d’une saison unique, sauf inévitables exceptions qui confirment la règle. La différence essentielle avec la telenovela réside dans le fait que la teleserye ne fonctionne pas sur le principe d’un nombre d’épisodes rigidement prévus à l’avance ; un peu comme les soaps indiens, il s’agit plus de raconter une histoire aussi longtemps qu’on le souhaite et que les audiences le permettent ; une teleserye peut ainsi avoir quelques dizaines d’épisodes… ou plus d’un millier. Les annulations ne sont d’ailleurs pas rares, et les networks ne se privent pas, au besoin, de supprimer une série après quelques semaines de diffusion.
La télévision philippine, pour ces raisons, ne connaît pas de « saisons » : les séries commencent quand la précédente a fini dans la case horaire, et puis c’est tout ; un peu comme cela se passe en Corée du Sud, par exemple.
Ce sont deux grands networks privés qui se taillent la part du lion dans le panorama de la fiction philippine : ABS-CBN d’une part, et son concurrent direct d’autre part, GMA Network. Historiquement, c’est ABS-CBN qui est le premier network a avoir lancé une teleserye : il s’agissait de Hiwaga sa Bahay na Bato en 1963 ; à l’époque, cependant, on n’utilisait pas encore le terme de teleserye, qui est apparu au début des années 2000 mais est utilisé rétroactivement pour toutes les séries du genre.
Les deux networks sont très chers au coeur des spectateurs philippins, au point que chacun a son petit surnom affectueux : ABS-CBN est le « Kapamilya network » (le network de la famille), et GMA est le « Kapuso network » (le network du coeur) ; le matériel promotionnel des deux networks utilise très régulièrement ces surnoms pour parler des programmes ou de l’actualité des networks, et lesdits surnoms ont été totalement adoptés par la population.
Les colosses se livrent une bataille sans merci, qui passe par quelques stratégies assez uniques au monde de nos jours. ABS-CBN et GMA fonctionnent par exemple essentiellement sur le principe de blocs ; un peu comme la Trilogie du samedi pour M6 (je vous parle d’un temps…), il s’agit de créer une marque : les séries passeront dans cette case se suivront, mais la marque restera. Quasiment tous les blocs dédié aux teleserye sont concernés par ce phénomène ; on peut par exemple citer Telebabad, sur GMA, qui est le bloc fermant le primetime en semaine.
Mais l’exemple le plus frappant des méthodes philippines un peu à part, est la façon dont les deux networks recrutent leurs talents : il y a d’une part les acteurs Kapamilya, et d’autre part les acteurs Kapuso, ET ON NE SE MELANGE PAS ! Un acteur signe en effet un contrat d’exclusivité avec un network, qui l’engage pour une durée donnée à être managé par la branche « agence de management » de la chaîne… c’est tellement plus facile de produire des fictions quand les personnes qui commandent les séries sont les mêmes qui prennent les décisions pour les acteurs ! Ainsi étiquetés, sinon à vie, au moins pour plusieurs années, les acteurs font partie de l’identité du network ; leur visage est déjà une façon de promouvoir la chaîne, et d’ailleurs le network ne s’en prive pas, faisant aussi de ses cohortes de jeunes acteurs des égéries publicitaires, des présentateurs d’émissions, des ambassadeurs à des évènements, et ainsi de suite. La conséquence, c’est qu’évidemment, les échanges entre networks sont rarissimes : un acteur peut changer de network à la fin de son contrat, mais c’est la seule façon pour un acteur de figurer dans une série de la concurrence, car pendant la durée du contrat, c’est absolument hors de question. Les séries des deux networks recyclent donc indéfiniment les mêmes visages…
Enfin, « indéfiniment », c’est une façon de parler, car si les acteurs les plus populaires n’ont aucun mal à être castés dans le prochain projet de la chaîne (pourquoi tuer la poule aux oeufs d’or ?), les autres disparaissent, remplacés par les arrivages fréquents de chair fraîche. Qui plus est, la télévision philippine étant friande de gens très beaux et très jeunes (…et très refaits, diront les mauvaises langues), la popularité d’un acteur est forcément assez éphémère. Les networks fabriquent donc régulièrement de nouvelles stars, histoire d’entretenir le système.
Une mécanique bien rôdée qui se double d’une industrie privilégiant la production in-house (même s’il existe également des sociétés de production indépendantes des networks), rendant les choses encore plus faciles à gérer pour les networks.
A noter que la télévision philippine n’est pas uniquement constituée de teleserye ; il existe également des séries diffusées de façon hebdomadaire, les serials, au nombre d’épisodes prévus à l’avance et dépassant rarement une saison, ainsi que des formats anthologiques, très appréciés. La structure des anthologies est in fine à rapprocher des « créneaux-marques » que j’évoquais plus tôt, permettant de mettre l’accent sur l’identité du bloc (et à travers lui, du network) plutôt que sur la série elle-même.
L’une des séries anthologiques les plus populaires des Philippines est ainsi Wansapanataym (lisez-le à voix haute ; félicitations, vous parlez le Philippine English), créée en 1997, annulée et ressucitée plusieurs fois selon les besoins du network, et permettant de diffuser des histoires fantastiques le weekend en primetime ; les épisodes durent 45 minutes chacun, ne présentent par définition aucune forme de continuité, et permettent à ABS-CBN qui diffuse l’anthologie de tester des concepts et/ou des acteurs. En cas de flemmingite aigüe, pas de problème : Wansapanataym se propose aussi de diffuser des épisodes qui sont, tenez-vous bien, des remakes d’épisodes plus anciens ; on reprend les mêmes scénarios, et on recommence avec de nouveaux acteurs à quelques années d’écart !
Mon Dieu, les networks ont vraiment la belle vie aux Philippines…
Cependant, qu’on ne s’y trompe pas : le produit-phare de la Pinoy TV est, et reste, la teleserye, son format le plus populaire… et donc le plus lucratif.
D’autant plus lucratif que, comme je le disais en introduction, les exigences de production, d’écriture ou de jeu sont minimes. Mais, et c’est ce dont je voulais vous parler aujourd’hui, ce que la télévision philippine n’a pas nécessairement (ou pas du tout, selon votre niveau de tolérance) dans ces domaines, elle le compense en ayant des idées. Plein d’idées. Farfelues, parfois ! Bon ok, très souvent. Mais c’est précisément ce qui fait son charme.
Ainsi, la teleserye a vu naître un sous-genre, la fantaserye et la telefantasya. Aaah, oui : c’est un seul sous-genre, mais il y a deux noms ; vous commencez à comprendre que les deux networks dominants ne partagent RIEN aux Philippines, même pas les noms des genres de leurs fictions ! Fantaserye et telefantasya désignent la même chose, mais selon qu’on parle respectivement d’ABS-CBN ou de GMA, on emploiera l’un ou l’autre.
Vous l’aurez deviné, les deux termes désignent des séries fantastiques… un domaine dans lequel les networks se sont montrés particulièrement prolifiques ces derniers temps ! ABS-CBN a une fois de plus lancé les hostilités, en février 2004, avec Marina, suivie de près par GMA en août de la même année, avec Mulawin.
Ces deux séries posent les bases de ce que seront bien souvent les séries fantastiques philippines ; ainsi, Marina est l’histoire d’une sirène née de parents parfaitement humains, mais maudite pour une raison obscure dont elle n’est absolument pas responsable, et qui se retrouve donc avec la poids d’une différence avec le reste de ses proches… écailleuse, dirons-nous. Mulawin de son côté s’intéresse à des êtres dotés de pouvoirs surnaturels (et d’ailes) qui s’opposent dans un combat épique dont les mortels sont l’enjeu, avec d’un côté, les « gentils », de l’autre, les « méchants », et au milieu, des romances impossibles ou des trahisons par des membres de la famille histoire de rendre le tout plus tragique.
Depuis lors, plusieurs dizaines de « telefantaserye », si vous me pardonnez ce mot-valise, ont vu le jour en moins d’une décennie, sur des sujets toujours plus étranges, avec toutes sortes de créatures mythologiques improbables, mais reprenant soit la structure de la créature surnaturelle qui doit surmonter sa différence, soit celle de l’affrontement du bien contre le mal pour protéger les humains. Vous vous rappelez peut-être que je vous ai parlé de la série Mutya il y a quelques temps, eh bien voilà, vous avez tout compris. Sinon il y a toujours les tags… Et à l’opposé du spectre, il y avait Ilumina, que j’avais évoquée sur Twitter. Voilà pour la télévision fantastique aux Philippines.
A cela faut-il encore ajouter un courant plus récent, les epicserye, qui sont des séries d’action héroïques (parfois mêlées de fantastique) se déroulant dans un passé réel ou fantasmé, un peu dans le genre de ce qu’on a pu connaître avec Hercule ou Xena. On y suit un héros ou une héroïne qui va devoir traverser de nombreuses embûches, livrer de nombreuses batailles, et se lancer dans un parcours initiatique. Le genre, lancé par Amaya, a permis aux séries fantastiques de prendre un nouveau souffle, car contrairement à la majorité des pays de la planète, les Philippines n’avaient quasiment pas de fictions en costumes.
La chose est entendue : ce que les séries philippines n’ont pas en… en tout à vrai dire, eh bien, elles compensent avec des idées.
Par exemple vous vous rappelez peut-être de cette news que j’avais écrite à l’époque où je travaillais sur SeriesLive, mentionnant le lancement de Budoy!, une série mettant en scène un handicapé mental abandonné par sa famille honteuse de son handicap ? Tout ça dans un bloc ultra-populaire de l’access primetime… Eh bien voilà, Mesdames et Messieurs, ce qu’est la télévision philippine : le goût de faire des choses atypiques et de tenter des concepts étranges ou risqués. Et de ne pas le faire en cachette, quelque part en septième partie de soirée ou en crypté, mais bien dans les blocs les plus populaires de deux plus gros networks.
On les applaudit sans retenue : les séries Pinoy méritent des points pour l’effort.
…Ce qui m’amène à mon sujet du jour. J’ai parfois des sujets du jour qui font poupée russe, que voulez-vous.
Car aujourd’hui, je voulais vous parler de la dernière idée pas piquée des hannetons trouvée par la télévision philippine, plus précisément par GMA Network. Le mois dernier, le Kapuso network a en effet lancé My Husband’s Lover, une teleserye qui repose sur un postulat osé : raconter l’histoire d’une femme, de son mari… et de l’amant de celui-ci. Dans un pays où, par exemple, l’Islam est la religion monothéiste la plus ancrée historiquement, et où plus généralement, les moeurs sont encore très conservateurs, il fallait le faire.
My Husband’s Lover commence son pilote, diffusé le 10 juin dernier, sur un mariage pluvieux se déroulant en 2003. Ce n’est pas vraiment un mariage heureux : Lally, la promise, n’est pas extatique, elle traverse l’allée le regard triste (voire craintif quand il croise celui de sa future belle-mère) et le pas hésitant. Tout cela s’explique par bien des flashbacks sur son enfance malheureuse, forcément malheureuse (dont je vous épargne les détails), remontant jusqu’en 1992, mais trouvant une conclusion heureuse lorsque Lally fait la connaissance en 2002, pendant ses études, du charmant Vincent, fils de bonne famille, drôle, charmant, ai-je mentionné charmant ? Bref, le bout du tunnel. Sauf qu’avant même d’avoir rencontré la famille du charmant Vincent, Lally et lui passent une folle nuit de passion, elle tombe enceinte, et Vincent décide de l’épouser. Du coup forcément, les noces manquent un peu d’enthousiasme…
Tout cela semblerait tristement classique comme série, sauf que Vincent est bisexuel, et que l’amour de sa vie, Eric, reparaît dans sa vie 10 ans après son mariage avec Lally.
Le pilote de My Husband’s Lover ne va, à vrai dire, même pas aussi loin : en 49 minutes, nous allons surtout nous faire expliquer le background de Lally, ses rapports difficiles avec sa mère et sa petite soeur, sa rencontre en apparence idyllique avec Vincent, les premiers signes de la mésentente avec sa belle-mère… procédant à de nombreux voyages dans le passé, comme vous avez pu le constater (mais clairement datés, heureusement pour le spectateur !).
Dans tout cela, Vincent apparait comme un homme mystérieux et providentiel, un prince idéal, guère plus. Ce n’est que dans les épisodes suivants, dans lesquels Lally (mariée et, avec les années, mère de deux enfants) va découvrir que Vincent a renoué avec Eric, et que les choses vont devenir plus explicites, toutes proportions gardées évidemment.
My Husband’s Lover aborde donc plusieurs sujets : les relations sexuelles avant le mariage (Lally se prenant dans le pilote une soufflante par sa mère parce qu’elle est tombée enceinte hors-mariage) ; les mariages contractés pour de mauvaises raisons et/ou dans la précipitation, qui font qu’on ne sait pas forcément avec qui on convole ; la vie « dans le placard » des homosexuels comme Vincent ; la vie « out » comme celle que mène Eric ; la trahison évidemment (classique du soap quel que soit le pays, admettons-le)… mais aussi, et c’est au moins aussi important, la bisexualité.
Car Vincent ne s’est pas marié avec Lally contre sa volonté, ou pour faire plaisir à qui que ce soit : il l’a mise enceinte. En fait, l’enjeu de la série repose précisément sur le fait que Vincent aime sincèrement Lally… Et la nuance est de taille, permettant d’apporter une certaine subtilité à l’intrigue et la position de chacun dans ce triangle amoureux atypique.
Dés le début, les spectateurs philippins ont accroché avec My Husband’s Lover. Pour sa première soirée de diffusion, la série a pris la tête des audiences (devançant de TRES loin la série d’ABS-CBN diffusée en face, Apoy Sa Dagat, un drama beaucoup plus classique sur une femme amnésique qui se dédie entièrement à l’homme dont elle est tombée amoureuse après avoir perdu la mémoire), et à vrai dire, elle ne l’a plus lâchée depuis. My Husband’s Lover est également devenu un trending topic sur Twitter aux Philippines pendant cette première soirée, et régulièrement depuis. Le 24e épisode de My Husband’s Lover lui a même permis de devenir un trending topic mondial cette semaine, ce qui est une première pour une série Pinoy.
Pour My Husband’s Lover, le défi n’est pourtant pas totalement surmonté. Ce serait trop facile. Au bout d’un mois de diffusion, la teleserye n’a toujours pas montré de baiser entre Vincent et Eric (c’est à ce prix qu’elle peut continuer à être diffusée en fin de primetime par GMA, à 21h30), par exemple. Elle est étroitement surveillée par certaines institutions, dont la Conférence des évêques catholiques des Philippines qui a encouragé les membres de ses paroisses à déposer des plaintes s’ils venaient à noter le moindre manquement aux règles de la Movie and Television Review and Classification Board (MTRCB), l’équivalent du CSA. Ce à quoi la MTRCB a répondu que si on lui indiquait une scène fautive en particulier, et uniquement à ce moment-là, elle entrerait en action.
Ce baiser qui ne vient pas est un vrai sujet qui fâche : quasiment chaque épisode voit Vincent et Eric en tête à tête, mais incapables de se donner une preuve d’affection. GMA, qui produit la série en in-house, a promis de ne pas franchir la ligne ; mais le réalisateur de la série, Dominic Zapata, a quant à lui affirmé que la MTRCB avait été sollicitée afin d’obternir une levée exceptionnelle et très officielle de l’interdiction, et indiqué que pour le moment, l’équipe de la série tentait de gagner la confiance de la MTRCB en faisant preuve de bonne volonté et de retenue. GMA comme Zapata sont en tous cas d’accord sur une chose : ils ne veulent ni fâcher ni les conservateurs, ni les associations LGBT ; ils ont donc une marge de manoeuvre très étroite.
My Husband’s Lover a en tous cas le mérite, à travers son histoire (et ses mésaventures administratives), d’avoir soulevé des questions jusque là peu discutées dans les médias grand public aux Philippines ; la dernière occasion a été le coming-out de la chanteuse et actrice Charice Pempengco (vue dans Glee) en mai dernier, qui a annoncé publiquement être lesbienne. Le tournage de My Husband’s Lover venait alors à peine de commencer.
Et en-dehors de la Conférence des évêques catholiques et de quelques autres groupes (généralement religieux), la conversation est finalement intelligente, et bien menée, ce qui a de quoi surprendre quand on est une spectatrice française qui a assisté aux débats sur l’ouverture du mariage aux couples homosexuels. Je vous mets au défi de googler My Husband’s Lover et de trouver un seul article négatif, hors citation de la Conférence des évêques (et vous pouvez faire le test, beaucoup de sites Pinoy sont pour tout ou partie rédigés en anglais).
Ce sont toutes les questions sur l’homosexualité dans la société philippine qui semblent sortir d’un coup. My Husband’s Lover est, dans ce contexte, félicitée pour la façon dont elle montre des personnages homosexuels éloignés de toute caricature (ni Vincent ni Eric ne sont efféminés, par exemple ; Vincent est notablement bisexuel, il a même fait un second enfant à sa femme après leurs noces, etc.), ce qui est unanimement reconnu comme étant une première à la télévision Pinoy. Qui plus est, le jeu y est plus nuancé que dans beaucoup d’autres teleserye ; un soin particulier a vraisemblablement été apporté par GMA à ce projet, développé pourtant seulement depuis janvier par sa créatrice Suzette Doctolero.
La diffusion de la série a donné l’occasion à un couple d’hommes, June Lana et Perci Intalan, d’annoncer publiquement leur intention de se marier lors d’un prochain séjour à New York, lançant ainsi, en toile de fond, la question de la reconnaissance des couples homosexuels ; June Lana est le directeur créatif de My Husband’s Lover. Dans la presse, les rares célébrités ayant fait leur coming out s’expriment sur la série, affichent leur soutien, mais aussi discutent des thèmes abordés, du regard des proches, de la violence de l’homophobie (dans un épisode, un flashback explique comment Eric a dû surmonter une aggression homophobe dont il a été la victime), et ainsi de suite. Des tribunes sont publiées dans la presse par des spectateurs gay. Le dialogue s’engage dans les églises, les écoles, les entreprises, peut-on lire un peu partout. Dans tout cela, My Husband’s Lover est une initiative qui a su soulever un sujet de société avec tact et intelligence. Et à faire des audiences du feu de Dieu dans la foulée.
En ce moment, la télévision philippine célèbre « 60 ans de soap opera » depuis la diffusion de Hiwaga sa Bahay na Bato. GMA ne fait pas les choses à moitié avec ce projet ambitieux, qui soulève des questions inédites, mais le fait sans tomber dans la facilité de la polémique ; My Husband’s Lover est la preuve que même si la fiction philippine a beaucoup de boulot à faire… elle a pourtant d’énormes qualités.
Et juste comme ça, j’éprouve encore un peu plus de tendresse pour cette télévision philippine qui, en dépit de ses problèmes de budget, d’écriture ou de jeu des acteurs, se donne vraiment du mal pour repousser les limites à sa façon. J’aurais presque envie d’en tirer des conclusions sur la fiction française, mais je n’aime pas tirer sur l’ambulance. Pas aujourd’hui en tous cas.
Le mot de la fin, je le laisse à l’acteur Gardo Verzosa, actuellement au générique de Mga Basang Sisiw, une autre série Kapuso diffusée à l’occasion des « 60 ans du soap opera » Pinoy, et qui a déclaré dans une interview : « le network ne diffuserait pas la série s’il ne pensait pas que les spectateurs ont des choses à en apprendre ».
Je crois qu’on a tous quelque chose à en apprendre.